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Après 35 ans de conflit, la Casamance entrevoit la paix au Sénégal


Rédigé par leral.net le Jeudi 20 Juillet 2017 à 11:19 | | 0 commentaire(s)|

Des membres du Mouvement des forces démocratiques de Casamance.
Des membres du Mouvement des forces démocratiques de Casamance.

Passé le barrage de soldats sénégalais, un sentier bordé de lianes serpente entre les rizières jusqu'au village de Toubacouta, qui résonne du bruit des marteaux. Après 35 ans de rébellion, la Casamance espère voir l'accalmie persistante se transformer en paix véritable.

Dans le village, proche de Ziguinchor, principale ville de cette région du sud du Sénégal, limitrophe de la Gambie, des ouvriers posent la charpente en bois de palmier d'un bâtiment en pisé, au milieu de manguiers, d'anacardiers et de citronniers.

Sous un abri en bois, Yaya Sané, un notable rentré en 2006, surveille les travaux, à coups de marteau sur les tôles en zinc.

Pendant des années, cette zone a été vidée de ses habitants par les affrontements entre l'armée et le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC, indépendantiste), entré en rébellion en 1982.

"J'avais fui à Ziguinchor en 1991", affirme Yaya Sané. "Nous n'avons plus peur. La paix est revenue".

"La dernière attaque dans le village, c'était en 2000", dit Lamine Sané, un autre notable.

Après Toubacouta, au bord de la route défoncée qui mène au village de Boutoupa Camaracounda, se succèdent barrages et véhicules militaires.

"Quand on entend un coup de feu maintenant, c'est celui d'un chasseur", précise Abdou Camara, un jeune de Boutoupa Camaracounda.

Le conflit a fait des milliers de victimes civiles et militaires, notamment à cause des mines, ainsi que des milliers de déplacés.

"Aujourd'hui, il n'y a pas de braquage, pas de combats fratricides entre l'armée et le MFDC", affirme Moussa Cissé, un responsable du Collectif des cadres de Casamance, impliqué dans la médiation pour la paix.

"Il ne reste plus qu'à s'asseoir pour négocier", estime-t-il, espérant que de nouvelles discussions permettent de "parvenir à un accord de paix définitive".

"L'Etat et le MDFC doivent discuter. On ne sait pas pourquoi il n'y a pas de négociations", dit Oumar Biaye, du village voisin de Samik.

Départ de Yahya Jammeh

Les tractations se sont multipliées depuis l'élection en 2012 du président Macky Sall, en particulier sous l'égide de la communauté catholique Sant'Egidio, à Rome, connue pour ses efforts de médiation internationale.

Le départ il y a six mois du président gambien Yahya Jammeh, accusé au Sénégal de soutenir la rébellion, est considéré par beaucoup d'analystes comme une occasion de rouvrir ce canal de négociations.

Mais à court terme, bien que son successeur Adama Barrow se soit engagé, lors d'une visite au Sénégal en mars, pour la paix en Casamance, le changement de régime ralentit plutôt le processus.

"Fin mars, la communauté Sant'Egidio est venue ici pour voir comment faciliter notre déplacement à Rome", avait révélé en mai le chef militaire le plus radical du MFDC, Salif Sadio, dans une interview.

Les précédentes délégations du MFDC à ces négociations - dernièrement en octobre 2015 - transitaient par la Gambie, mais la rébellion n'a plus de contact avec les autorités gambiennes depuis le départ de Yahya Jammeh, a affirmé Salif Sadio à la radio locale Zig FM.

Avant de négocier, la rébellion, divisée en factions politiques et militaires, souhaite des assises internes pour parler d'une même voix.

"C'est compliqué. Certaines factions se regardent en chiens de faïence", juge une source proche du dossier, "mais la majorité du MFDC a toujours manifesté sa volonté de réunir toutes les factions pour négocier à l'unisson".

La France a pris acte en octobre 2016 de l'accalmie, en retirant la Casamance des zones à risques, mais recommande d'y faire "preuve d'une vigilance renforcée".

Car des rebelles sont encore dans le maquis.

Dans les villages de "Badem, Babonda et Tendouck, à deux ou trois km d'ici, les gens ne sont pas rentrés. On n'ose pas rentrer dans la forêt. Les gens du MFDC sont là-bas, et armés", dit Lamine Sané, de Toubacouta.

Par ailleurs, de nombreux déplacés sont restés dans les villes, faute de moyens pour rentrer et reconstruire leurs maisons.

En outre, les habitants de cette région aux fortes potentialités agricoles, longtemps considérée comme le grenier du Sénégal, hésitent à aller dans les champs ou vergers à cause des mines.

Mais les autorités insistent sur le nombre de projets lancés en Casamance: routes, électricité, agriculture, éducation, tourisme...

"La page de toutes ces difficultés est tournée", a promis cette semaine le Premier ministre, Mahammed Boun Abdallah Dionne, lors d'un meeting à Ziguinchor pour les législatives de la fin du mois, estimant que "la paix est irréversible".

VOA avec AFP