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Abdoulaye Ndiaye « Thiossane », griot afro-cubain : « Les réformes en cours sur les droits d’auteur vont restaurer la dignité des artistes »

Rédigé par leral.net le Vendredi 25 Juillet 2014 à 03:22 | | 0 commentaire(s)|

Abdoulaye Ndiaye « Thiossane », griot afro-cubain : « Les réformes en cours sur les droits d’auteur vont restaurer la dignité des artistes »
L’artiste-peintre et chanteur, Abdoulaye Ndiaye « Thiossane », s’est réjoui de la Société collective de droits voisins et de la reforme que l’Etat a décidé de mettre en œuvre en vue de restaurer la dignité de tous les artistes. L’ancien pensionnaire du Théâtre national Daniel Sorano, de l’Ecole nationale des arts (Ena) et des Manufactures des arts décoratifs (Msat) de Thiès, Abdoulaye Ndiaye « Thiossane », a souligné que les artistes sont longtemps restés au bas du tableau, faute d’organisation et de vision politique culturelle au Sénégal. Abdoulaye Ndiaye a rappelé que l’ancien président Léopold Sédar Senghor accordait une attention particulière à la culture sénégalaise, mais depuis son départ, la culture est restée le parent pauvre de l’action gouvernementale. Au sujet de la Société collective de droits voisins, il a invité le président Macky Sall à inscrire fortement dans le programme « Yoonu Yokkuté » une véritable politique culturelle afin que le développement des industries culturelles, qu’on a tant théorisé, se réalise sous son magistère. Selon lui, les artistes doivent également faire leur autocritique, tout en rendant la place qu’il faut aux anciens et patriarches de la culture sénégalaise qui peuvent encore réorienter la politique culturelle. « Il faut que les artistes bannissent les guéguerres, la concurrence déloyale, pour entretenir des relations saines, franches et devenir une véritable famille pour le bonheur de tous », a relevé Ndiaye. Abdoulaye Ndiaye « Thiossane », un autodidacte, a fait un parcours honorable à travers la peinture, le cinéma et la musique, avec la célèbre chanson « Thiéré lamboul » dont il est l’auteur.

Abdoulaye « Thiossane » Ndiaye est un griot. Le Sénégalais n’emploie pas ce mot par facilité de langage, comme le font parfois certains musiciens ou journalistes. Non, Abdoulaye est un griot et il sait comment les siens le sont devenus. Sous la tente des loges d’Africajarc, le voyage commence… « Je suis griot de Cayor, mais mes ancêtres ne l’étaient pas. Ils appartenaient à la famille des rois du Djolof, un royaume qui couvrait le territoire des actuelles Gambie et Guinée-Bissau jusqu’aux pays sérère et toucouleur. Quand le roi Ndjadja Ndiaye est mort, le nouveau roi décida de tuer tous ceux qui se nommaient Ndiaye. Alors mes ancêtres se réfugièrent dans le Cayor, où ils entrèrent dans le groupe des griots, ces conseillers des puissants qui racontent et chantent l’histoire… «

De fait, on pourrait écouter des heures Abdoulaye Ndiaye transmettre l’histoire de sa lignée, mais aussi la trame de chacune des chansons, de chacun des contes que sa mère lui disait le soir… Il a la mémoire fabuleuse de ces autodidactes dont la soif d’apprendre est étanchée par une attention de tous les instants qui leur permet d’emmagasiner une énorme quantité d’informations… « Ma mère m’a donné l’histoire de Lat Dior, le Damel du Cayor qui, au temps du gouverneur Faidherbe, ne voulait pas laisser les Français construire le chemin de fer Dakar-Saint-Louis, conscient que ce serait la porte ouverte à leur domination. Il fit la guerre aux Français pendant huit ans et mourût le 6 octobre 1886. Comme j’aimais cette histoire, j’ai créé une chanson. » Lat Dior est l’un des neuf titres de Thiossane, le premier album d’Ablaye Ndiaye à paraître en France.

Cela fait pourtant près de cinquante ans que cet artiste sénégalais compose et joue. Mais lui qui voulait être chanteur aimait aussi beaucoup le dessin. Il s’est formé à cette discipline en copiant les affiches des films diffusés au Sénégal, et il se souvient de chacune. « J’ai copié toute la série des Tarzan avec John Weismüller : Tarzan trouve un fils, Tarzan et la femme-léopard, Le Trésor de Tarzan… Puis il y a eu Jean Gabin dans La Bandera, Michèle Morgan dans Fabiola, des films arabes avec Farid El Atrache, Samia Gamal et Nour El Houda… J’ai copié aussi des affiches de films hindous comme Mangala, des films japonais comme Godzilla avec Hiko Tani… »

Autant de films qui lui donnent « beaucoup d’histoires dans la tête » ! Et beaucoup d’images aussi : Abdoulaye Ndiaye sera finalement peintre cartonnier à la Manufacture de tapisseries de Thiès. Ses œuvres se retrouvent aujourd’hui aux quatre coins du monde grâce à l’exposition Art contemporain du Sénégal initiée par le président Senghor. « Senghor, se souvient l’artiste, a aussi amené beaucoup de personnalités à Thiès, d’Aimé Césaire à François Mitterrand en passant par le Malien Modibo Keita ou le Tchadien Ngarta Tombalbaye… »

Cette carrière dans les arts plastiques n’empêche pas le griot de composer. Son titre Talene Lampe Yi – également sur Thiossane – fût ainsi l’hymne du premier festival des Arts nègres de Dakar, en 1966. Premier titre de l’album, Aminata Ndiaye, qui évoque les problèmes que pose la désobéissance à son mari d’une épouse, a été composé en 1963 et interprété par Souleymane Faye ou, en 1984, Youssou Ndour.

Abdoulaye précise : « Pour la musique, après Dieu, je remercie toujours Tino Rossi, dont j’ai écouté Marinella ou Petit papa Noël sur le phonographe que mon père avait acheté ! » Un phonographe grâce auquel il découvre aussi la musique cubaine du Septeto Habanero, avant d’admirer, au cinéma, « Luis Mariano, Le chanteur de Mexico, et surtout O Cangaceiro, le film brésilien qui fut distingué au festival de Cannes en 1953″.



Source : RFI et APS