La chute est inéluctable. Les ndiguels ne pourront pas infléchir la trajectoire implacable de l’histoire. Le désaveu de sa politique par l’écrasante majorité des électeurs sénégalais s’incruste dans sa logique d’exercice solitaire du pouvoir faite d’extravagance sur fond de gestion néo patrimoniale des deniers publics. Ce qui est en train de se jouer dans l’espace politique est également fertile en enseignements pour la classe politique, la société civile, le citoyen sur la nécessité de rupture qu’il convient d’opérer dans notre comportement et dans la gestion de la chose publique.
Dans la perspective de reconfiguration des paramètres de gestion de la nouvelle cité sur des bases qui épousent un socle de valeurs, les conclusions des assises nationales se sont invitées dans le débat électoral. La charte de la gouvernance démocratique des assises nationales est présentée comme une sorte de panacée censée apporter toutes les solutions, autant au malaise du simple citoyen et qu’au pessimisme qui structure son discours porté sur l’espace publique, sur les institutions et sur des acteurs politiques. La presque totalité des candidats de la mouvance du M 23 avait pendant la campagne électorale promis d’appliquer les conclusions des assises, une fois élu. Dans cette optique, le candidat Macky Sall, à la suite d’une rencontre avec le bureau national des assises, a réitéré cette volonté de l’appliquer en l’intégrant dans son programme.
Nul ne doute de la pertinence des conclusions des assises nationales comme propositions de solution aux maux dont souffre notre pays. Par contre, la réflexion sur les modalités d’appropriation de ces conclusions par tous les segments de la société est loin d’être épuisée. Pis elle est, pour la plupart du temps subtilement esquivée. En effet, beaucoup d’acteurs de la société civile et même de la classe politique ont une lecture très réductrice de la charte de la gouvernance démocratique des assises nationales. Ils pensent à tort ou tentent de faire croire qu’elle doit s’appliquer exclusivement dans la sphère de la gestion de l’Etat central. Défendre une telle conception, c’est avoir une lecture tronquée des conclusions des assises nationales. En réalité, la nation est un tout, nonobstant l’existence des échelles. Mieux, c’est l’articulation dynamique des échelles, unités à la fois sociales et niveaux de responsabilités qui assure la structuration de l’Etat-nation.
Lorsqu’on entend des membres de la société civile s’exprimer sur le jeu et les acteurs politiques, ils se mettent d’emblée dans une posture de juges attitrés de la société et du personnel
politique. Pourtant, les premiers à devoir s’approprier la charte de la gouvernance démocratique sont sans nul doute la société civile sénégalaise. En effet, le fonctionnement de nombreuses organisations de la société civile continue d’être caractérisé par l’absence de démocratie interne. Le copinage, l’opacité, le détournement d’objectifs à des fins d’enrichissement personnel, les manœuvres souterraines et des systèmes de verrouillage pour s’éterniser aux postes-clé sont des tares qui minent la plupart des organisations de la société civile, pourtant promptes à jeter bruyamment l’anathème sur les acteurs politiques. Qui plus est, chevillée aux logiques de leurs bailleurs de fonds occidentaux qui assurent leur survie financière, elle n’est plus maîtresse de ses initiatives. Nous l’avons vue porter des combats pour la légitimation de pratiques aux antipodes de nos valeurs.
Par ailleurs, la victoire des acteurs politiques, parties prenantes des assises nationales au niveau de nombreuses collectivités locales du pays était l’occasion rêvée d’expérimenter la charte de la gouvernance des assises nationales à l’échelle locale. Mais on a très vite déchanté. En effet, dans de nombreuses collectivités locales gérées par le Benno Siguil Sénégal, les pratiques néo-patrimoniales, l’accaparement du foncier ont continué de plus belle. Du reste, dès le début, des sons discordants ont été notés. En effet, sur la déclaration préalable de patrimoine, si certains maires se sont acquittés de ce principe, pourtant, non exigée par la charte mais salutaire car renforçant le souci de transparence, à l’opposé, d’autres l’ont simplement rejetée. Un de ces maires en l’occurrence, Aminata Mbengue Ndiaye a fait comprendre que « la déclaration publique de patrimoine ne faisait pas partie de nos traditions » (sic).
Dans ce capharnaüm autour de la charte de la gouvernance démocratique le futur président Macky Sall apparaît comme un cobaye par défaut. Sa promesse de d’institutionnaliser le cadre des assises est une bonne chose, mais cela peut se révéler un piège avec la tentation de ce cadre de se transformer en un tribunal où il sera attrait à tout bout de champ.
Quel que soit son degré de volonté politique dans l’application des conclusions des assises, la tâche sera ardue, car, il n’aura pas la mainmise sur tous les paramètres de « gouvernabilité » de ce pays. Elle le sera d’autant plus qu’il aura à exercer son pouvoir dans un contexte de déficit citoyen tous azimuts, de désacralisation de l’autorité exacerbée par le régime de l’alternance. Pour ne prendre qu’un exemple, des enseignants syndiqués peuvent boycotter leurs cours pendant des mois pour revendiquer des « indemnités substantielles », disqualifier leur ministre de tutelle et continuer de percevoir intégralement et allègrement leurs salaires à la fin de chaque mois. D’ores et déjà, en proposant aux syndicats de traiter directement leurs revendications, une fois élu, M. Sall réduit la marge de manœuvre de son futur ministre de l’éducation, condamné à jouer un rôle de figurant face à des responsables syndicaux spécialistes et des coups médiatiques et de la surenchère alarmiste.
En définitive, l’un des premiers combats à mener est l’appropriation des valeurs de l’état de droit par tous les segments de la société. Tous les citoyens doivent comprendre qu’au sein de l’espace public, il est impossible d’agir en dehors des lois et de toute forme d’autorité. Abuser de la liberté conduit inéluctablement à briser les fondements de celle-ci.
Parlant du rapport entre les droits et les devoirs, Henry Bergson note avec justesse, « la démocratie attribue à l’homme des droits inviolables. Ces droits pour rester inviolés exigent de la part de tous une fidélité inaltérable au devoir. Elle prend pour matière un homme idéal, respectueux des autres comme de lui-même, s’insérant dans des obligations qu’il tient pour absolues, coïncidant si bien avec cet absolu qu’on ne peut plus dire si c’est le devoir qui confère le droit ou si c’est le droit qui impose le devoir »
C’est dire que l’appropriation de la charte de la gouvernance démocratique est d’abord et avant un combat citoyen. En guise de conclusion d’un cours sur l’histoire politique de notre pays, mon professeur d’histoire au collège nous disait ceci : « le salut du Sénégal ne peut provenir que d’une refonte des structures et des mentalités »
Mamour Amina Fall
Grand Diourbel
Aramedemba1@yahoo.fr
Dans la perspective de reconfiguration des paramètres de gestion de la nouvelle cité sur des bases qui épousent un socle de valeurs, les conclusions des assises nationales se sont invitées dans le débat électoral. La charte de la gouvernance démocratique des assises nationales est présentée comme une sorte de panacée censée apporter toutes les solutions, autant au malaise du simple citoyen et qu’au pessimisme qui structure son discours porté sur l’espace publique, sur les institutions et sur des acteurs politiques. La presque totalité des candidats de la mouvance du M 23 avait pendant la campagne électorale promis d’appliquer les conclusions des assises, une fois élu. Dans cette optique, le candidat Macky Sall, à la suite d’une rencontre avec le bureau national des assises, a réitéré cette volonté de l’appliquer en l’intégrant dans son programme.
Nul ne doute de la pertinence des conclusions des assises nationales comme propositions de solution aux maux dont souffre notre pays. Par contre, la réflexion sur les modalités d’appropriation de ces conclusions par tous les segments de la société est loin d’être épuisée. Pis elle est, pour la plupart du temps subtilement esquivée. En effet, beaucoup d’acteurs de la société civile et même de la classe politique ont une lecture très réductrice de la charte de la gouvernance démocratique des assises nationales. Ils pensent à tort ou tentent de faire croire qu’elle doit s’appliquer exclusivement dans la sphère de la gestion de l’Etat central. Défendre une telle conception, c’est avoir une lecture tronquée des conclusions des assises nationales. En réalité, la nation est un tout, nonobstant l’existence des échelles. Mieux, c’est l’articulation dynamique des échelles, unités à la fois sociales et niveaux de responsabilités qui assure la structuration de l’Etat-nation.
Lorsqu’on entend des membres de la société civile s’exprimer sur le jeu et les acteurs politiques, ils se mettent d’emblée dans une posture de juges attitrés de la société et du personnel
politique. Pourtant, les premiers à devoir s’approprier la charte de la gouvernance démocratique sont sans nul doute la société civile sénégalaise. En effet, le fonctionnement de nombreuses organisations de la société civile continue d’être caractérisé par l’absence de démocratie interne. Le copinage, l’opacité, le détournement d’objectifs à des fins d’enrichissement personnel, les manœuvres souterraines et des systèmes de verrouillage pour s’éterniser aux postes-clé sont des tares qui minent la plupart des organisations de la société civile, pourtant promptes à jeter bruyamment l’anathème sur les acteurs politiques. Qui plus est, chevillée aux logiques de leurs bailleurs de fonds occidentaux qui assurent leur survie financière, elle n’est plus maîtresse de ses initiatives. Nous l’avons vue porter des combats pour la légitimation de pratiques aux antipodes de nos valeurs.
Par ailleurs, la victoire des acteurs politiques, parties prenantes des assises nationales au niveau de nombreuses collectivités locales du pays était l’occasion rêvée d’expérimenter la charte de la gouvernance des assises nationales à l’échelle locale. Mais on a très vite déchanté. En effet, dans de nombreuses collectivités locales gérées par le Benno Siguil Sénégal, les pratiques néo-patrimoniales, l’accaparement du foncier ont continué de plus belle. Du reste, dès le début, des sons discordants ont été notés. En effet, sur la déclaration préalable de patrimoine, si certains maires se sont acquittés de ce principe, pourtant, non exigée par la charte mais salutaire car renforçant le souci de transparence, à l’opposé, d’autres l’ont simplement rejetée. Un de ces maires en l’occurrence, Aminata Mbengue Ndiaye a fait comprendre que « la déclaration publique de patrimoine ne faisait pas partie de nos traditions » (sic).
Dans ce capharnaüm autour de la charte de la gouvernance démocratique le futur président Macky Sall apparaît comme un cobaye par défaut. Sa promesse de d’institutionnaliser le cadre des assises est une bonne chose, mais cela peut se révéler un piège avec la tentation de ce cadre de se transformer en un tribunal où il sera attrait à tout bout de champ.
Quel que soit son degré de volonté politique dans l’application des conclusions des assises, la tâche sera ardue, car, il n’aura pas la mainmise sur tous les paramètres de « gouvernabilité » de ce pays. Elle le sera d’autant plus qu’il aura à exercer son pouvoir dans un contexte de déficit citoyen tous azimuts, de désacralisation de l’autorité exacerbée par le régime de l’alternance. Pour ne prendre qu’un exemple, des enseignants syndiqués peuvent boycotter leurs cours pendant des mois pour revendiquer des « indemnités substantielles », disqualifier leur ministre de tutelle et continuer de percevoir intégralement et allègrement leurs salaires à la fin de chaque mois. D’ores et déjà, en proposant aux syndicats de traiter directement leurs revendications, une fois élu, M. Sall réduit la marge de manœuvre de son futur ministre de l’éducation, condamné à jouer un rôle de figurant face à des responsables syndicaux spécialistes et des coups médiatiques et de la surenchère alarmiste.
En définitive, l’un des premiers combats à mener est l’appropriation des valeurs de l’état de droit par tous les segments de la société. Tous les citoyens doivent comprendre qu’au sein de l’espace public, il est impossible d’agir en dehors des lois et de toute forme d’autorité. Abuser de la liberté conduit inéluctablement à briser les fondements de celle-ci.
Parlant du rapport entre les droits et les devoirs, Henry Bergson note avec justesse, « la démocratie attribue à l’homme des droits inviolables. Ces droits pour rester inviolés exigent de la part de tous une fidélité inaltérable au devoir. Elle prend pour matière un homme idéal, respectueux des autres comme de lui-même, s’insérant dans des obligations qu’il tient pour absolues, coïncidant si bien avec cet absolu qu’on ne peut plus dire si c’est le devoir qui confère le droit ou si c’est le droit qui impose le devoir »
C’est dire que l’appropriation de la charte de la gouvernance démocratique est d’abord et avant un combat citoyen. En guise de conclusion d’un cours sur l’histoire politique de notre pays, mon professeur d’histoire au collège nous disait ceci : « le salut du Sénégal ne peut provenir que d’une refonte des structures et des mentalités »
Mamour Amina Fall
Grand Diourbel
Aramedemba1@yahoo.fr