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Abdou Diouf à L'Express : "Lorsque nous étions athées..."

L'ancien président de la République du Sénégal a accordé une interview à L'Express. Dans cet entretien, le secrétaire général sortant de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) s'est exprimé sur le terrorisme qui gagne du terrain au niveau mondial, perpétré par des individus qui se font passer pour des musulmans. Une situation qu'il avait entrevue et qui l'avait poussé à persuader Senghor de bannir constitutionnellement tout parti fondé sur des bases confessionnelles ou ethniques.


Rédigé par leral.net le Mardi 21 Octobre 2014 à 13:11 | | 12 commentaire(s)|

Abdou Diouf à L'Express : "Lorsque nous étions athées..."
A nos confrères qui évoquent l'irruption de la mouvance Daech pour demander si le péril terroriste a changé de nature, Abdou Diouf déclare : "On peut le dire. Car le terrorisme tente de plus en plus de se draper dans le manteau de la religion (sic). Face à ce très grave danger, il faut que toutes les nations s'unissent, sans lésiner sur les moyens, pour abattre la bête hideuse qui nous dévorera tous si nous ne faisons rien. Je suis surpris de voir à quel point certaines grandes puissances ne se sentent pas concernées. Inutile de vous dire que, pour moi, ces djihadistes qui se réclament d'un califat anachronique, avec leur rhétorique barbare, ne sont pas des musulmans. Ils ne sont pas des hommes de Dieu, mais du diable. Nulle contrainte en religion, est-il dit dans le Coran. Jamais notre Dieu unique, Lui qui préfère le pardon et l'oubli à la loi du talion, n'a prescrit de tels crimes. Le vrai musulman respecte le chrétien, adepte de la religion du Livre. J'étais voilà quelques jours au Vatican où j'ai rencontré le pape François dont j'admire l'humilité, la douceur, la simplicité, mais aussi la fermeté. On le sent habité par un véritable humanisme. Humanisme de la foi pour lui, humanisme philosophique pour d'autres. Voyez ma génération : que nous disions-nous lorsque nous étions athées - ce qui nous est arrivé sous l'influence du marxisme-léninisme ? "Nous voulons la sainteté sans Dieu". Il existe aussi, bien entendu, des athées, des libres-penseurs, des agnostiques exemplaires sur le plan moral.

L'Express a également évoqué les Mémoires du Président Diouf où il explique qu'il a dissuadé Senghor d'autoriser les partis fondés sur des bases confessionnelles ou ethniques. "Je ne fais la leçon à personne. Mais, dans mon pays, ça a marché. Très ami avec Chadli Bendjedid (Président de l'Algérie de février 1979 à janvier 1992), je lui avais suggéré d'agir de la même manière chez lui. Il ne l'a pas fait. Et, un parti islamiste - le Front islamique du salut - a gagné les élections. Au Sénégal, quand on parle d'ethnies, c'est sous forme de boutade. On appelle cela la parenté à plaisanterie. J'ai un patronyme à consonance sérère. Les Toucouleurs, les Diolas, les Mandingues, les Soninkés me considèrent donc comme leur esclave. Mais, ils le disent sur le ton de la blague, pour évacuer toute tension en la matière. Quand je suis devenu chef d'Etat, l'un de mes aînés africains m'a dit ceci : "Abdou, voilà ce que tu dois faire : créer une garde présidentielle composée exclusivement de gens de ta tribu". Je lui ai répondu ainsi : "D'abord, je n'ai pas de tribu. Ensuite, il existe déjà une garde. Enfin, la plupart de ceux qui me servent au palais de la République sont des Casamançais [originaires d'une région alors secouée par une rébellion irrédentiste], en qui j'ai entière confiance".