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Affaire Darou Mousty : Les talibés de Kara, et l’honneur de la Gendarmerie

La Brigade de gendarmerie de Darou Mousty avait été attaquée un week-end par les talibés de Serigne Modou Kara qui voulait libérer deux de leurs coreligionnaires arrêtés et gardés à vue par la gendarmerie suite à des infractions commises et constatées, obligeant les gendarmes en poste à prendre la fuite». Une situation que le Colonel Ndaw a qualifiée d’affront pour la gendarmerie qu’il n’a pas tardé moyennant tous «les moyens militaires» qui était à sa disposition. Dans son livre «l’honneur pour la gendarmerie», un passage publié par l’Observateur raconte comment le colonel a lavé cet affront subi par la Gendarmerie à Darou Mousty.


Rédigé par leral.net le Lundi 21 Juillet 2014 à 18:00 | | 0 commentaire(s)|

Affaire Darou Mousty : Les talibés de Kara, et l’honneur de la Gendarmerie
«La brigade fut envahie et les deux gardés à vue effectivement libérés. Les gendarmes en poste ne durent leur salut que dans la fuite honteuse et humiliante. Je revenais d’un week-end à Saly quand j’ai entendu, vers 17 heures, Walf FM relayer l’information. Je n’en croyais pas mes oreilles et j’ai dû réécouter une autre station pour me faire une idée de ce qui venait de se passer. Je me fis confirmer l’information par le COG gendarmerie qui m’apporta le détail des évènements. Je rendis compte et me mis en rapport avec le Général Haut Commandant de la Gendarmerie pour voir avec lui ce qu’il fallait faire.

Je m’entendis répondre qu’il allait rendre compte au ministre et voir avec lui comment gérer politiquement la situation. Je lui fis savoir qu’en tout cas, au plan militaire, je prenais les dispositions pour rétablir la situation et faire retrouver à la gendarmerie la plénitude de son action et que force restera à la loi. Il me demanda de gérer la situation sans pour autant créer des situations difficiles et intenables. Je fis envoyer, vers 19 heures, l’Escadron territorial de Saint-Louis à Darou Mousty avec pour ordre de défendre et protéger la brigade, les personnels et leurs familles tout en étant en mesure d’effectuer une action de présence dissuasive sur toute la ville religieuse. Je fis mettre deux Escadrons de la LGI en alerte et ordre de se présenter à Darou Mousty le lundi à 05 heures avec capacité d’investir le Daara de Serigne Modou Kara sur ordre.

Le GIGN reçut le même ordre avec capacité de neutraliser, au besoin par les armes, toute velléité de résistance. Un hélicoptère de l’Armée de l’Air fut demandé en renfort avec capacité d’héliportage des éléments du GIGN. Vers 23 heures, je me mis en rapport avec la famille de Serigne Modou Kara qui était absent du territoire national. J’ai pu discuter en long et large de la situation avec l’épouse du marabout et qui se trouve être ma cousine, Sokhna DIENG MBACKE. Journaliste, femme de culture et du monde, elle comprit très vite la situation, parlementa pour rester dans la limite du raisonnable. Elle demanda des délais pour préparer toute la famille du marabout à une solution raisonnable et sans violence. Elle m’envoya aussitôt le frère du marabout du nom de Mame Thierno MBACKE que je reçus chez moi à la Médina vers 23 heures. Je lui fis savoir les mesures prises pour que force reste à la loi et ma détermination de venir chercher les coupables dans le Daara, quelles que soient les conditions, à moins que ces derniers ne soient livrés à la gendarmerie, le lundi avant 08 heures. Il me fit comprendre qu’il ferait tous les efforts possibles pour arriver à une solution.

Cependant, il me demande de faire preuve de patience pour lui donner le temps de rendre compte à son frère devant qui il est responsable et comptable de la conduite des talibés. Je lui répondis qu’en tout état de cause, soit les coupables sont rendus à la brigade à 08 heures, soit le Daara sera investi à 08 heures pour les arrêter et que toutes les dispositions sont déjà arrêtées pour une solution rapide. Je renouvelai devant lui mes ordres au Colonel Diédhiou, commandant la Légion Nord, avec ordre pour lui de coordonner le dispositif à Darou Mousty. A 06 heures, un dispositif impressionnant de la gendarmerie était en place à Darou Mousty avec 500 militaires super équipés et déterminés à laver l’affront. Vers 05 heures, il m’avait été rendu compte d’un accident mortel de la circulation dans nos rangs. Quelques-uns des Colonels mourides n’avaient pas hésité à exercer des pressions sur le Général pour arrêter une opération qui commençait, selon eux, mal avec 2 morts sans aucun engagement. Malgré le coup de fil du Général qui demandait d’attendre une négociation gouvernementale, je tins bon et exerçai sur les unités engagées la pression indispensable.

Le Colonel Diédhiou mit en œuvre un dispositif impressionnant comme à la guerre, avec son hélicoptère qui commença à tournoyer en l’air, dès 06H00. Mon téléphone sonna avec au bout Serigne Modou Kara qui me demanda exactement ce que j’attendais de lui et de son frère qui n’attendait que ses ordres pour me satisfaire. Je lui répétai sans ambages ce que j’avais dit la veille à son épouse et à son frère. Il chahuta sur mon nom de Ndawènes et me dit de prendre les dispositions pour que les gens coupables sortent du Daara en rampant les 7 km qui séparaient le Daara de la brigade.

Je lui fis comprendre qu’une telle humiliation n’était pas nécessaire et que son frère n’avait qu’à les conduire à la brigade et que le dispositif serait relevé sur l’heure. Le Colonel Diédhiou m’appela vers 07 heures pour me rendre compte que les talibés qui avaient eu maille avec la brigade étaient de nouveau gardés à vue dans les locaux et qu’ils seraient déférés devant la justice pour être jugés en flagrant délit. Je lui donnai les ordres pour tenir une conférence de presse et de montrer que la gendarmerie avait retrouvé son honneur perdu hier. Le Général, inquiet depuis hier de la suite des évènements et qui avait peur des conséquences de l’intervention, et même le gouvernement qui n’avait rien dit depuis la veille, malgré toutes les sollicitations du Général, poussèrent un grand ouf de soulagement. Le Général salua ma détermination et le ministre me félicita en me disant que c’était la conduite à avoir face à des voyous. Je présidai, vers 15 heures, le lever de corps des deux gendarmes morts pendant le transport.

Le commandant du GIGN mit l’accident sur l’imprudence dont son unité avait fait preuve tant il avait hâte de rétablir la situation de la brigade de Darou Mousty et de laver à jamais l’affront fait à la gendarmerie entière. Le regard fier des hommes venus assister aux obsèques était éloquent sur l’engagement à défendre l’honneur de l’arme. Je pus savourer, malgré la situation plus que dramatique, la fierté des gendarmes qui étaient prêts à en découdre avec la milice du Général Kara. Notre détermination avait fait reculer le «Général» Kara dont les talibés habillés en tenues militaires défiaient souvent les forces de l’ordre et la loi.»

Gfm