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Alioune Ndao: Le parcours improbable d’un flic devenu Procureur


Rédigé par leral.net le Jeudi 13 Novembre 2014 à 11:32 | | 0 commentaire(s)|

Alioune Ndao: Le parcours improbable d’un flic devenu Procureur
Le 10 mai 2012, le président de la République signait le décret 2012-502 portant nomination des magistrats de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei). Dix magistrats ont été choisis pour animer la Commission d’instruction, tenir le Parquet et juger les personnes soupçonnées de détenir des biens totalement en décalage avec leurs revenus, qui seront traduites devant cette Cour. Alioune Ndao, avocat général près la Cour d’Appel, promu ce jour Procureur spécial près la Crei, en fera partie et y officiera, avec Antoine Felix Diome, comme représentant du ministère public. Un illustre anonyme qui sera révélé au public lors d’une conférence de presse tenue le 12 octobre 2012 et durant laquelle, avec force gesticulations, il listait les anciens barons du régime libéral accusés de s’être enrichis illicitement. Si bien que le Sénégal, surpris et émerveillé par autant de classe dans la mise et de clash dans le verbe lors de cette fameuse conférence de presse, s’est demandé d’où sort ce justicier à l’ancienne et au caractère nuancé.

Ce «Parquetier» à la gestuelle recherchée et aux réponses parfois hasardeuses, souffrant d’une trop grande libéralité pour un «Monsieur» qui compte et qui piste les mauvais comptes des anciens pontes de la République «wadienne». Alioune Ndao, magistrat de plus de cinquante ans, respecté (par certains) ou exécré (par d’autres), Procureur spécial près la Cour de répression de l’enrichissement illicite, est un homme fait du même bois que son parcours… surprenant. Parce que l’homme s’est construit à la dure. Brique après brique.

De la 10e promotion de l’Ecole nationale de police, Alioune Ndao a d’abord servi comme simple policier au sein de la Sûreté nationale. Agent de la circulation, Alioune Ndao a longtemps servi à Dakar et, particulièrement au Rond-point de Colobane où il régulait la circulation aux heures de pointe. Mais, un drame viendra fortement hypothéquer ses rêves d’orner sa tenue des galons de commissaire divisionnaire. Il perdra 3 doigts lors d’un exercice de maintien de l’ordre, alors qu’il essayait de dégoupiller une grenade lacrymogène. Affaibli et incapable de poursuivre son travail d’agent de la circulation, il est affecté à la Direction de la Sûreté de l’Etat comme agent de la cellule de renseignements. Détaché à la section universitaire parmi les «étudiants infiltrés», il est chargé de renseigner les autorités sur l’espace universitaire.

A côté de son travail d’agent des Renseignements généraux, il s’inscrit en année de capacité en Droit à la Faculté des Sciences juridiques et économiques de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Deux années plus tard, il est autorisé à s’inscrire en première année de licence et parvient à décrocher, trois années plus tard, la licence de Droit. Piqué par le virus de la «Robe noire», il tente le concours d’entrée à l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (Enam, actuellement divisée en Centre de formation judiciaire et Ecole nationale d’administration, Ndlr). Il en sortira, trois années après, auréolé du Brevet d’aptitude à la profession de magistrat. Le Graal !

Mais le jeune homme est de la race des fougueux, qui refusent d’entrer dans les rangs. Une première sanction négative l’envoie à Tambacounda, en qualité de Procureur de la République près le Tribunal régional. Quelques années plus tard, il est rappelé à Dakar. Il y restera, toutefois, en hibernation jusqu’à la survenue de l’«Alternance» politique du 19 mars 2000. Le magistrat catalogué «récalcitrant» est nommé Procureur général près la Cour d’appel de Dakar. L’homme prend racine à son poste et s’habitue à siéger aux Cours d’assises comme avocat général.

Avec l’avènement de Macky Sall, qui lance la traque des «voleurs de la République» en exhumant la défunte Cour de répression de l’enrichissement illicite, Alioune Ndao postule à l’appel à candidature lancé par le ministère de la Justice. Sa candidature retient l’attention d’Aminata Mimi Touré, ministre de la Justice et Garde des Sceaux de l’époque. Le 10 mai, le décret de nomination faisant de lui le Procureur spécial près la Crei tombe. Une consécration pour cet ancien agent du commissariat de Pikine. Un petit écrin sans fard, qu’il a «troqué» contre un luxueux bureau de Procureur spécial. Jusqu’à… hier, date de sa fin de «mission» à la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei).

L'Observateur