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À se boucher les oreilles et le pire est à venir ! Ces expressions qui font fureur chez les jeunes

Rédigé par leral.net le Jeudi 5 Mars 2015 à 02:28 | | 0 commentaire(s)|

Dans certains domiciles, établissements scolaires, émissions télé, pièces de théâtre, les âmes pudiques seraient bien inspirées de se boucher les oreilles tellement les expressions en vogue renvoient à la sexualité et à la violence. selon le sociologue Djiby Diakhaté, ces modes langagières qui renvoient entre autres à la dissidence, à la révolte, vont être de plus en plus crues. De l'avis de l'imam Youssou Sarr de Guédiawaye, le mal doit être tué à la racine. autrement dit, c'est dès la maison, les daaras, à la maternelle qu'il faut inculquer la politesse et la pudeur dans les propos.


À se boucher les oreilles et le pire est à venir ! Ces expressions qui font fureur chez les jeunes
Les jeunes rivalisent d'expressions les unes plus crues que les autres. Elles viennent souvent des animateurs radios et télévisions, des lutteurs, comédiens des séries… Ou simplement de nulle part et déroutent les anciennes générations. Rencontré au coin d'une rue, un jeune homme préfère ne pas utiliser ce genre de langage. Son répertoire dans ce domaine est tellement vide qu'il suggère d'écouter sur son téléphone portable Serigne Imam Yaly, qui s'exprimait sur ce thème dans une radio de la place. Le prédicateur, pendant 8 minutes, traite de tous les noms d'oiseaux les utilisateurs de ce type de langage qu'il estime ordurier.

"C'est quoi ces mots ? Une nouvelle série ?"

Vendeur de vaisselles trouvé au marché Hlm au milieu de ses marchandises, Souleymane ne sait même pas de quoi il s'agit. Surpris, le regard levé vers le ciel, il tente une réponse qui renseigne sur son degré de déphasage : "C'est quoi ces mots ? Une nouvelle série ? Je suis tellement fatigué quand je rentre le soir que je n'ai pas le temps de regarder la télé…". Ceci explique cela…

À la quête de clients dans les artères de Sandaga, Mbaye Thiam n'y va pas par quatre chemins pour dire qu'à son avis il s'agit de mots vulgaires, utilisés souvent par des jeunes filles qui imitent des animateurs ou comédiens de pièces de théâtre. Parfois, ce sont des mots sortis de nulle part. "Khana kheumatinga ? Qu'est-ce que cela peut signifier ? Quand un enfant de rien du tout se permet de dire "khalé carte gap", c'est trop. Cela dépasse la vulgarité.

Les anciennes générations ne connaissaient pas ces mots. Aujourd'hui, on favorise la médiocrité dans les médias. On ne fait pas de reportages sur les ports décents ; au contraire, dans les émissions matinales, on a droit à des décolletées et des "soit belle et tais-toi" qui ne débitent que des sornettes. La concurrence dans les médias nous porte vraiment préjudice", peste-t-il.

"Ça aide les jeunes a communiquer entre eux"

La cinquantaine, Abdou a une appréciation plus clémente que les précédents intervenants. Selon lui, ce lexique aide les jeunes à communiquer entre eux. Dans l'intimité dans leur chambre conjugale, il arrive qu'un homme dise dans le creux de l'oreille de son épouse : "yamay ray, yaye sama lép". De nos jours, ces propos sont étalés au grand jour.

"L'intimité est dans la rue à tel point que très souvent, on filme les ébats. Dans les coins sombres des boîtes de nuit, des jeunes se caressent, font l'amour dans les toilettes. La nuit, sur le parking sportif de la Corniche, ce sont des dizaines de véhicules avec des couples à l'intérieur qui se déversent dans ce lieu. Ce n'est pas juste pour parler du beau temps et de la pluie. Tout cela pour dire qu'autant dans le langage que dans les gestes quotidiens, la sexualité est dehors. C'est dommage".

"Je ne sais pas comment parlent mes enfants en mon absence"

Abdou ne se berce pas d'illusions au sujet du langage de ses enfants. "Devant moi, ils ne parlent pas de la sorte. Et si je les entendais parler comme ça, je les remettrais sur les rails. Mais en toute franchise, je ne sais pas comment ils parlent en mon absence", lance-t-il dans un large sourire. Vendeuse de cartes de crédit, la trentaine, teint clair, élancée, maquillage discret, elle préfère intervenir sous X.

"Yakoye dagaté, khana kheuma tinga… En toute franchise, je n'aime pas. Mon père nous interdit de nous exprimer ainsi. Je me dis que quand on a fait les bancs, on ne doit pas se permettre de parler ainsi. Même les plus petits s'y mettent, c'est n'importe quoi. Mais comment faire quand à longueur de journée dans les radios et le soir sur le petit écran, on n'a droit qu'à ce type de langage de la part d'animateurs et de comédiens ? On ne peut que se comporter de la sorte".

"Parfois , c'est juste pour baratiner"

Passant son index sur sa gorge pour faire le signe de quelqu'un qu'on égorge, Fatou, la trentaine, soutient que son père ne tolère pas ces propos vulgaires. "Si quelqu'un se hasarde à s'exprimer comme ça en sa présence, il le tue. C'est simple". Expéditif le pater ! D'une assurance débordante, M, coiffeuse, recule de deux pas pour mieux admirer la coiffure qu'elle vient de terminer. "Je suis imbattable", s'auto-satisfait-elle.

Debout devant la porte, une cliente qui passait dans le coin approuve ses propos avant de prendre congé après quelques minutes de salamalecs. A peine s'éloigne-t-elle que la coiffeuse lance : "Tu pars ? Yangui beureung sa barigo ? Je dis souvent cela aux clientes, histoire de leur mettre un peu de baume au coeur, mais celle-là est d'une telle mocheté que la meilleure coiffeuse du monde n'arriverait pas à la rendre attirante". Une vraie calomnieuse



RÉACTIONS… RÉACTIONS… RÉACTIONS…

AVIS DU SOCIOLOGUE DJIBY DIAKHATÉ : "Une mentalité qui renvoie à la révolte, la dissidence, la sexualité, la violence…"

Ces propos, analyse le sociologue Djiby Diakhaté, renvoient à une catégorie sociale bien déterminée et aux représentations que cette catégorie se fait du monde. Si l'on regarde bien, on les retrouve chez les jeunes du monde périurbain d'abord, et urbain ensuite. Ils reflètent une mentalité et des conditions d'existence. La mentalité renvoie aussi à la révolte et même à la dissidence par rapport à un cadre de vie et de norme établie. Deux volets sont visibles pour les cas spécifiques des modes langagières u Sénégal : les idées de violence et de sexualité apparaissent nettement, dit le spécialiste du comportement humain.

Djiby Diakhaté fait un Classement Dans un tableau à deux entrées.

Dans la première, on mettra tout ce qui renvoie à la violence comme "mo fi toth, mo koy dagaté, dor dorat, yobou ardo, dor marteau, kheupante acide, torturé sa bopp, guerre day saf mondiale". Dans la seconde, on retrouve la sexualité avec "def bamou bakh, yaye bagn, yako téré nekh, yaye bombe". En dehors de ce côté révolte et dissidence, il y a l'aspect condition de vie et là la mode langagière traduit un malaise, une pauvreté, une misère, une précarité, le chômage. Ce qui fait que ces modes langagières ne se voient pas par exemple chez les jeunes des Almadies ou de Fann, sauf s'il s'agit de quelques reliques.

Une disparition progressive de la symbiologie de camouflage

Comme toute mode, elle est soumise à des variations et évolue en fonction des générations sur le plan temporel, apparaissent et disparaissent. "Si l'on regarde bien l'évolution des modes langagières, on note une disparition progressive de la symbiologie de camouflage. On utilise des termes qui camouflent, on ne dit pas vraiment la chose, on fait des insinuations, mais plus on évolue dans le temps, plus le camouflage disparaît. Il y a moins de pudeur dans le langage".

Les animateurs et comédiens qui lancent la mode sont à la recherche d'audimat que l'on n'accroche pas si l'on utilise le langage habituel, normal. "Plus le langage est déviant, plus il accroche". Et les parents dans tout cela ? Pour le sociologue, la famille doit continuer de jouer son rôle de cellule sociale de base en assurant l'éducation initiale.

A côté, il y a les pôles sociaux alternatifs qui devaient capturer les plus jeunes, dans les émissions religieuses, scientifiques, les débats politiques. Ils doivent, souligne le sociologue, prendre en charge les préoccupations des jeunes. "Par contre, si ces pôles posent des problématiques qui n'intéressent pas les jeunes, ils vont aller de l'autre côté".

"On voit de grands hommes politiques tenir des discours peu respectueux"

Et puis, on a enfin les politiques qui, à la recherche du grand public jeune, s'installent dans cette dynamique en utilisant les mêmes termes. C'est ainsi qu'on voit de grands hommes politiques tenir des discours peu respectueux. Cela renforce les jeunes dans cette mode langagière. Malheureusement, note le spécialiste du comportement humain, celles qui vont venir vont être plus crues. On s'éloignera de plus en plus des normes de bienséance

Imam Youssou Sarr : "il faut tuer le mal à la racine"

Imam Youssou Sarr, Président du collectif des Imams de Guédiawaye, a constaté que le langage des plus jeunes est tellement déroutant que les plus âgés ne s'y retrouvent pas. L'Islam ainsi que le Prophète Mouhamet (Psl) conseillent de s'exprimer correctement en toute circonstance, surtout lorsqu'un jeune s'adresse à un adulte. "On doit revenir à l'éducation de base. On ne peut réciter que ce qu'on a appris. À la maternelle, à l'école, dans les dahras, tout le monde doit jouer son rôle", dit l'imam.

Contrairement à certains, il n'incrimine pas les animateurs ni les comédiens, qui ne reflètent selon lui que le comportement de la société. "Il ne faut pas qu'on oublie que les jeunes d'aujourd'hui sont les parents de demain. C'est à la racine qu'il faut tuer le mal. L'Islam nous recommande de bien éduquer nos enfants. Il faut une éducation intégrée. Dans l'ancienne génération, quand un enfant avait un mauvais comportement, le premier adulte sur lequel il tombait lui administrait une punition sans état d'âme et sans hésitation. Mais de nos jours, personne n'ose le faire parce que chacun vit de son côté et se suffit à lui-même", regrette Imam Youssou Sarr.


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