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Aminata Touré: Grandeur et décadence d’une dame de fer

Ascension fulgurante ! Chute vertigineuse ! Les deux dernières années politiques de Aminata Touré ont été une accélération sans répit. De sa révélation au commun des Sénégalais en tant que ministre de la Justice à sa nomination comme Premier ministre, tout s’est passé comme un éclair. Mais la chute de Mimi la dame de fer a été tout aussi rapide. Khalifa Sall apparait comme le principal artisan, mais il y a bien un précédent à ces élections locales.


Rédigé par leral.net le Samedi 5 Juillet 2014 à 17:44 | | 0 commentaire(s)|

Aminata Touré: Grandeur et décadence d’une dame de fer
La rapidité de sa chute a finalement été à la mesure de la vitesse de sa promotion.

Aminata Touré, de son surnom, Mimi, n’est plus Premier ministre du Sénégal. Elle a quitté son poste, hier, suite à sa défaite lors des élections locales du 29 juin. Autant dire que Khalifa Sall, son grand rival pour la mairie de Grand Yoff et celle de la ville de Dakar, a freiné son élan. En postulant à la mairie de Grand Yoff, elle avait fait un pari à la fois exaltant et risqué.

Deux pentes, l’une ascendante et l’autre descendante s’offraient à elle. Sortir victorieuse et avoir l’embarras du choix, tant les possibilités seraient larges, ou alors être défaite et chuter directement du sommet de la montagne et perdre ainsi ses privilèges dans l’appareil d’Etat et le parti. Toutefois, il n’est pas sûr que Mimi Touré allait voir l’horizon s’élargir devant elle en cas de victoire, tellement il y avait d’écueils sur son chemin. D’ailleurs, ils sont nombreux les observateurs à se demander si le fait de l’envoyer au charbon n’était pas une stratégie pour avoir un prétexte permettant de l’écarter.

Des mois avant les Locales, la presse a plusieurs fois fait état de relations heurtées avec le président de la République, Macky Sall. Il est reproché à Aminata Touré de prendre certaines décisions sans l’aval de son patron. La dernière en date, nous diton, est d’avoir déclaré la candidature du Sénégal pour l’organisation du sommet de l’environnement, alors qu’elle n’a pas l’autorisation du chef de l’exécutif. Se prévalant de sa qualité de Premier ministre, elle demandait aux ministres, selon certaines sources, de passer d’abord par elle, avant de s’ouvrir au Président. Connue pour sa fermeté, certains collaborateurs la trouvent autoritaire.

Par ailleurs, les rapports difficiles ne s’arrêtent pas uniquement à ce niveau. Il y a aussi l’autre dame à la peau noire d’ébène, Marième Faye Sall. Mimi Touré accuserait l’épouse du Président d’avoir “engagé des efforts à Grand Yoff pour lui faire perdre les élections”. Cette accusation n’est que la suite de la rivalité à Grand Yoff entre le Premier ministre et le frère de la première dame Adama Faye. Est-ce parce que Mimi a préféré militer à Grand Yoff et non à Gossas, comme on le lui avait demandé ? Dans tous les cas, d’aucuns lui reprochent son choix porté sur Grand Yoff qui, à leur avis, est considéré par Mimi comme un tremplin.

Tous ces éléments, réels ou supposés, sont confortés par certaines attitudes. Mame Mbaye Niang, considéré comme un proche du Président, dans une interview accordée à Enquête, avait demandé que le poste de Premier ministre soit supprimé. Non content de cela, il accusait sa camarade de parti de travailler pour elle-même, oubliant de défendre le Président.

Une justice intransigeante

D’ailleurs, l’un des handicaps qui fait que Mimi Touré n’était pas aimée de tous dans la formation du Président est qu’elle est considérée comme une militante de la vingt cinquième heure par certains membres fondateurs de l’Alliance pour la République. Inconnue de la grande masse des Sénégalais jusqu’en 2012, sa cote de notoriété est montée en flèche en un laps de temps. De l’ombre internationale, elle passe à la lumière des caméras et aux flashs des appareils photos nationaux à la faveur de sa nomination comme ministre de la Justice dans le premier gouvernement du banquier Abdoul Mbaye. “Mimi arrive” à grandes enjambées et gagne la sympathie des Sénégalais, parce que droite dans ses bottes sur les affaires judiciaires.

Prenant la justice à bras le corps, elle apparaît très vite comme une dame de fer capable de redorer la robe ternie de Dame justice. Ses compatriotes découvrent une femme pas comme les autres. Mise soignée, mais visage dépourvu des astuces des femmes sénégalaises, elle déclare vouloir “réconcilier les Sénégalais avec leur justice qui, ces dernière années, a perdu beaucoup de sa crédibilité en étant souvent partisane”. Il faut dire que le domaine qui lui est confié ne lui est pas totalement inconnu, car elle a été ancienne directrice du département des droits humains de l’Onu pendant 5 ans, avant son retour au Sénégal en 2010.

Ferme et déterminée, elle se montre très tôt à la hauteur de la tâche, aux yeux de l’opinion. Sa voix masculine répète dans tous les médias audiovisuels la fin de l’impunité. L’épisode Cheikh Béthio lui donne l’occasion de prouver son intransigeance. Le guide religieux jusqu’ici intouchable a été arrêté manu militari après la mort de deux de ses disciples. Avant lui, Karim, l’ancien ministre et fils de Wade, a été envoyé derrière les barreaux. Là aussi, le ministre de la Justice avait clairement annoncé ses intentions. “Nous allons enquêter sur les fonds spoliés de l'Etat et poursuivre les auteurs de détournement”, prévient celle qui a dirigé le cabinet du candidat Macky Sall pendant la campagne. Même les poursuites contre son ex-mari Omar Sarr ne l’ébranlent pas.

Ces différents actes posés lui donnent une autre envergure. Quand Macky Sall a voulu accélérer la cadence, il l’a portée à la tête du gouvernement, un certain 1er septembre 2013. Depuis lors, la vitesse de croisière tant recherchée peine à être trouvée. L’économie marche plutôt au ralenti et l’emploi reste toujours un luxe pour les diplômés.

En perdant les élections, elle a aussi perdu son poids politico-étatique. Ayant connu la grandeur dans un passé récent, aujourd’hui elle connait le goût amer de la décadence.

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