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Ballet des politiciens à Touba : La laïcité bafouée, la République désacralisée

Rédigé par leral.net le Vendredi 23 Novembre 2012 à 11:29 | | 2 commentaire(s)|

La semaine dernière, les Sénégalais ont assisté, ahuris, à un ballet incessant de politiciens dans la capitale du mouridisme. La raison de cette effervescence, les enquêtes enclenchées depuis un certain temps par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) contre des dignitaires de l’ancien régime libéral. Et ce dans le cadre de l’affaire dite de la « traque des biens mal acquis ». Comme si l’onction et la bénédiction de Touba étaient nécessaires pour mener à bien ou contrecarrer la procédure judiciaire, les libéraux convoqués tout comme les partisans du président de la République ont assiégé la cour du khalife général des Mourides…


Ballet des politiciens à Touba  :  La laïcité bafouée, la République désacralisée
Par Serigne Saliou Guèye

Touba est devenue le mur des Lamentations de nos politiciens. Sitôt après sa défenestration, Alioune Badara Cissé, l’ex-ministre des Affaires étrangères, s’était rendu dare-dare dans la capitale du mouridisme pour expliquer les raisons – selon lui – de son limogeage et le différend qui l’oppose au président de la République. Ce faisant, Me Cissé perpétuait là une vieille tradition de ses anciens frères du Pds qui, aussitôt virés du gouvernement, allaient chercher refuge et réconfort chez le khalife des mourides. Bien avant l’arrivée de l’essaim de politiciens de Bennoo Bokk Yaakaar et du Pds à Touba, Aliou Ndao, le Procureur spécial de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), après avoir publié la liste des sept dignitaires libéraux devant être entendus par les gendarmes, s’était rendu au domicile du même Khalife pour allumer des contrefeux. Mais ce qui est le plus étonnant, pour ne pas dire choquant, dans l’attitude du procureur, c’est son aplatissement devant le guide suprême des mourides pour lui faire part des poursuites qu’il a entreprises. Et ce sans que son interlocuteur lui ait rien demandé. Selon nos confrères du quotidien L’Observateur, le sieur Aliou Ndao se serait justifié auprès du khalife Serigne Sidi Makhtar Mbacké en soutenant que la procédure judiciaire qu’il pilote n’est pas dirigée contre la communauté mouride comme le prétendent certains partisans du président Abdoulaye Wade. Le Guide, pour toute réponse, lui aurait demandé de faire preuve de mansuétude dans le travail qu’il a entrepris. Même si c’est pour éviter que le khalife soit intoxiqué, la démarche adoptée par le Procureur spécial Ndao est maladroite et gravissime. Elle remet en cause les principes sacro-saints de la laïcité qui est le pilier sur lequel repose la séparation du pouvoir temporel et du pouvoir spirituel ainsi que l’égalité des citoyens dans la République. Si des politiciens qui cherchent à tirer profit de l’influence des chefs religieux à des fins électoralistes s’étaient comportés de la sorte, personne n’aurait crié au scandale. Mais qu’un magistrat réputé indépendant et équidistant de toutes les chapelles aille s’agenouiller devant un guide religieux non pas pour bénéficier de ses bénédictions — et encore… — mais pour parler d’affaires judiciaires pendantes avec une maladresse discursive effarante, cela est inacceptable. Une telle attitude donne en tout cas raison à tous ces Sénégalais qui ont déjà des idées suspicieuses sur l’orientation et le ciblage des enquêtes en cours dans le cadre des affaires d’enrichissement illicite.
Dans le même sillage, il convient de fustiger l’attitude de Moustapha Niasse, le président de l’Assemblée nationale et leader de l’Alliance des Forces de Progrès (Afp). Lequel a conduit une délégation de Bennoo Bokk Yaakaar (Bby) à Touba. Cette coalition qui soutient le président de la République, M. Macky Sall, a décidé de faire le tour de toutes les cours des guides spirituels (khalifes généraux et cardinal de l’Eglise catholique) pour démonter les contrevérités que les libéraux seraient en train de colporter auprès desdits guides religieux relativement aux affaires judiciaires en cours. Si le président de l’Assemblée nationale, deuxième personnalité de la République, s’échine à expliquer aux guides religieux le pourquoi de la traque de ceux qui sont soupçonnés d’avoir acquis des biens de manière illicite, c’est parce qu’il ne parvient pas à donner une certaine transcendance à sa fonction et de s’élever au-delà des éternels conflits politiciens qui minent opposition et parti ou coalition au pouvoir.
Lors de la dernière campagne présidentielle, les Sénégalais avaient exigé à tout successeur d’Abdoulaye Wade de rompre avec ces pratiques antirépublicaines qui subordonnent le pouvoir temporel au pouvoir spirituel et de restaurer la crédibilité des institutions de la République. Une rupture qui devrait commencer par cesser de considérer Touba comme un lieu d’arbitrage ou un centre de prise de décisions concernant les affaires de notre pays. Avant la présidentielle, dans le débat sur la constitutionnalité ou non de la candidature d’Abdoulaye Wade, Touba s’était vu parer des attributs et prérogatives de Conseil constitutionnel pour trancher le débat. Le khalife était amené à se prononcer comme le juge Cheikh Tidiane Diakhaté. Du coup, il se retrouvait en situation de devoir arbitrer une situation qu’il n’a pas contribué à créer. Et à laquelle il ne connaissait certainement que dalle.

Mbaye Ndiaye à Canossa
Une chose est sûre : si, aujourd’hui, les marabouts se permettent de faire une immixtion dans la sphère temporelle au point d’infléchir des décisions de justice, c’est parce que ceux qui nous dirigent n’ont pas encore appréhendé la véritable dimension de l’Etat. A ce propos, c’est un secret de Polichinelle que Moustapha Yacine Guèye, patron de Magal Holding limited (Mtl), accusé d’avoir perçu illégalement 1,8 milliard de nos francs de la part de l’Autorité de Régulation des Télécommunications et des Postes (Artp) a été libéré sur pression d’un haut dignitaire mouride avec la complicité d’un magistrat réputé ferme sur les questions judiciaires. Si le marabout a osé mettre la pression sur ce juge, c’est parce que ce dernier s’est comporté comme un talibé et non comme un magistrat capable de juger tous les justiciables y compris les marabouts.
C’est ici le lieu de regretter, voire de déplorer, l’humiliation subie le weekend dernier par le ministre d’Etat Mbaye Ndiaye, chef de la délégation gouvernementale lors de la célébration du Magal de Serigne Abdou Khadre, 4e khalife de Serigne Touba. Le fils de Serigne Fallou, deuxième khalife de ce dernier, en l’occurrence Serigne Abdou Fatah, a déversé publiquement toutes sortes d’insanités sur lui. Pour toute réaction, Mbaye Ndiaye, comparable à Henri IV, souverain du Saint-Empire romain germanique qui se rendit à Canossa pour implorer le pardon du pape Grégoire VII qui l’avait excommunié lors de la Querelle des Investitures, s’agenouilla et rampa devant le marabout pour se repentir. La résipiscence a même continué quand Mbaye Ndiaye a pris la parole lors de la cérémonie officielle de ce Magal. Or, quand un ministre d’Etat qui conduit une délégation officielle est insulté et humilié, c’est toute la République qui est insultée et humiliée. Mais si Serigne Abdou Fatah a été amené à savonner publiquement le ministre en question, c’est à cause des rapports de sujétion que le spirituel entretient confusément avec le temporel. Il est certain qu’Abdou Fatah a insulté l’homme politique plutôt que le talibé car il n’est pas de l’habitude des hommes religieux d’humilier leurs talibés, lesquels se donnent corps et âme pour leur guide. Maintenant moralité ! Pour l’image que représente Serigne Touba, ses fils et ses petits-fils, un fils de Serigne Fallou connu pour sa tolérance légendaire, Serigne Abdou Fatah, devait-il humilier Mbaye Ndiaye surtout devant son épouse très ancrée dans le mouridisme ? Les avis restent partagés dans le milieu mouride, voire au-delà, même si la majeure partie pense que le marabout aurait dû passer l’éponge, quel que soit l’affront que lui aurait fait subir le ministre ou son patron, puisqu’il gère une communauté de talibés avec leurs diverses psychologies.

Le président de la République visé
Certaines sources indiquent qu’un ministre remercié lors du dernier remaniement ministériel ne serait pas étranger à ce braquage du marabout contre Mbaye Ndiaye. Depuis l’alternance II, beaucoup de marabouts ne disposent plus de passeports diplomatiques. Ce qui n’a pas l’heur de plaire à ceux-là qui pensent pouvoir bénéficier de passe-droits ou bakchichs de la République. Devant le khalife dont certains des chambellans sont privés de ce fameux sésame, ce même ministre, qui n’est plus en odeur de sainteté auprès du président de la République, aurait dit sans ambages que c’est ce dernier qui est le seul responsable de la confiscation des passeports diplomatiques. En sus, il paraitrait même qu’une personne de l’entourage du marabout ne bénéficierait plus du salaire qui lui était octroyé gracieusement par la République. Ainsi, à travers la personne de Mbaye Ndiaye humiliée, c’est un message éloquent qui est envoyé au président de la République, M. Macky Sall. Une chose est sûre. La raréfaction des mallettes d’argent que le président Wade convoyait à Touba n’est pas étrangère à toute cette agitation et au durcissement de ton noté surtout chez certains jeunes marabouts excellant dans l’art du chantage et du racket.
Il faut ajouter à cette cacophonie, la féroce lutte de positionnement qui fait rage entre ministres de l’Apr, le parti du Président. Lors de la cérémonie officielle du Magal de Serigne Abdou Khadre, Mbaye Ndiaye a tenu à préciser que c’est lui le chef de la délégation dans le but de reléguer au second plan le directeur de cabinet du président de la République qui, lui aussi, revendiquait la même préséance protocolaire.
Voilà le danger que court la République tant que les hommes et femmes qui la symbolisent descendront à l’étiage de leur rang pour mettre à l’encan ses valeurs pour des raisons bassement politiciennes. On pensait que les nouveaux gouvernants allaient opérer de profondes ruptures dans les actes antérieurs qui désacralisaient les valeurs de République, on constate, hélas, qu’on est encore loin du bout du tunnel de l’obséquiosité des politiciens à l’endroit des chefs religieux. Ou prétendus tels.
SERIGNE SALIOU GUEYE
Le Témoin N° 1105 –Hebdomadaire Sénégalais (NOVEMBRE 2012)






1.Posté par BOUNKATAB le 23/11/2012 17:47 | Alerter
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ET CE QUI EST ETONNANT C'EST QUE MACKY N'A JAMAIS GAGNE A TOUBA ET POURTANT IL EST PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE. IL FAUT ETRE CON POUR ALLER RAMPER DANS LES CITES RELIGIEUSES.

2.Posté par wax rek le 26/11/2012 11:04 | Alerter
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wax rek wax rek wax rek xol bou dague léy indi
tu n'as qu'à écrire à tes gouvernants qu'ils arrêtent d'aller à Touba
ce n'est pas le khalif qui les force à y venir que je sache et je n'ai pas entendu une déclaration en ce sens de sa part. Chaque fois qu'il se prononce c'est pour exhorter les musulmans à la droiture et au repentir sincère.
Si les gouvernants vont à Touba avec la casquette de fils, ils y trouveront un père
Si les gouvernants vont à Touba avec la casquette de talibés, ils y trouveront un serigne
Si les gouvernants vont à Touba avec la casquette de gouvernants, ils y trouveront un citoyen
On oblige personne à ramper devant le khalif et ces journalistes ne cessent de rapporter des mensonges. Lors de l'entrevue entre le procureur et le khalif, ils étaient là???
Le procureur est un talibé mouride, il a plein droit d'aller rendre visite au khalif et demander prières pour l'accomplissement de ses missions.
D'ailleurs une semaine avant lui c'est Madické NIANG qui a fait le voyage pour dire que Macky va en croisade contre les ex dignitaires du parti et les mourides. Ce qui a motivé la visite du procureur pour démentir cela.
Bou niou kéne fateu, mim rééw personne ne peut faire fi de touba.
Bégne bégne beugue la.
Koum nakari démal deuki gambie

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