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Ancien réfugié, il est aujourd’hui bénévole sur les plages grecques

le 28 Juin 2016 à 13:38

La première fois que cet humanitaire a rencontré sa nièce de 3 ans, c’était pour lui porter secours. Elle arrivait sur un bateau avec d’autres réfugiés sur une plage grecque.


Ancien réfugié, il est aujourd’hui bénévole sur les plages grecques

«J’avais le sentiment que quelque chose de fou était en train de se passer, quelque chose d’irréel», a raconté Ghias Aljundi, 48 ans, à BuzzFeed News. «Je ne sais pas quoi dire, dit-il. Je n’arrive pas à décrire ce que j’ai ressenti.»

Aljundi a fui la Syrie en 1998 pour rejoindre le Royaume-Uni. Depuis, il n’avait pas revu son frère, ni même rencontré certains membres de sa famille élargie. Comme beaucoup de Syriens, Ghias Aljundi avait été forcé de quitter son pays après avoir été menacé puis torturé par le régime actuel à cause de ses positions politiques franches.

«[J’avais] perdu tout espoir de les revoir dans un avenir proche», dit-il.

Ghias Aljundi, qui est basé à Londres, est  conseiller indépendant en droits de l’homme et travaille aussi pour Amnesty International. L’année dernière, lorsqu’il a vu les images bouleversantes des réfugiés qui arrivaient sur les plages grecques, il a décidé de devenir bénévole. En octobre dernier, il partait à Lesbos.

«Initialement, j’y suis allé pour cinq jours, dit-il. J’ai manqué trois vols et j’y suis retourné.»

En décembre, à Lesbos, Ghias Aljundi aidait les bénévoles à secourir les gens des bateaux et les amener en zone sûre. Mais il ne se doutait que sa propre famille se trouverait parmi ceux qu’il a sortis de la mer. «Je ne savais pas qu’ils arriveraient avec leurs enfants», a raconté Ghias Aljundi.


«J’ai travaillé sur des centaines de bateaux, il y avait vraiment des milliers et des milliers de réfugiés –je les ai aidés à sortir des bateaux et j’en ai secouru certains de la mer.»

Il avait gardé contact avec son frère de 37 ans, Safi, qui vivait avec sa jeune famille dans la ville côtière de Tartous, dans l’Est de la Syrie. Alors que la situation en Syrie a continué à se dégrader, les choses empiraient pour la famille de Ghias Aljundi: «Notre famille est souvent prise pour cible, car nous sommes manifestement contre le régime.»

«Ils m’ont dit qu’ils devaient partir et je ne savais pas ce qui se passait», dit-il. C’est en parlant avec son frère sur WhatsApp que Aljundi a appris qu’ils étaient arrivés au Liban, puis en Turquie, où ils se préparaient à traverser.

Plus de 900 personnes sont mortes  en essayant de passer en Grèce depuis le début de la crise des réfugiés en Europe. Ghias Aljundi avait très peur pour sa famille et leur recommandait de ne pas voyager la nuit car c’était plus dangereux, de se munir de gilets de sauvetage adéquats et d’envelopper leurs pieds dans des sacs plastiques.

«Et je leur ai dit de ne pas crier, car cela fait peur aux enfants», a-t-il dit.

Aris Messinis / AFP / Getty Images

En décembre –Ghias Aljundi ne se souvient pas de la date exacte, il a aidé un bateau à venir à terre et comme d’habitude, il sortait les nouveaux arrivés du navire et de l’eau. «J’ai soulevé ma nièce avant de la redonner à une autre personne et quelqu’un s’est exclamé: “Oh! C’est ta nièce!”» raconte-t-il.

«Je ne l’avais jamais rencontrée. Elle était avec sa mère, je n’avais jamais rencontré sa mère. Je ne connaissais personne, sauf mon frère et mon neveu.»

Puis, Ghias Aljundi a vu son frère et son neveu qu’il a aussi aidé à sortir du bateau. Aljundi raconte le soulagement qu’il a ressenti en entendant son neveu lui dire: «Oh mon oncle, c’est moi.»

Après avoir aidé les membres de sa famille à sortir du bateau, Ghias Aljundi s’est arrangé pour qu’ils restent à l’extérieur des camps où étaient hébergés les réfugiés et les migrants l’année dernière. Sa belle-sœur de 25 ans, Nina, était enceinte de six mois et morte d’inquiétude à l’idée que quelque chose ne soit arrivé à son bébé, après que des personnes sur le bateau lui avaient marché dessus. Mais un médecin en Grèce a réussi à entendre un battement de cœur et trois mois plus tard, Nina a donné naissance à un «petit garçon appelé Alec». C’est Ghias Aljundi qui a choisi le nom de son petit neveu.

La famille, dont le neveu de 29 ans de Ghias Aljundi, sont à présent installés en Allemagne où ils sont résidents. Ils sont inscrits à des écoles de langues et Sirin, la nièce de Ghias, attend d’avoir une place à la maternelle du coin.

«Je n’ai jamais eu de frère en Europe, je n’ai jamais connu ce sentiment. Je croyais que je ne les reverrais pas avant longtemps… je n’arrive pas à y croire.»

Ghias Aljundi a dit: «Mon frère et sa femme sont très très heureux. Il m’a dit: “À présent, je me sens comme un être humain.” Ça veut tout dire.»

Ghias Aljundi avec son frère Safi (agenouillé à côté de sa fille, Sirin) et le reste de sa famille. Ghias Aljundi

Il ne reste aujourd’hui qu’environ 17,9 millions de personnes en Syrie. Au début du conflit, ils étaient 24 millions d’habitants. Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) estimait au 16 juin 2016 que la guerre a engendré plus de 4 millions de réfugiés. Environ 6 millions de personnes sont considérées comme étant déplacées à l’intérieur de leur propre pays et 13,5 millions de personnes ont un besoin urgent d’aide humanitaire. Le nombre de personnes tuées varie entre 200.000 et plus de 400.000 personnes, selon les Nations unies et l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH).


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