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Affaire Karim Wade : Que Dieu nous préserve de la Haine (Adama Sadio Ado)

A l'image de Mouhamadou Mbodji du Forum Civil, il est pitoyable de voir combien la déchéance de la dignité continue de frapper des acteurs de la société civile. Quelle malhonnêteté scientifique d’invoquer la souveraineté pour dire que le Sénégal ne doit pas appliquer l'arrêt de la Cour de justice de la Cedeao et l'avis du groupe de travail des Nations unies.


Rédigé par leral.net le Dimanche 31 Janvier 2016 à 19:35 | | 0 commentaire(s)|

L’arrêt de la Cour de justice de la Cedeao du 22 février 2013 a jugé illégale l’interdiction de sortie prise contre des citoyens car n’ayant, d’après la juridiction sous régionale, aucune base légale. Dans son arrêt, la Cour estime que « cette disposition ne peut considérer les requérants puisqu’ils ne sont ni poursuivis en justice ni inculpés par une autorité judiciaire compétente ».

Selon la juridiction, rien ne justifie une mesure d’interdiction de sortie du territoire sans la preuve de trouble à l’ordre public, à la sécurité nationale ou à la santé et à la moralité publique. Et si pour l’arrêt de la Cour de justice de la Cedeao seule la souveraineté était invoquée pour justifier le refus de l’Etat de s’y plier, à propos de l’avis du groupe de travail le Forum civil soutient que l’avis du groupe de travail n’a pas une valeur exécutoire.

Ainsi, ils font étalage de leur méconnaissance du langage diplomatique. A l’ONU, on use le langage diplomatique et malheureusement d’aucuns en abusent. D’ailleurs, il y a un débat théorique entre internationalistes sur le qualificatif à attribuer aux rapports du groupe de travail.

En outre, le non respect par le Sénégal des instruments internationaux qu’il a ratifiés est une violation flagrante de sa charte fondamentale. Dans le préambule de la Constitution sénégalaise, notre pays exprime sans ambages « son adhésion à la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 et aux instruments internationaux adoptés par l'Organisation des Nations Unies et l'Organisation de l'Unité Africaine, notamment la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes du 18 décembre 1979, la Convention relative aux Droits de l' Enfant du 20 novembre 1989 et la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples du 27 juin 1981 ; ». La hiérarchie des normes juridiques est un principe b.a.ba du droit international public et s’impose à tout Etat.

Il est également inexact de soutenir comme le Forum civil que la loi sur la Crei attribue deux mois à la personne accusée pour répondre à la mise en demeure du Procureur spécial près de la Crei. Quelle ignorance ! La loi ordinaire n° 81-54 du 10 juillet 1981 instituant la Crei dispose que le Procureur spécial peut mettre en demeure la personne suspectée d’enrichissement illicite de justifier dans un délai d’un mois l’origine licite du patrimoine qu’il lui attribue sur la foi de l’enquête préliminaire de police ou de gendarmerie.

Tous les juristes sérieux dont l'Association des juristes africains, les organisations des droits humains et aujourd'hui le président Macky Sall s'accordent à dire que la réforme de la Crei est nécessaire. Autrement dit, la Crei, dans son état actuel, ne peut garantir un procès équitable. Nous devons mobiliser toutes nos énergies pour combattre farouchement les prédateurs de nos maigres ressources financières conformément au préambule de notre Constitution où le Sénégal affirme « son attachement à la transparence dans la conduite et la gestion des affaires publiques ainsi qu'au principe de bonne gouvernance ; ». Cependant, une lutte aussi légitime soit-elle doit se mener dans la légalité. Car tout ce qui ne se fait pas dans le droit se fait contre le droit.

Adama SADIO ADO
adosadio@yahoo.fr