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Abdoul Aziz Sy Al Amine : "Comment on a désamorcé la bombe entre Mountaga Tall et le Président Abdou Diouf"

Lors d'une conférence qu'il a animée samedi sur l'esplanade du CDEPS de Guédiawaye, Serigne Abdoul Aziz Sy Al Amine a conté aux fidèles une histoire jusqu'à présent méconnue du grand public. Il s'agit de la marche que voulait organiser Thierno Mountaga Tall contre la loi qui voulait interdire l'excision et les menaces d'Abdou Diouf. Al Amine a raconté cette confrontation à l'époque entre un Président qui tenait aux lois et un marabout qui voulait défendre sa religion.


Rédigé par leral.net le Lundi 1 Décembre 2014 à 13:23 | | 9 commentaire(s)|

Abdoul Aziz Sy Al Amine : "Comment on a désamorcé la bombe entre Mountaga Tall et le Président Abdou Diouf"
"Serigne Mountaga Tall était venu à Tivaouane voir Serigne Mansour Sy pour lui dire qu'il voulait organiser une marche à Dakar où il inviterait tous les chefs religieux du pays pour dire non à la loi contre l'excision. Serigne Mansour lui avait donné son accord de principe. Thierno Mountaga s'est mis alors à sensibiliser les chefs religieux un peu partout dans le pays. Quand Abdou Diouf a eu vent de cela, il a téléphoné à Serigne Mansour, vers les coups de 23h, pour lui dire qu'il n'allait pas autoriser la marche de Thierno Mountaga, quitte à ce qu'il perde le pouvoir. Il demandait comment on pouvait prévoir une marche sans pour autant l'en informer alors qu'il était le président de la République. Serigne Mansour était inquiet de la situation. Il m'a appelé vers 00h pour me demander de venir à Dakar dare-dare. Je lui ai demandé si je pouvais attendre le lendemain pour venir, il m'a répondu : "Non ! C'est grave". Une fois à Dakar, il m'a expliqué la situation en me disant que c'était une situation compliquée et qu'on risquait d'aller vers des confrontations. Il a demandé comment faire pour éteindre le feu. Je lui ai dit : "Vous êtes le Khalife général des tidianes et êtes, par conséquent, son supérieur. Vous n'avez qu'à l'appeler et lui dire de surseoir à sa marche. Il m'a demandé de l'appeler. Je lui ai dit qu'il était 02h 30mn du matin. Il a insisté mais je lui ai dit que ce n'était pas une heure pour appeler une autorité. Le matin, de bonne heure, c'était un vendredi, je l'ai appelé pour lui dire que le Khalife avait besoin de lui (...). On s'est donné rendez-vous vers 09h 30mn et nous nous sommes retrouvés à trois (Thierno Mountaga, Serigne Mnasour et moi). Je lui ai dit : "Thierno, le Khalife veut que tu laisses tomber ta marche". "Si vous n'en voulez pas, on laisse tomber. Mais, dans ce sens, dites-moi ce que je dois faire", a demandé Thierno. Je lui ai dit que nous allions rencontrer Abdou Diouf.

A 10h, j'ai appelé le Président Abdou Diouf pour lui annoncer que Thierno Mountaga Tall et le Khalife général voudraient le rencontrer. Il m'a dit qu'il allait répondre dans une heure. A l'heure indiquée, il a rappelé pour nous dire qu'il allait nous recevoir le lendemain à 18h. Thierno Mountaga, Thierno Ahmed Tidiane Bâ de Médina Gounass, d'autres dignitaires et moi sommes allés ensemble voir le Président Abdou Diouf. Thierno Mountaga m'a demandé de prendre la parole, vu que je maîtrisais mieux la langue wolof. En prenant la parole, j'ai dit au Président que les autorités ont l'habitude de prendre des décisions sans au préalable consulter les religieux. Vu que nous sommes dans un pays qui compte plus de 95% de musulmans, je lui ai dit que le Sénégal fait partie des pays qui ont signé les conventions internationales de l'Organisation des Nations Unies alors que cette dernière a comme premiers ennemis l'islam et le Coran. Toutes les lois qu'elle entérine sont aux antipodes de cette religion. Et vous, à votre tour, vous ne nous associez pas à vos décisions. Vous partez directement vers votre Assemblée nationale pour faire passer vos projets de lois. Une fois votées, vous les promulguez pour en faire des lois. C'est à cause de cela que Thierno Mountaga s'est fâché et il voulait organiser cette marche, le dimanche, contre cette loi où il est question de l'interdiction de l'excision. Abdou Diouf a pris la parole pour camper le débat : "Avant tout, dites-moi si l'excision est une Sunna comme l'est la circoncision chez les hommes ?". Je lui ai dit : "Non, ce n'est pas une Sunna" (...). Abdou Diouf a repris : "L'erreur vient de nous, parce que nous aurions dû parler avec vous avant d'aller à l'Assemblée nationale. Maintenant, même si j'ai amené le projet de loi à l'Assemblée nationale - certes, il a été votée, je l'ai promulgué pour en faire une loi - il reste le décret d'application que je ne vais pas prendre". Thierno Mountaga lui a pris les mains et lui a dit : "On a trouvé la solution".

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