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Bonne Gouvernance : L’OFNAC pourra-t-il faire quelque chose ?

A la différence de la Crei passée à la vitesse supérieure dans sa traque des biens mal acquis, l’Ofnac fonctionne au ralenti, freiné dans son élan par le retard dans la mise à disposition d’un siège décent et d’un budget conséquent. Focus sur un organe dont l’étendue des pouvoirs inquiète au plus haut niveau mais qui n’a encore rien fait.


Rédigé par leral.net le Lundi 13 Juillet 2015 à 23:42 | | 0 commentaire(s)|

L’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC) a-t-il été créée par le Président Macky Sall juste pour faire bonne mesure ? C’est en tout cas face à la persistance des récriminations contre la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) considérée à tort ou à raison comme un instrument pour solder des comptes avec les dignitaires de l’ancien régime qu’il a été amené à évoquer la vocation de l’Ofnac. Accusé par le clan Wade d’acharnement et de règlement de compte politique via la Crei, il n’hésita pas à monter au créneau pour faire taire ces critiques. Et dans une allusion à peine voilée à cette juridiction d’exception si décriée par l’opposition réunie autour du Pds et la société civile, il avait laissé entendre que les gestionnaires de son régime avaient eux aussi leur propre gendarme. « L’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC) que je viens de créer est pour nous», avait-il martelé à l’occasion d’une rencontre avec des responsables de son parti, l’Alliance pour la République (APR). Voudrait-il prouver à l’opinion qu’il serait sans rémission autant contre les prévaricateurs dans son propre camp que ceux du défunt régime qu’il ne s’y prendrait pas autrement.
N’empêche que les interrogations demeurent au sujet de la relative lenteur de l’Ofnac à fonctionner à plein régime. Faut-il voir, à travers sa création, une simple parade contre les attaques des détracteurs de la Crei ? Ou cet organe de contrôle que Macky Sall a sorti de sa manche est-il plutôt le signe d’une volonté réelle de combattre les gestionnaires indélicats, y compris dans son propre camp ? En tout cas, la lenteur dans sa mise en place tranche d’avec la diligence des autorités à ressusciter la fameuse Crei. Né sur les cendres de la Commission nationale de lutte contre la corruption et la concussion (CNLCC), l’OFNAC est pourtant perçu comme une avancée importante dans la lutte contre la corruption et pour la bonne gouvernance. D’autant qu’il est le fruit d’un long processus dans lequel, la société civile a eu à jouer un rôle déterminant pour aboutir à la création d’un organe suffisamment crédible, dissuasif et efficace dans la lutte contre la corruption.
UNE MISE EN PLACE ETONNAMMENT LENTE

Mais, quand bien même l’OFNAC revêt cette importance aux yeux de la société civile et de l’opinion publique en général, force est de reconnaître que l’actuel régime a beaucoup traîné les pieds pour son installation. Alors que la loi portant création de cet organe a été adoptée par l’Assemblée nationale le 12

décembre 2012, sa présidente Nafy Ngom Keïta n’a été nommée que le 27 juillet 2013. Et il a fallu attendre trois mois plus tard pour connaître le nom du vice-président, nommé au mois d’octobre 2013. Quant aux huit autres membres, ils ne seront connus qu’une année plus tard, en 2014. C’est dire que c’est au rythme de caméléon que s’est effectuée la mise en place de l’Ofnac comme s’il n’y avait aucune urgence à surveiller scrupuleusement la gestion des tenants de l’actuel régime et parer à la fraude et la corruption. D’aucuns pensent que c’est pour avoir pris conscience qu’il a donné trop de pouvoirs à l’Ofnac et que l’organe risquait finalement de lui échapper que Macky Sall a longtemps hésité à lui lâcher les bribes.

Pour rappel, l’Ofnac a été beaucoup inspiré par les propositions du Forum civil destinées à palier aux insuffisances de l’ancienne Commission nationale de lutte contre la corruption et la concussion (CNLCC) pour se doter d’un instrument plus efficace. Ainsi, prenant Macky Sall au mot dans sa volonté d’instaurer une « gouvernance sobre er vertueuse » et profitant de l’euphorie qui accompagna son élection, le Forum civil fait une série de propositions qui inspireront la loi créant l’Ofnac et adoptée par l’Assemblée nationale en décembre 2012. Au terme de cette loi, le Président de l’Ofnac nommé par le président de la République dispose d’un mandat de six ans. Ce qui lui évite d’être à la merci d’un décret du chef de l’Etat et de jouir ainsi d’une totale indépendance. Il en est ainsi des neuf autres membres qui bénéficient d’un mandat de 3 ans renouvelable une fois. Autre avancée remarquable, l’Ofnac peut être saisie d’une plainte par toute personne morale ou physique. Enfin – et c’est l’évolution la plus significative par rapport à l’ex- Commission nationale de lutte contre la corruption et la concussion (CNLCC) – l’Ofnac peut directement transmettre au Parquet les dossiers qu’il estime devoir connaître une suite judiciaire sans s’en référer au chef de l’Etat. Macky Sall craindrait-il de voir cet organe qu’il a créé échapper totalement à son contrôle et, pourquoi pas, sanctionner sévèrement ses propres collaborateurs sans qu’il ne puisse leur être d’aucun secours ? Tout porte à le croire.

UN BUDGET ÉTRANGEMENT DÉRISOIRE

Il est clair qu’il n’a montré aucune diligence à installer les 10 « gendarmes » de l’Ofnac et à les doter de moyens conséquents pour mener à bien leur mission. Logés dans des locaux exigus et indignes d’un organe de la dimension de l’Ofnac dans un premier temps, Nafi Ngom Keïta et compagnie ont dû attendre une éternité pour disposer d’un siège décent. Outrée par cette situation, elle aurait même menacé de démissionner avant d’être finalement installée dans un immeuble de sept étages sur l’avenue Lamine Guèye. Passé ce premier écueil, il se posera ensuite le problème du budget. Pendant longtemps, l’Ofnac n’a bénéficié que d’une enveloppe de 100 millions pour mener sa mission. Au point que sa présidente n’avait pas hésité à déplorer l’absence d’un budget de fonctionnement lors d’une rencontre organisée par le Forum civil. Une sortie qui avait d’ailleurs provoqué l’ire de Macky Sall qui dénonça ce qu’il considérait comme une « délation sur fond de chantage » de la part de la patronne de l’Ofnac. Ce n’est que plus tard, à la faveur d’une audience au Palais, que le Président Macky Sall aplanira ses divergences avec Nafi Ngom Keïta. Il lui renouvelle sa confiance, diligente la question des locaux et se décide finalement à revoir à la hausse l’enveloppe destinée au fonctionnement de l’Ofnac.

Mais, outre ces écueils auxquels se sont longtemps heurtés les membres de l’Ofnac, le Forum civil, à travers un communiqué, avait tiré la sonnette d’alarme à propos de la composition de l’organe de lutte contre la corruption et la fraude. Reprenant ainsi les principes de Jakarta à propos des institutions de lutte contre la corruption qui recommandent, entre autres mesures, que leurs dirigeants soient désignés à l’issue d’un processus garantissant leur apolitisme, leur impartialité, leur neutralité, leur intégrité et leur compétence.

Or, au regard de cette recommandation, force est de reconnaître qu’on peut légitimement s’interroger sur les critères qui ont prévalu à la nomination de certains membres de l’OFNAC. On note en effet parmi eux la présence de membres de la coalition présidentielle « Macky 2012 », de l’APR et d’un ancien membre du Parti démocratique sénégalais (PDS) qui n’a pas encore officialisé sa transhumance vers la formation politique du Président.

Pour le Forum civil, « cet état de fait peut constituer un précédent dangereux pour le bon fonctionnement de l’OFNAC dont les prochaines actions pourraient être qualifiées de partisanes du fait de la forte présence d’un personnel politique lié à la majorité présidentielle actuelle ». Et le plus grave est que ces nominations pourraient favoriser les conditions de neutralisation des suites pénales à donner à des dossiers concernant des membres de la majorité présidentielle et ouvrir ainsi la voie à un traitement discriminatoire. Bref, des suspicions légitimes accompagnent le choix de certains membres de l’OFNAC. Même si, saisis à ce jour d’une quarantaine de plaintes, il leur revient de lever toute équivoque dans leur traitement. Mais déja les réticences de certaines autorités pour s’acquitter de leur déclaration de patrimoine ne présage rien de bon.

Source : Dakarmatin.Com