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«Avec Trump, on a enfin un homme politique capable d’appeler un chat, un chat»

Rédigé par leral.net le Jeudi 23 Février 2017 à 14:30 | | 0 commentaire(s)|

Dans le Michigan, Etat du Nord-Est qui a voté massivement pour le républicain après avoir subi de plein fouet la crise de 2008, les ouvriers de l’industrie automobile se disent ravis du premier mois du Président.


Mug de café à la main, assis sur la banquette fripée d’un authentique diner américain, Brian Pannebecker se réjouit des premiers pas de Donald Trump à la Maison- Blanche. «C’est un début formidable car il fait exactement ce qu’il avait promis de faire, et c’est très inhabituel dans la vie politique américaine», dit-il dans un sourire.

Dans quelques minutes, cet ouvrier de Ford, vingt ans d’ancienneté au compteur, entame son service à l’usine d’essieux de Sterling Heights, au nord de Detroit. L’œil sur la montre, l’homme de 57 ans est intarissable sur le nouveau Président, pour qui il a activement fait campagne l’an dernier. «En quelques semaines, il a commencé à s’attaquer au dossier de l’immigration et de la sécurité des frontières, tout en travaillant sur l’économie pour ramener des emplois aux Etats-Unis. Je pense que le reste de son premier mandat va être fantastique. Je suis très heureux de tout ce qu’il a déjà accompli», se félicite-t-il, persuadé que le magnat de l’immobilier sera candidat - et réélu - en 2020.

Au pouvoir depuis un mois, Donald Trump et ses méthodes pétrifient une large partie du monde et de nombreux Américains. Mais ici, dans la banlieue de Detroit, au cœur de cette fameuse «Rust Belt» (littéralement «ceinture de la rouille») industrielle qui l’a propulsé à la Maison-Blanche, le successeur de Barack Obama jouit d’une popularité intacte. Voire renforcée. «Ce qui m’inquiète, c’est que les médias soient aussi critiques envers lui», râle Brian Pannebecker.

Il accuse les journalistes - que Trump a lui-même qualifiés, vendredi, d’«ennemis du peuple» - de monter en épingle des fake news («fausses informations»), comme la collusion supposée entre le Kremlin et l’entourage du milliardaire. «Ce sujet est important pour la gauche et les médias parce qu’ils veulent faire croire que le président Trump a des motifs cachés qui expliqueraient sa façon de traiter la Russie. Mais la Russie devrait être notre allié naturel. Nos ennemis, ce sont les extrémistes islamistes au Moyen-Orient et des pays comme la Corée du Nord ou l’Iran qui développent des armes nucléaires», estime-t-il.

Le comté de Macomb, où vivent Brian Pannebecker et de nombreux ouvriers de l’automobile, a joué un rôle crucial dans la victoire de Donald Trump. Remporté confortablement par Barack Obama en 2008 et 2012, ce comté de plus de 850 000 habitants a basculé en faveur du candidat républicain, qui s’y est imposé avec 12 points d’avance sur Hillary Clinton. Une claque pour l’ancienne secrétaire d’Etat, déjà battue dans le Michigan par Bernie Sanders lors des primaires démocrates.

Chris Vitale fait partie de ces électeurs qui ont changé de camp. Carrure de rugbyman, chemise en jean bleu foncé et cheveux ras, l’homme de 44 ans déambule au milieu des vieilles voitures qu’il retape et collectionne. Quatre, dont un pick-up Dodge D200 couleur cuivre de 1973, trônent à côté de sa maison, située dans un quartier résidentiel de Saint Clair Shores, au nord-est de Detroit. Dans la famille Vitale, d’origine sicilienne, on a l’automobile américaine chevillée au corps.

Chris travaille chez Chrysler depuis 1994, comme son père et ses grands-pères avant lui. A l’usine de Warren, à une douzaine de kilomètres vers l’ouest, il fabrique des moteurs de dernière génération, plus économes en carburant. Dans le jargon politico-médiatique, Chris Vitale incarne le blue-collar voter, représentant de cette classe moyenne ouvrière que Trump a su conquérir.

«Milliardaire en col bleu»

Deux fois, Chris a voté Obama. Sans grande conviction ni enthousiasme mais parce que le démocrate proposait de sauver les fleurons de l’industrie automobile à qui l’establishment républicain promettait la faillite. Le 8 novembre, Chris Vitale a donc offert sa voix à Donald Trump, «le milliardaire en col bleu» qui promet de revivifier l’industrie américaine. «Monsieur Trump s’est intéressé à beaucoup de gens ignorés», dit ce père d’une petite fille pour expliquer le raz-de-marée électoral pro-Trump dans les Etats manufacturiers de la Rust Belt, dont certains - comme le Michigan - n’avaient pas voté pour un candidat républicain à la Maison-Blanche depuis près de trois décennies.

Du magnat, Chris Vitale dit apprécier le franc-parler : «Quand quelqu’un comme Hillary Clinton se rend dans une banlieue pauvre, par exemple à Detroit, elle joue un rôle. Elle passe devant un tas de maisons brûlées, à l’abandon, et elle fait comme si c’était normal. Donald Trump, lui, vient au même endroit et dit aux gens : "Vous vivez en enfer !" J’apprécie cette authenticité, le fait de voir enfin un homme politique capable d’appeler un chat un chat.»

Dès ses premiers jours à la Maison-Blanche, Donald Trump a décidé de retirer les Etats-Unis du traité de libre-échange transpacifique (TPP), et fait part au Mexique et au Canada de sa volonté de renégocier l’Alena, qui lie les trois pays nord-américains depuis 1994. «On ne voit pas vraiment les bénéfices du capitalisme mondialisé parce que d’autres marchés sont protectionnistes», assure Chris Vitale, qui donne l’exemple d’une Jeep fabriquée aux Etats-Unis et soumise à une taxe d’environ 20 % à son arrivée sur le marché européen. «La conséquence, c’est qu’une Jeep vendue en Europe va être fabriquée en Europe. Le problème, c’est que certaines Jeep vendues aux Etats-Unis sont également fabriquées en Europe», déplore-t-il, saluant le volontarisme de Trump sur ce dossier.

«Sacrifice nécessaire»

 

Lors de la campagne présidentielle, le puissant syndicat de l’automobile, le United Auto Workers (UAW), allié traditionnel des démocrates, a soutenu Hillary Clinton. Mais la victoire de Trump montre qu’une partie de la base a fait un autre choix. Contacté, le syndicat n’a pas donné suite à notre demande d’interview. Mais par mail, un responsable assure que parmi les membres de l’UAW, Donald Trump a obtenu «à peu près le même pourcentage de voix» que les précédents candidats républicains à la présidentielle.

Au vu des résultats, c’est impossible, estime Erick Slomkowski, un responsable local de la campagne Trump. Il a lui-même supervisé l’effort de ciblage des travailleurs syndiqués de l’automobile.

Aujourd’hui, un mois après l’investiture du nouveau président, ce vétéran au crâne rasé et au visage poupon se réjouit lui aussi des débuts de Donald Trump. Et notamment de sa fermeté sur le dossier migratoire. «Je soutiens totalement son décret. Si nous pensons que la moindre menace peut venir de ces sept pays, alors nous devons suspendre toute immigration jusqu’à ce que nous ayons confiance à 100 % dans notre processus de filtrage. Et s’il y a des gens bien qui veulent entrer dans notre pays, c’est horrible pour eux car ils souffrent, mais c’est un sacrifice nécessaire pour protéger notre terre. Les Américains passent d’abord», martèle Erick Slomkowski lors d’une réunion du Parti républicain du comté de Macomb.

Présente également ce soir-là, Karen Wiegand, cuisinière et cheffe d’entreprise, tient un discours similaire : «Il y a une invasion d’immigrés illégaux dans ce pays. Nous avons le devoir de protéger nos citoyens, et pour un président, ce doit être la priorité.» Que leur inspire la suspension par la justice du décret anti-immigration ? «On sait tous que la cour qui a tranché penche à gauche», répond Karen Wiegand. Quid des manifestations à travers le pays ? «Ces manifestants pensent que tout le monde peut vivre ensemble en paix dans une société heureuse. Ils ne vivent pas dans la réalité. Les gens sont violents», assène Erick Slomkowski.

Ce père de deux fillettes reproche au passage aux médias «partiaux» et «trop critiques» de se livrer «à un acte de guerre» contre le président Trump.

«Sacré fiasco»

Alors que la cote de popularité de Donald Trump (39 % selon la dernière enquête du Pew Center) affiche un niveau historiquement bas pour un président en début de mandat, ses partisans continuent à le soutenir passionnément. Rares sont ceux à trouver quoi que ce soit à redire à ses premières mesures ou à son comportement. John fait figure d’exception. Réserviste des gardes-côtes, ce patron de bar qui préfère rester anonyme estime que le décret anti-immigration a été «un sacré fiasco» : «Ce n’est pas normal que des Irakiens qui ont travaillé pour notre armée ou des résidents permanents se soient retrouvés bloqués.»

Pistolet à la ceinture, casquette vissée sur la tête, cet ancien militaire ne comprend pas non plus comment Michael Flynn, le désormais ex-conseiller à la Sécurité nationale du Président, a pu téléphoner directement à l’ambassadeur russe sans se douter que ce dernier était sur écoute. «Cela pose des questions sur son jugement», ajoute-t-il.

Malgré ces deux loupés, John - qui avait voté Obama en 2008 - conserve une entière confiance en Donald Trump, notamment en matière de sécurité. «J’étais contre la guerre en Irak, qui nous a été imposée par le complexe militaro-industriel. Trump ne veut pas partir en guerre et il ne dépend d’aucun lobby», assure-t-il. Avant de conclure, optimiste : «Trump n’est pas parfait mais il tiendra ses promesses. Dieu merci, il est là !»