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Amadou Sylla, Pdt de Sos Casamance: "Nous proposons une consultation citoyenne sur l’avenir de la Casamance"

Amadou Sylla est le président de l’organisation SOS Casamance connue pour son engagement en faveur de la paix en Casamance et le respect de la dignité des populations du Sud. Dans cet entretien accordé à Leral, il revient sur l'état d'vancement du processus de paix en Casamance et les efforts fournis par son organisation pour mettre fin plus de trente ans de conflit. En outre, M. Sylla propose une consultation citoyenne pour résoudre définitivement la crise casamançaise. Entretien.


Rédigé par leral.net le Mardi 26 Mai 2015 à 13:54 | | 0 commentaire(s)|

Amadou Sylla, Pdt de Sos Casamance: "Nous proposons une consultation citoyenne sur l’avenir de la Casamance"
D'après une certaine opinion, le processus de paix en cours en Casamance est en marche. Partagez vous cette opinion ?

Cela dépend de quel coté on se situe pour dire oui ou dire non. C’est vrai que quand on est du coté du pouvoir avec ce que cela favorise comme privilège, on ne dira jamais que le processus ne marche pas. Et une telle opinion peut s’entendre et se comprendre, car il y a en toute évidence une dynamique de volonté ou de vœux qui s’exprime de la part du pouvoir. Mais en vérité, il faut le constater et l’avouer que les Casamançais sont fatigués, profondément atteints et très divisés sur la question. Je pense que depuis l’avènement du président Macky Sall, il y a une volonté de changement de méthode, et d’approche… Mais, nous constatons une stagnation de stratégie dans le processus de négociation, et je crois que si cela continue jusqu’à la fin du mandat du président Macky Sall, il aura du mal à convaincre les Casamançais, qui s’interrogent de plus en plus.

A mon avis, il n’est pas tard de changer de stratégie qui passe nécessairement par la démilitarisation de la gestion du dossier casamançais. Il est temps que les politiques prennent leurs responsabilités, car ils seront les seuls comptables devant l’histoire et le Sénégalais. Le changement de stratégie passe également une implication des populations locales et de la diaspora casamançaise. Et les femmes doivent avoir une place de choix dans cette mobilisation.

Selon vous, quels sont les facteurs bloquants ?

A mon avis, il y a un problème de vision politique mal définie et de stratégie dans la conduite de certaines initiatives de l’Etat en direction de la Casamance. On constate aussi l’exclusion de l’essentiel des acteurs du MFDC dans le processus en cours, qui est un facteur de blocage très lourd. Car l’Etat ne saurait convaincre les Casamançais encore moins les Sénégalais, qu’il fera la paix avec la seule volonté de faction. On évoque aussi souvent la division du MFDC comme facteur bloquant, peut être cet argument est acceptable, mais à mon sens, il y a surtout la responsabilité indiscutable de la classe politique casamançaise qui s’est illustrée par son incohérence et son inconstance dans la quête d’une solution de paix durable en Casamance. Conséquence, le MFDC est morcelé politiquement, et l’opinion casamançaise se trouve profondément divisée sur la question, comme je l’ai évoqué ci haut.

Quelles sont les actions entreprises par votre organisation, SOS Casamance dans le sens du processus de paix ?

Nous portons la voix des populations, principales victimes de ce conflit. Nous nous sommes engagés pour le respect de leur dignité et de leurs droits. Le monde ne doit pas ignorer ce qui se passe en Casamance, notamment la souffrance des populations. Dans cet engagement, nous faisons beaucoup de plaidoyers au prés de l’opinion publique européenne et internationale, également au prés des institutions internationales. Nous contribuons aussi au rapprochement et à la mise en confiance des parties. Je pense qu’une crise de plus de 32 ans, sans solution, a fini par démontrer que les parties ne se sont jamais accordées sur l’essentiel en vue d’une sortie définitive de la crise, malgré les différents rounds de négociations entre le MFDC et l’Etat. C’est pourquoi, il faut saluer l’attention toute particulière que les Etats amis du Sénégal, notamment les Etats-Unis, l’Union européenne et toutes les institutions internationales, accordent au processus de paix en Casamance, mais également leur implication solidaire pour un aboutissement heureux de cette crise.

Il y a quelques jours, nous avons voulu rendre hommage aux femmes du Sénégal, pour leur mobilisation constante pour la Paix en Casamance. Ces femmes méritent notre attention à tous, très particulièrement de l’Etat du Sénégal, par leur courage, leur détermination et leur efficacité. En quelques jours, elles se sont mobilisées sur toute l’étendue du territoire national, notamment dans les 14 régions du pays pour exprimer leur ras le bol et exiger le retour de la paix en Casamance. Le chef de l’Etat et son gouvernement doivent avoir une oreille attentive aux messages de ces femmes et agir en leur faveur. En hommage donc à ces femmes, nous avons reçu Mme Ndéye Binta Goudiaby, actrice de cinéma résidant aux USA, pour l’élever au rang d’ambassadeur de la Paix pour la Casamance. A travers la personne de Mme Binta Goudiaby, nous rendons un vibrant hommage à nos mamans, nos sœurs et nos épouses, pour dire tout simplement à la femme sénégalaise est la plus exposée et principale victime de ce conflit.

C’est pourquoi, nous invitons les femmes de la diaspora à se mobiliser et à s’impliquer aux cotés de leurs sœurs du mouvement national des femmes « USUFORAL » pour la paix en Casamance.

Dans quelques semaines, nous engagerons des consultations citoyennes sur l’avenir politique, économique, culturel, social et environnemental de la Casamance. Nous constatons que depuis l’éclatement de cette crise en Casamance, des solutions ont été proposées, aux seuls vouloirs des élites politiques, sans l’avis des citoyens et des populations sénégalaises.

Il me semble ainsi « politiquement correct » de donner la parole aux décideurs légitimes, après 33 ans de recherche sans solution consensuelle.

En parlant de consultations citoyennes, faites-vous allusion à un référendum ?

La consultation citoyenne peut s’opérer de plusieurs formes, notamment le référendum. Mais, pour ce qui nous concerne, il ne s’agira pas de référendum, mais de permettre aux Sénégalaises et Sénégalais de donner enfin leur avis sur cette crise qui est devenue le plus vieux conflit du continent. Prochainement, nous allons expliquer aux Sénégalais la nature de ces consultations citoyennes.


La rédaction