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Brésil : Les prémices d’une protestation violente

Rédigé par leral.net le Vendredi 13 Janvier 2023 à 18:46 | | 0 commentaire(s)|

Au Brésil, les hauts sièges de la République sont assiégés. Cela fait suite à la défaite de Bolsonaro à la présidentielle. Les partisans du candidat malheureux protestent contre les résultats des urnes après une campagne présidentielle assez mouvementée. Le Brésil fait face à une vague de protestations consécutive à la défaite de Jair Bolsonaro, lors […]

Au Brésil, les hauts sièges de la République sont assiégés. Cela fait suite à la défaite de Bolsonaro à la présidentielle. Les partisans du candidat malheureux protestent contre les résultats des urnes après une campagne présidentielle assez mouvementée.

Le Brésil fait face à une vague de protestations consécutive à la défaite de Jair Bolsonaro, lors des élections présidentielles d’octobre dernier. Aujourd’hui, le Sénat, le Palais et la Cour suprême sont assiégés par le partisan du candidat vaincu. Et pourtant, la campagne présidentielle avait déjà annoncé les couleurs d’une suite tumultueuse aggravée par des résultats serrés. Luis Ignacio Lula Dasilva et Jair Bolsonaro se sont livrés à une guerre sans merci. Il y a eu des échanges musclés entre les deux camps qui ont tenté de se décrédibiliser mutuellement. Cette tension a été plus remarquable dans l’entredeux tours, notamment sur les plateformes digitales. En effet, les partisans de Bolsonaro n’ont pas manqué de s’attaquer à Lula qu’ils ont accusé « d’alcoolique ». Cette accusation a singulièrement été portée par le prêtre évangélique, Silas Malafaia qui a soutenu que le candidat de la Gauche n’a pas le bon profil pour diriger, à nouveau, le pays.
En outre, il a été prêté à Lula l’intention de vouloir fermer les églises et de mettre aux arrêts les officiers religieux qui ne voudraient par unir les couples du même genre. Évidemment, ces allégations ont été démenties ; mais d’aucuns y croient. Vraisemblablement, il s’agirait d’une campagne de diabolisation, selon le site d’information de TF1.

Lula a été à la tête de l’État de 2003 à 2011 puis a été déchu suite à une affaire de corruption. Un peu plus de dix ans plus tard, il est revenu briguer l’électorat des Brésiliens face à un Président sortant qui n’aura régné que le temps d’un mandat (4ans). Lula a donc un protagoniste de Droite qu’il a dépeint à son tour en monstre. Selon le directeur de campagne de Lula, André Janones, les instruments de désinformation ont été utilisés contre Bolsonaro. Ce dernier a été taxé de « pédophile » et de « franc-maçon ».
Cette mauvaise presse que se sont faite les deux parties a dégénéré au lendemain de la publication des résultats du second tour. Le score est en effet très serré et Lula est finalement passé presque in extremis (50,9%). Après une période d’absence médiatique d’un mois, Jair Bolsonaro est sorti pour rejeter sa défaite. Il doute de la sincérité des votes électroniques, ouvrant ainsi la voie à un début de contestation. Mais dans le même temps, Lula a été reconnu par la communauté internationale comme le président élu. Cependant, les contestations du camp adverse continuent et sont à l’image de la campagne présidentielle. La violence a ainsi atteint un niveau prévisible.

Assane FALL

 

BOLSONARISME ET TRUMPISME

La démocratie à l’épreuve des pouvoirs populistes 

Tout comme aux États-Unis, le 6 janvier 2021, les souteneurs du régime sortant au Brésil ont envahi, le 8 janvier 2023, les lieux du pouvoir. Des pratiques aux antipodes de la démocratie.

L’assaut du Capitole, auguste bâtiment abritant le congrès étatsunien, alors en session, le 6 janvier 2021, après des semaines d’appels à la mobilisation sur les réseaux sociaux et un discours prononcé à quinze jours de la fin de son mandat, par plusieurs milliers de partisans du Président républicain Donald Trump, lourdement équipés de gilets pare-balles et d’armes de guerre, dans le but d’empêcher la certification du résultat des élections présidentielles américaines de 2020, a marquée l’année 2021. L’attaque contre les principales institutions du pouvoir brésilien a invariablement fait ressurgir les images de l’assaut contre le Capitole. Au Brésil, l’attaque des lieux de pouvoirs abritant les institutions démocratiques du pays (Présidence de la République, Congrès, Cour suprême), le 8 janvier 2023, constitue le fait marquant du début de l’année 2023. Bien avant l’assaut, les pro-Bolsonaro, qui multipliaient les manifestations, réclamaient une intervention militaire. Ils parlent toujours de victoire de leur candidat. Ce sont donc deux évènements inédits dans l’histoire des États-Unis et du Brésil où les deux Présidents, le conservateur Donald Trump et son homologue d’extrême droite sortant, Jair Bolsonaro, sont catégorisés populistes.

Le « Trumpisme » et le « Bolsonarisme » enrobés aux thèses « complotistes » et/ou « conspirationnistes » qui ont vu la mise à sac des institutions américaines et brésiliennes sont – ils annonciateurs de l’avènement de la démocratie sursitaire ? En tout état de cause, le mode opératoire de leur gouvernance atteste de la fragilité frappante de la démocratie dans ces deux pays majeurs. L’administration Trump et la gouvernance Bolsonaro ont été marquées par une série de remaniements de dernière minute, des limogeages, des nominations contestables, mais aussi des démissions forcées. S’y ajoute l’érection de barrages et de campements publics de leurs partisans pour manifester leur courroux. Ils ont dénoncé la fraude électorale et accusé leurs adversaires respectifs, le démocrate Joe Biden et l’ancien métallo et chef historique gauchiste du « Parti des travailleurs », Luis Inacio Lula Dasilva, d’avoir commis un hold up électoral. Une contestation portée par plusieurs milliers de leurs partisans acquis à leurs causes qui ont semé la panique générale à travers des mouvements de protestations violentes et envahi les lieux de pouvoirs avec son lot de morts et de blessés.

Aux États-Unis, la mise en place d’une commission d’enquête spéciale chargée d’enquêter sur les faits a rendu son rapport au Département de la justice. Ce dernier pourrait engager des poursuites judiciaires aboutissant à l’inculpation de Donald Trump, ses affidés ainsi que les émeutiers identifiés et les vrais responsables de l’assaut du Capitole, pour incitation à l’insurrection. Au Brésil, le Président Lula a promis que les fautifs seront punis. Déjà, des milliers de personnes sont arrêtées par la police militaire pour des enquêtes. En attendant, le Président Biden a invité son homologue brésilien à Washington au mois de février prochain pour une visite officielle. Une occasion pour Brasilia d’extrader Bolsonaro qui est présentement aux États-Unis.

Mamadou Lamine DIEYE 

MAURICE SOUDIECK DIONE, PROFESSEUR A L’UGB

« Bolsonaro doit s’impliquer davantage par des actions explicites » 

Maurice Soudiek Dione, Professeur agrégé en Sciences politiques, enseignant-chercheur à l’Université Gaston Berger (Ugb) de Saint Louis, revient ici sur la situation au Brésil. Il estime que l’ancien Président Bolsonaro doit s’impliquer davantage par des actions explicites qui soutiennent une communication ferme pour appeler ses partisans au calme.

Quelle lecture faites-vous de ce qui se passe au Brésil ? 

Les institutions brésiliennes ont été mises à rude épreuve. Cela révèle une certaine fragilité de la démocratie ; mais la force de celle-ci réside aussi en sa capacité à trouver en elle-même les ressorts et les ressources qui assurent sa pérennité. C’est pour cela qu’il y a, par exemple, des régimes exceptionnels de restriction des droits et libertés qui sont prévus : en cas de péril interne grave par exemple, c’est l’état d’urgence ; lorsque le péril est externe, l’état de siège est décrété, avec cette différence que dans l’état de siège, la situation est gérée par l’armée. Le Président de la République peut mettre en mouvement également ses pouvoirs exceptionnels qui correspondent à l’article 16 de la Constitution en France et à l’article 52 de la Constitution au Sénégal.

Le Président Lula a soutenu que les fautifs seront punis. Quelles sont les perspectives qui s’offrent à lui face à une opposition extrémiste ? 

L’opposition doit s’inscrire dans la perspective du jeu démocratique, qui doit être accepté par tous les acteurs. Cela nécessite deux conditions : le respect de l’État de droit et une certaine culture démocratique. Pour ce faire, il faut non pas des démocrates de convenance qui manipulent les règles et ne les acceptent que lorsqu’ils y trouvent leur compte ; mais plutôt des démocrates de conviction qui adhèrent effectivement et sincèrement au jeu, parce qu’ils ont intériorisé les valeurs qui fondent, qui sous-tendent et qui vivifient la démocratie. Il faut dire que la tension a été persistante, depuis l’élection du Président Lula. Les partisans du Président Bolsonaro qui mettent en cause des dysfonctionnements ont contesté leur défaite à travers des éruptions de violence. Il faut noter un fait inédit dans l’histoire politique du Brésil en raison des résultats très serrés du second tour du scrutin présidentiel : 50,90% pour Lula contre 49,20% pour Bolsonaro. En tout état de cause, la démocratie repose sur une acceptation des résultats. L’essentiel, c’est que la compétition soit transparente et loyale dans le cadre d’un État de droit.

Depuis les Usa où il se trouve, l’ancien Président Bolsonaro a fait un Tweet pour condamner les faits. Quelle attitude doit-il adopter s’il veut revenir au pouvoir ? 

Le Président Bolsonaro a certes condamné les incidents regrettables qui entachent la démocratie brésilienne, mais il doit s’impliquer davantage par des actions explicites qui soutiennent une communication ferme pour appeler ses partisans au calme.

Propos recueillis par Aly DIOUF

 

 



Source : http://lesoleil.sn/bresil-les-premices-dune-protes...