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Aliou Sow, membre du comité directeur du Pds: "Je suis un cadet surclassé dans le jeu des seniors"

Figure emblématique du défunt régime libéral, Aliou Sow a pris une longueur d’avance sur sa génération pour avoir été député, plusieurs fois ministre et su allier les responsabilités étatiques aux exigences académiques. Trouvé dans sa cossue villa de la cité «Sipres», cet «enfant de la République», comme il se définit, assène ses convictions sur les sujets brûlants de l’heure.


Rédigé par leral.net le Jeudi 19 Juillet 2012 à 17:09 | | 1 commentaire(s)|

Aliou Sow, membre du comité directeur du Pds: "Je suis un cadet surclassé dans le jeu des seniors"
Que devient Aliou Sow depuis la défaite de Wade à la Présidentielle ?

Ce qu’il n’a jamais cessé d’être, professeur à l’Université, maître assistant d’études africaines à la faculté des Lettres et Sciences humaines. Vous m’avez trouvé en train de corriger des copies d’étudiants. J’étais venu à Dakar pour poursuivre mes études jusqu’au bout. Dieu merci, j’ai soutenu mon doctorat. Parallèlement à mes activités gouvernementales, j’ai géré ma carrière académique. Même étant ministre, j’assurais mes enseignements. En tant que consultant, je compte travailler sur des problématiques comme l’insertion des jeunes dans les pays post-conflit et les questions de prévention et de gestion des conflits, mais surtout des questions relevant d’études africaines. Ce sont des opportunités qui s’offrent en moi à l’étranger. Mais, en tant qu’acteur politique, qui a tout reçu du Sénégal, je n’ai pas le droit de penser à mon sort individuel et à celui de ma famille, car je dédie ma vie à ma patrie, à mon peuple qui m’a tout donné depuis le bas âge, moi l’enfant de la République, l’enfant de la démocratie qui n’est pas le «fils de…». Je suis sorti du néant pour en arriver là. Je dois cela à la volonté divine et à celle d’un homme qui s’appelle Abdoulaye Wade. Je n’oublie pas les contribuables sénégalais qui ont payé toute ma scolarité, mon éducation, mes soins…


Même si vous avez toujours gardé un pied à l’Université, vos activités ministérielles composaient l’essentiel de votre agenda. La transition a-t-elle été facile ?

Absolument ! Il n’y a pas eu de transition pour moi. A mon âge, tout ce que j’ai obtenu est tout bénéfice. C’est maintenant que je commence la vie. La vie d’un homme est structurée en deux phases : la chance du débutant- j’en ai profité merveilleusement- et l’épreuve du conquérant, que je viens d’engager. Dans le jeu politique sénégalais, je partage le combat avec des personnes qui ont l’âge de mes parents. Je suis un cadet surclassé dans le jeu des séniors. J’ai pris une longueur d’avance sur ma génération, en bousculant celle de mon père. C’est à moi de prouver maintenant que je mérite amplement cette posture. Je suis un petit «rural», un fils de paysan qui a connu les difficultés de la vie. Je ne peux pas vivre pire que ce que j’ai vécu pendant ma tendre enfance ou pendant ma jeunesse. Je suis un enfant de la débrouillardise, de l’effort, de la conquête et de la quête permanente. Un homme qui a compris très tôt que la fortune sourit aux audacieux et qu’avec l’effort, on peut se permettre toutes les ambitions. Comme disait Abdoulaye Wade : «l’ambition est un devoir, mais pour ceux-là qui sont audacieux et sont conscients de leur rôle et de leur mission». Je veux être un perturbateur des acquis et des situations classiques, pour montrer, en dépit des difficultés du moment, à ceux de ma génération, que c’est possible.

Abdoulaye Wade revient souvent dans vos discours, comment avez-vous véçu sa défaite ?

Aliou Sow, membre du comité directeur du Pds: "Je suis un cadet surclassé dans le jeu des seniors"
Psychologiquement, j’étais préparé. Six mois avant les élections, j’ai demandé à mes collaborateurs de préparer les dossiers de ma passation de service. Car pour moi, un homme politique doit être toujours prêt psychologiquement à céder son fauteuil. J’ai toujours compris que ce n’est pas parce qu’on a bien travaillé qu’on gagne une élection. Il y a d’autres paramètres non moins importants. Le peuple sénégalais a, à travers cette élection, montré des dimensions particulières qui échappaient à la vigilance des hommes politiques. Si c’était un bon bilan qui assure une réélection, Wade allait être réélu au premier tour. Si c’était la fortune, peut-être que ça allait être le président sortant ou Moustapha Niasse. Si c’était la légitimité par rapport à la constance dans sa position, ça allait être Tanor Dieng. Mais, c’est Macky Sall que le peuple sénégalais a choisi. Sûrement, il a le parti le plus présent, qui d’ailleurs n’a pas encore été implanté partout au Sénégal, mais il a eu le parcours politique le plus élogieux. Tranquillement, il a attendu son heure, victime qu’il a été de la persécution excessive et sans fondement d’hommes et de femmes qui le négligeaient, le diabolisaient et le multipliaient par zéro. Ils n’ont jamais vu venir. D’habitude, les grands chefs s’aperçoivent très rarement de celui qui les remplace. Je suis un Cartésien, mais la prédestination existe, la confiance en soi existe. Comme disait Charles de Gaulle parlant du destin des hommes politiques : «Ce que Alexandre appelle son étoile, César sa fortune, Napoléon sa chance, ce n’est rien d’autre que la confiance qu’ils ont tous les trois en leur destin». Beaucoup d’hommes politiques ont voulu être président de la République parce que, par un concours de circonstance, ils ont occupé des fonctions qui les ont fait rêver. C’est différent de cette façon d’être rattrapé par l’ambition.



« Tranquillement, Macky Sall a attendu son heure. Les gens n’ont jamais vu venir. D’habitude, les grands chefs s’aperçoivent très rarement de celui qui les remplace »



Vous avez déclaré que Macky Sall a été persécuté par votre camp. Pourtant, on ne vous a jamais entendu prendre sa défense ou du moins dénoncer ces actes de vos camarades de parti. Pourquoi ?

Mais si. En 2007, j’ai démissionné du gouvernement pour m’insurger contre certaines pratiques. J’ai été nommé ministre de l’Enseignement technique et de la formation professionnelle, j’ai décliné l’offre et je suis parti à l’Assemblée nationale. On m’a élu président de la commission des Affaires étrangères et un an après, on m’a chassé comme un mal propre pour délit d’amitié avec Macky Sall. On m’a chassé du Comité directeur (du Parti démocratique sénégalais, Pds, Ndlr) pour mettre Massaly (Mouhamadou, à vérifier) à ma place. On m’a chassé de la direction de l’Ujtl pour mettre mon adjoint, Keïta (Mamadou Lamine). Tout cela parce que j’étais avec Macky Sall. J’ai dit devant tout le monde qu’entre Macky Sall et le Pds, je choisis Macky Sall, mais qu’entre Macky Sall et Abdoulaye Wade, je choisis Abdoulaye Wade. Car, je ne suis redevable qu’à Abdoulaye Wade. C’est mon maître, mon idole, mon responsable. Ce discours était clair. J’ai purgé ma «peine» en son temps, quand l’homme (Macky Sall) décide de quitter le Parti et fonder sa propre formation. Ce que je n’envisageais pas de faire. Il y a eu une sorte de chasse à la cour avec des gens qui ont insulté son passé, ses origines, qui l’ont trainé dans la boue pour des broutilles. Ce grand débat, j’ai eu la chance, à son temps, de le vivre à La Mecque lors du petit pèlerinage, avec Macky Sall et son épouse. C’est un combat de principe que j’ai mené. Comme je dis aux gens, quand Abdoulaye Wade mène un combat, je me range toujours de son camp, quelle qu’en soit la situation. J’ai un chef, une idole, une référence, un maître qui s’appelle Abdoulaye Wade, et cela pour l’éternité. Je ne cesserai jamais d’être l’apôtre d’Abdoulaye Wade et je me définis comme son vrai héritier idéologique et politique. Je ne parle pas de l’héritage sous l’angle «diriger le Pds», mais celui idéologique et politique, qui est plus profond.

Comment comptez-vous incarner le rôle d’héritier idéologique, spirituel et politique de Me Wade ?

Je vais me mouvoir dans le jeu politique sénégalais au point qu’il puisse, dans l’avenir, se rendre compte que, même si je suis le plus jeune, je suis le digne porteur de son combat. A l’arrivée, il s’agit de faire revenir à la tête de ce pays, les idées de Wade. C’est-à-dire de travailler à réformer, en les mettant au goût du jour, les programmes fondamentaux du Pds, de les parachever par l’action des disciples loyaux, mais en intégrant notre vision propre de la politique, de la gestion du Sénégal et de l’Afrique.

Ce travail peut-il être mené efficacement si vous n’êtes pas à la tête du Pds ?

Je ne fais pas de fixation sur le parti. Ce qui m’intéresse, c’est la personne de Wade, ses idées, sa vision, son parcours, le modèle qu’il offre à ma génération, aux Sénégalais, aux Africains et au reste du monde. Je travaille sur l’homme et sur sa vision. J’ai travaillé sur son parcours, j’ai lancé un concept auquel j’ai donné un contenu : le wadisme, qui est une composante du libéralisme avec une dimension sociale basée sur l’audace, l’initiative, le patriotisme, le panafricanisme, mais aussi et surtout sur la confiance en soi. Beaucoup de gens au Pds ne connaissent rien du libéralisme. C’est rarement qu’on y trouve des gens avec qui vous pouvez parler profondément du libéralisme, de concepts. Je suis dans les concepts même s’il faut relativiser les idéologies. Il faut que les gens soient quand même porteurs de convictions idéologiques fortes pour pouvoir bâtir des politiques durables au profit du Sénégal. Les principes et les valeurs, j’y crois. La morale et la décence, j’y crois. J’ai envie, en tant qu’acteur politique, que les observateurs puissent savoir que sur telle question, le garçon a telle position, en restant ferme dans ses convictions, modéré dans ses prises de positions, dans un monde où les compromis dynamiques sont le socle du développement.

Cette foi au libéralisme à la sauce wadienne, croyez-vous la partager avec Macky Sall ?

Qu’on le veuille ou pas, Macky Sall est un des héritiers de Wade. Il n’y avait pas un problème Macky Sall-Abdoulaye Wade, mais entre Macky Sall et ses concurrents du Pds. Ils ont voulu utiliser Abdoulaye Wade comme arme en l’opposant à lui. Je lui avais dit cela en son temps. Wade avait de l’affection et de la confiance pour Macky Sall, pour lui avoir tracé tout ce chemin-là. Mais à un moment donné, certains au Pds étaient devenus jaloux, envieux, méchants et ont voulu arrêté net l’évolution de Macky Sall. Ils ne pouvaient pas le faire, donc il fallait dresser Wade contre lui, en invoquant de faux problèmes ridicules.

Est-ce qu’il n’y avait pas dans ces manœuvres la main de Karim Wade à qui l’on prêtait l’ambition de succéder à son père à la tête du Sénégal ?

Il n’y avait aucun problème entre Macky Sall et Karim Wade, ni entre Macky et Wade. Macky Sall connaît très bien ce qui était à la base de ses problèmes au Pds. On n’en avait discuté à l’époque. Quand je vois certains faire des gesticulations en invoquant je ne sais quoi, parce qu’ils ne se rappellent plus quand ils lui faisaient une chasse à la cour (il ne termine pas sa phrase)… Je pense que la meilleure des vengeances, l’homme l’a réussie : c’est d’avoir battu tout le monde avec un score confortable. Je n’ai pas vu depuis 1960 un régime s’écrouler avec un taux aussi faible que le nôtre à la Présidentielle (Macky Sall a remporté l'élection avec 65,8% des suffrages contre 34,2% pour Me Abdoulaye Wade, Ndlr).

On n’a pas perdu les élections de 2012, on a été laminés et écrasés. Ce n’est pas une défaite, mais une humiliation. Je crois qu’il y a matière à réflexion. Ce problème du 25 mars est très sérieux. Trois mois après, le peuple a confirmé sa volonté claire de se débarrasser de nous. Le 25 mars n’était pas une erreur, mais un choix mature, clair, une option fondamentale du peuple. Il faut se détacher des illusions pour revenir à la réalité, l’analyser froidement et je pense que comme disait Napoléon : «la mort n’est rien, mais vivre vaincu et sans gloire, c’est mourir tous les jours».



En vue de cette introspection, quelles sont vos chances de succès dans un contexte où les rangs du Pds sont clairsemés, notamment avec la création de ses flancs de la coalition Book guis guis ?



Book guis guis, je ne partage pas leur démarche, mais je les comprends, très honnêtement. Pape Diop a été président de l’Assemblée nationale, il est actuellement président du Sénat, il a été l’un des hommes les plus puissants du Pds, maire de la capitale en son temps. Il a gagné la capitale pendant que nous étions dans l’opposition. Dans les périodes de vache maigre, il gagnait dignement sa vie. Mieux, il mettait ses moyens au service du parti. Je comprends qu’il se range derrière Wade, sans afficher la plus petite ambition. Mais quand Wade perd le pouvoir et qu’il n’est plus candidat à quoi que ce soit, c’est tout à fait compréhensible qu’il ait l’aspiration et l’ambition d’être à la place de Wade et non derrière quelqu’un d’autre. A sa place, j’allais avoir les mêmes ambitions légitimes, même si je n’allais pas me comporter de la même manière.

Que reprochez-vous concrètement à Pape Diop dans sa démarche ?

Il est parti à l’aventure sans trop murir son projet. Le résultat est là. Logiquement, il doit beaucoup méditer sur ses résultats aux Législatives (Book guis guis a obtenu 4 sièges de députés, Ndlr) pour la suite à réserver à sa carrière. Je lance un appel pressant à Pape Diop pour qu’il fasse partie des encadreurs et parrains de la jeune génération. Il doit accompagner des jeunes comme Aliou Sow dans leur combat politique pour la perpétuation du libéralisme et du wadisme.



« J’ai dit à Macky Sall, bien avant les élections, que je me battrai comme je peux pour que Wade reste président du Sénégal, qu’il soit réélu. Mais à défaut de Wade, de tous les candidats, je préfère de très loin Macky Sall. »

En clair, vous demandez à Pape Diop de réintégrer le Pds ?

Il faut des retrouvailles. «La meilleure des vengeances c’est le pardon», disait le président Omar Bongo. En politique, il faut aimer avec modération et haïr avec modération. Pourquoi diable on ne devrait pas se retrouver avec Pape Diop ? A Book Guiss-Guiss, j’ai de grands amis. Des gens avec qui j’échange et qui ont une haute opinion de Wade. Ils ont beaucoup de respect et d’affection pour Wade, mais ils ne sont pas d’accord avec ceux-là qui animent les choses autour de Wade. Ce n’est pas un problème de choix à faire entre Wade et Pape Diop. Les gens ont bâti des affinités. Par exemple, quand Idrissa Seck a eu des problèmes, je n’étais pas avec lui. Mais, quand Macky a eu des problèmes, j’étais avec lui. C’est un problème d’affinité, construite dans le parti. Dans le parti, on a des amis mais on a aussi des adversaires. Je sais que mes pires ennemis ne sont pas ailleurs que dans le Pds. Même si je sais que mes meilleurs amis sont plus nombreux dans le Pds que dans le pouvoir actuel. En vérité, pour moi rien ne sert d’être le chef d’une armée sans troupes motivées et combatives. Il faut réussir au Pds une cohabitation autour d’un idéal, avec plusieurs idéologies, sans un chef qui, à l’image de Wade, pourra polariser tout le monde. C’est l’occasion pour moi d’annoncer que, sous peu de temps, je vais lancer un courant politique fort dans le Pds, une sorte de mouvement.

Pourquoi voulez-vous créer un courant au sein du Pds plutôt que de faire entendre votre voix dans le cadre des structures classiques de votre parti ?

Il me faut un cadre d’expression, d’animation de ce que je ressens pour mon pays et que je partage avec des hommes et des femmes de valeur, de grands patriotes, de grands libéraux. Certains ont trouvé refuge à l’Assemblée nationale, qu’ils nous donnent la possibilité de créer un cadre d’expression de notre talent, de nos désirs et de notre ambition pour le Sénégal. Maintenant, on doit faire un congrès, s’il doit se tenir dans des conditions démocratiques et que la base se prononce pour choisir ses élites, tant mieux. Ce courant aura bien entendu la possibilité de présenter des hommes et des femmes, pas forcément Aliou Sow. Si maintenant, c’est sur la base de désignation, je ne peux pas accepter une chose à Wade hier et le refuser aujourd’hui. Dans ce cas, je mettrai la personne désignée à l’aise, mais je lui montrerai que c’est moi, le vrai héritier.

Les retrouvailles de la famille libérale prônées par Abdoulaye Wade sont écartées par des proches de Macky Sall. Que vous inspirent leurs réactions ?

C’est tout à fait normal, c’est un instinct de survie. C’est un problème africain, quand on parle de retrouvailles, quand on parle d’union, les gens pensent à un partage de postes. Donc à la préservation d’intérêts individuels, de groupes ou de camps. Ce n’est pas cela. A partir des retrouvailles, Aliou Sow peut s’abstenir de contester publiquement l’action de Macky Sall en lui faisant parvenir directement par écrit, si c’est nécessaire, ses observations de fond et de forme dans sa gestion des choses publiques. Je peux à partir de mon courant ou à partir d’un think-thank, élaborer de grandes réflexions sur des questions précises pour mettre ça à la disposition du chef de l’Etat.

On dirait des retrouvailles avec Macky Sall avant l’heure …

J’ai un devoir patriotique dans cette dynamique de retrouvailles préconisée par mon chef (Abdoulaye Wade, Ndlr) en qui j’ai entièrement confiance. On n’a pas besoin de faire trop d’efforts pour convaincre Aliou Sow sur l’opportunité de retrouvailles avec Macky Sall. J’ai dit à Macky Sall, bien avant les élections, que je me battrai comme je peux pour que Wade reste président du Sénégal, qu’il soit réélu. Mais à défaut de Wade, de tous les candidats, je préfère de très loin Macky Sall. Je ne suis pas un homme malheureux de le voir élu président de la République du Sénégal. Par contre, je suis très content qu’il ait battu Abdoulaye Wade, il faut oser le dire.

Mais, il y a une chose inédite au Sénégal, c’est la première fois que le président de la République ne dispose pas d’une majorité à l’Assemblée nationale. Il n’a pas de majorité. Sa coalition (Benno Bokk Yakaar) peut voler en éclats à n’importe quel moment. Elle peut aussi tenir. Je connais le génie politique de l’homme. Contrairement à ce que les gens pensent, la coalition du chef de l’Etat peut tenir jusqu’à la fin de son mandat. Je connais l’homme et je peux vous dire que beaucoup de gens se trompent sur son compte. C’est pour cela qu’ils ne l’ont pas vu venir. C’est un fin manœuvrier, très patient, qui sait bien masquer son jeu, parvenir à sa fin patiemment en donnant l’impression que vous le roulez dans la farine alors que c’est lui qui vous roule dans la farine. Je sais qu’il ne posera aucun acte qui va faire voler en éclats la coalition. Mais, le seul problème qui va se poser - et c’est là où il aura besoin des retrouvailles de la famille libérale - c'est qu’à la fin de son mandat, ce n’est pas quelqu’un comme Idrissa Seck qui va se ranger derrière lui. Le Ps ne pourra jamais aller à l’élection présidentielle de 2017 sans candidat, peut être l’Afp. Donc, voilà une coalition gouvernementale avec plusieurs candidats qui se côtoient tous les jours alors que chacun a besoin de la place de Macky Sall.



Macky Sall a bouclé cent jours au pouvoir. Comment jugez-vous ses premiers pas ?

Aliou Sow, membre du comité directeur du Pds: "Je suis un cadet surclassé dans le jeu des seniors"
J’ai noté qu’il y a un président qui a le souci de dire aux Sénégalais «j’ai fait ce que je vous ai promis». Même s’il n’était pas tenu de dire ce qu’il doit faire. Par exemple, il a décidé de réduire son mandat de sept à cinq ans. C’est son droit le plus absolu. Pour moi, il doit respecter sa parole mais je ne partage pas ce choix. Pour moi, il aurait dû rester là pour sept ans. Cinq ans pour un nouveau régime aussi hétérogène, c’est très court dans un monde de gouvernance et de transparence où le code des marchés publics est tellement complexe.

Sur un autre aspect, je suis gêné et choqué de voir le gouvernement revenir sur les acquis des chefs de village. Macky doit reconsidérer cette décision. Dans le budget, il est prévu les émoluments des chefs de village et cela ne coûte absolument rien au gouvernement. Il doit continuer à payer ces chefs de village. Les véhicules utilitaires pour les présidents des communautés rurales, pourquoi les reprendre ? Ces derniers ne sont pas forcément des politiques ou des militants du Pds. Heureusement pour les marabouts, il a fait preuve de beaucoup d’intelligence en revenant sur sa décision. C’est comme l’affaire du découpage.

Le nouveau pouvoir semble éprouver beaucoup de difficultés à conduire le dossier du découpage administratif. En tant qu’ancien ministre de la Décentralisation et des Collectivités locales, quelle est votre appréciation ?

J’avais dit, en son temps, que nous sommes en train de prendre des mesures conformes à la volonté des populations majoritaires. Mais celles-ci étaient contestées par des politiciens qui pensaient à leur sort individuel. L’histoire m’a donné raison. En vérité, ce n’est pas un problème de droit, je suis désolé. C’est un problème purement politique parce qu’ils se sont rendus compte, après étude et analyse, après collecte d’informations, que cela allait créer un tollé. Je ne me suis pas limité à faire signer à Wade des décrets. On a pris les mesures d’accompagnement. Par exemple, on crée une communauté rurale en un temps record, on construit l’hôtel communautaire, on amène des fonds de concours et de dotation très consistants, on met en place un financement du Programme national de développement local (Pndl) de 40 millions, on règle l’état civil, les chantiers poussent partout. Ils se sont rendu compte que c’était dangereux de dire à ces gens-là qu’il faut revenir à la case de départ. Dès lors qu’ils l’ont évoqué en conseil des ministres, ils ont vu que leurs propres partisans se sont insurgés. J’aurais appris que c’est par arrêté ministériel qu’on a nommé de nouvelles délégations spéciales constituées par les élus locaux des collectivités locales sortantes, pour remplacer les délégations spéciales que j’avais nommées et qui étaient constituées de fonctionnaires apolitiques. Si Macky veut remettre en scelle les élus locaux, il n’a qu’à tenir des élections partielles. Mais on ne peut pas quand même réparer une injustice supposée par une injustice ou bien par une violation flagrante des lois et règlements de ce pays. Ce n’est pas acceptable. Ou bien ils n’ont qu’à modifier le Code des collectivités locales.

L’actualité c’est aussi la traque des biens mal acquis. Comment appréciez-vous cette lutte contre l’enrichissement illicite ?

C’est bien Macky Sall qui est élu. Il a son projet, son programme. C’est à lui de définir le contenu et les méthodes de sa vision. Mais je veux qu’il sache qu’on est loin de l’époque où quand un régime tombait on conduisait tous les dignitaires au stade devant le peuple pour les fusiller publiquement et que les gens chantaient et dansaient. C’est révolu tout cela. Les gens sont devenus plus exigeants, ils veulent du pain, ils veulent la santé, ils veulent une vie normale. Ils ne se contentent pas de la déchéance de leurs anciens dignitaires. Il y a une règle élémentaire de la police qui veut que quand on ne veut pas punir assez souvent, il faut punir sévèrement. Si c’est sous cet angle là que Macky Sall inscrit son action, j’applaudis des deux mains. On doit en arriver à un stade où, accepter d’être ministres ou directeurs c’est se sacrifier, c’est renoncer à des avantages, à des privilèges pour participer au développement de son pays. Je suis de ceux qui pensent qu’un homme politique normal ne peut pas être milliardaire. Je suis aussi de ceux-là qui pensent qu’un homme politique a l’obligation de pouvoir expliquer ce qu’il a. Il ne doit jamais se faire surprendre. Mises à part quelques actions visant à installer la peur dans le camp adverse ou solder des comptes avec de potentiels concurrents, il faut encourager cette traque des biens mal acquis.



SOURCE:Le Pays au Quotidien



1.Posté par Ndiaga le 19/07/2012 18:25 | Alerter
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J'ai trouvé l'interview bien menée. Et l'interviewé très en verve. Il connaît les tares du PDS. Elles sont nombreuses. Mais il ne reconnaît pas la première d'entre elles : le refus de Wade de passer la main. A la tête du parti et celle du pays. Il a dilapidé son image. Et ruiné son héritage. Il paraîtra pour les générations futures plus pour l'homme du 23 juin, que pour celui du 19 mars.

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