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Attention à Tambacounda ! (Par Kadialy Diakhité)

Rédigé par leral.net le Jeudi 6 Mars 2014 à 17:45 | | 0 commentaire(s)|

La série des crimes mystérieux se poursuit à Tambacounda. Une autre victime vient de tomber sous le hangar de la place des prières de Korité et de Tabaski du quartier Gounass, près du domicile de l’imam du quartier. C’est aussi le quartier général et le poste de transit de toute la tijania de Gounass. La presque totalité de ces crimes laissent apparaître la même signature. Crimes féroces, sauvages, odieux, à la limite cannibalesques, à cause des prélèvements d’organes, perpétrés contre des individus vulnérables, parce que malades ou isolés, dans des endroits tout aussi isolés et peu ou mal sécurisés.


Attention à Tambacounda ! (Par Kadialy Diakhité)
En attendant les résultats d’une enquête policière, la particularité du crime découvert ce jeudi 6 mars 2014 au petit matin, par les passants et les habitants du quartier Gounass de Tambacounda, se trouverait dans une différence de taille avec les cas avérés jusque là. Des témoignages concordants identifient la victime comme un individu saint d’esprit et de corps, dont le seul tord a été d’être isolé dans un endroit peu ou mal sécurisé, qu’il aurait choisi pour dormir et se reposer d’une journée fatigante et caniculaire, afin de profiter de la fraicheur du soir, sous ce hangar très aéré, à côté de sa bicyclette. Ce hangar de Gounass est d’ailleurs réputé pour être un lieu de repos et surtout une auberge en plein air, sécurisé contre la pluie et l’intensité du soleil tambacoundois, mais sécurisé surtout parce que c’est un lieu de prière, de culte religieux, qui en fait à la fois un endroit sacré et inviolable.

Ce crime et cette victime de Gounass ont le mérite d’ébranler les certitudes qui voulaient que seuls des déficients mentaux étaient visés. A l’évidence, personne n’est à l’abri, dès lors que les conditions de vulnérabilité, d’isolement et d’insécurité seront réunies à un moment qui donne l’opportunité aux criminels de sévir. Il se pose également la question sur le mobile des crimes ainsi que le profil du ou des criminels, pour savoir s’il s’agit de crimes mystiques, rituels, crapuleux perpétrés par un ou des tueurs en série, psychopathes ou autres. En considérant toutes les conjectures qui sont livrées jusque là, il faut avoir à l’esprit que seule la ville de Tambacounda est touchée par ce phénomène. Le mal doit y être impérativement rayé, endigué, jugulé. Que se passerait-il si d’autres villes étaient affectées ? Il est difficile et insoutenable d’imaginer ce ou ces tueurs à Dakar et dans ses banlieues populeuses. Au demeurant, Tambacounda n’est pas la seule ville qui baigne dans la tension politique générée par la perspective des élections locales et il y’a d’autres localités bien plus proches des mines d’or du sud-est et parfois plus vulnérables. Ce n’est non plus la première fois que des élections locales sont organisées au Sénégal, qui n’est pas le premier pays où l’on a découvert et exploité de l’or. Alors, attention !!!

A cet égard, il est indispensable, au-delà de l’émotion et de la psychose, de faire preuve de lucidité, de rationalité, de sérénité, d’efficacité et de solidarité pour élucider ces crimes et d’y mettre un terme de façon urgente car, il n’y a pas pire danger que la frayeur populaire. Avant cela, personne ne peut être tenu pour responsable de ce phénomène et de sa persistance. Personne ne peut être non plus accusé d’indifférence, de laxisme, d’incurie. Tout le pays est dans l’émoi, tous les sénégalais et ceux qui vivent dans ce pays ou en dehors sont en alerte et mobilisés activement, physiquement, psychologiquement, moralement. S’il y’a responsabilité, elle est collective et partagée entre l’Etat, les populations, les individus et les collectivités physiques ou morales. C’est le lieu pour chacun de se demander que faire pour soi-même, pour son voisin, pour ses concitoyens, pour sa collectivité, pour sa cité, sa région, son pays, au lieu de tout attendre de l’autre, de sa cité, de son pays, de l’Etat, des politiciens.

Cette question de vie et de mort, de droit humain, concerne tout le monde. Chacun doit y jouer un rôle dans son domaine et à sa manière, là où il se trouve. Dès lors que l’on pointe le doigt sur l’autre, sans preuve et sans raison, dans ces moments d’émotions, de psychose et de frayeur, il y’a des risques de dérapages incommensurables. Ceci ne dédouane pas ceux qui ont la charge de gérer le pays, la cité, la collectivité ainsi que tous ceux qui postulent à ces charges. Ils ont un rôle moteur et catalyseur à jouer. Certes, des mesures de renforcement de la sécurité sont prises et il serait inconcevable de les oublier ou de les ignorer ainsi que des actes à effet psychologique et catalyseur comme la descente sur le terrain de hauts responsables de la sécurité nationale, régionale et locale.

Néanmoins l’Etat doit entreprendre des actions plus efficaces encore et éviter du coup, que ressurgissent un débat stérile sur le sous-équipement et le sous-effectif des forces de sécurité, mis en parallèle avec l’agence de sécurité de proximité.

Par ailleurs, ces crimes donnent aux populations et de surcroit aux électeurs de Tambacounda, la possibilité de bien identifier et de bien choisir ceux à qui ils vont prochainement confier la gestion de la cité. Les imams ont fait ce qui relève de leur domaine de compétence, en organisant des prières, qui ont également un impact psychologique sur les comportements. De l’autre côté, il y’a au moins une vingtaine de prétendants aux charges de maire de Tambacounda. La liste n’est pas encore close. Chacun de ces candidats au poste de maire vit dans un des quartiers de la ville, plus ou moins proche des lieux des crimes ou des zones périphériques peu sécurisées et peu éclairées. Les personnes vulnérables sont connues de tous dans les quartiers, ainsi que les zones d’insécurité.

Cette affaire n’est pas seulement et uniquement celle de l’Etat. Quelles initiatives citoyennes ces prétendants à gérer la commune ont-ils entrepris, suggéré, impulsé ou conduit pour renforcer leur propre sécurité et celle de leurs voisins, tant au niveau de la préparation psychologique que de l’organisation pratique et active des populations dans les quartiers, en complément de l’action publique de l’Etat et de la collectivité ? C’est par de tels actes que l’on peut identifier les serviteurs dévoués et loyaux de la collectivité. Il ne suffit pas d’organiser des marches, de vociférer et de faire de l’exhibition propagandiste pour être efficace au service de la collectivité. L’action qui se mène avec, à côté et à l’avant-garde des populations est la posture la plus payante pour les populations et pour le candidat.

Il y a une nouvelle tendance assez bien entretenue et partagée dans le mental populaire, pour le choix de nouveaux dirigeants de la cité. Cette nouvelle tendance exprime un penchant net pour les seuls natifs, au propre, de Tambacounda. Les promoteurs et les partisans de cette tendance, ainsi que les hommes politiques qui se prêtent ou qui voudraient se prêter à ce jeu commettent une grave erreur, par rapport à la stabilité sociale et politique de la région et du Sénégal, ainsi que de l’Afrique. Ils portent atteinte, en même temps, à l’image bien réelle et séculaire de Tambacounda en tant que « ville d’intégration ». L’identité tambacoundoise mérite réflexion et méditation. Le tambacoundois, c’est aussi et bien évidemment celui qui n’est ni originaire, ni natif de la ville et qui est attaché à cette cité par amour, par affection et par intégration.

Tambacounda a toujours été considérée comme une cité enclavée. A l’évidence cet enclavement était on ne peut plus relatif et s’entendait plus par rapport à la capitale Dakar. Cet enclavement était surtout mal vécu dans l’état peu commode et peu confortable des voies de communications qui desservaient la ville pendant longtemps. Pour autant, cela n’a pas empêché la ville d’être à la croisée des chemins de grandes migrations et donc, d’être un carrefour et un lieu de rencontres et d’établissement d’hommes et de femmes aux origines diverses et par conséquent, un creuset de cultures et de langues diverses et variées. L’une des caractéristiques ainsi que le charme de Tambacounda se trouve être son multiculturalisme et son plurilinguisme. La cité est une mosaïque constituée par des populations sénégalaises et africaines de la sous région dont chacune y a planté des racines. C’est une ville d’intégration par excellence.

En règle générale, toutes les cités et les pays d’intégration sont destinés à un bel avenir, compte tenu de l’apport d’idées et d’actions fertiles et généreuses de ses diversités. Les Etats-Unis d’Amérique et New-York en attestent. De nos jours, tous ceux qui peuvent se prévaloir d’être tambacoundois et en être fier, c’est parce que Tambacounda a existé et vécu grâce à l’œuvre d’autres, avant. De l’époque coloniale à l’indépendance, Tambacounda n’a jamais eu de maire natif de la ville. Pour autant, ces maires précédents n’ont pas brûlé la cité, ne l’ont pas dévoyé. Ils ont fait comme ils peuvent avec les moyens, l’intelligence et la vision qu’ils avaient. La ville et les citoyens de Tambacounda leur doivent beaucoup et reconnaissance. La tendance actuelle de rechercher seulement un natif est un manque de reconnaissance à l’égard des devanciers, voire une insulte à l’histoire de la ville.

Ceux qui doivent être choisis après les maires précédents doivent faire plus et mieux ou en désespoir de cause faire comme eux, mais pas moins. Dans le cas contraire, ils subiront la sanction de la population. Ce qui veut dire que la capacité de gérer efficacement et utilement Tambacounda ne dépend pas de la naissance ou non. Elle dépend plus de la capacité du maire à avoir une vision commune de l’avenir avec les populations, d’être un rassembleur et un travailleur soucieux de l’intérêt général. Tant mieux, si le nouveau maire devrait être enfin un natif, mais ce seul critère ne saurait prévaloir.

Curieusement, le carnage que subit actuellement la ville de Tambacounda est un signe prémonitoire. Il averti les candidats à la mairie sur les attentes des populations. C’est également un cri d’alarme et un signal d’alerte contre toute dérive de la population effrayée mécontente et déboussolée. Il ne faut surtout pas se tromper de cible et de responsable. La cible c’est le tueur ou les tueurs. Le responsable, c’est nous tous, Etat, collectivités et citoyens confondus. Il faut chercher à juguler ce mal, au lieu d’en rajouter un autre sous forme de soulèvement, d’émeutes, de chaos social. Contre qui ? La question mérite d’être méditer à Tambacounda, empêtré dans une accumulation de retard vers le développement et l’émergence.


Kadialy DIAKHITE, Journaliste écrivain