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Burundi : mort du bras droit de Nkurunziza

Rédigé par leral.net le Dimanche 2 Août 2015 à 20:02 | | 0 commentaire(s)|

Le général Adolphe Nshimirimana, ancien chef de la sécurité intérieure, a été tué dimanche matin à Bujumbura.


Les téléphones sonnent, les voix sont d’abord incrédules, puis fébriles. C’est l’agitation parmi les Burundais en exil dans la capitale rwandaise, Kigali. Le général Adolphe Nshimirimana, bras droit du président, Pierre Nkurunziza, et ancien chef de la sécurité intérieure, a été tué dimanche matin à Bujumbura. Son véhicule, à bord duquel il circulait avec ses gardes du corps, a été la cible d’une roquette et de tirs dans le quartier de Kamenge, dans le nord de la capitale burundaise.
Certains peinent à cacher leur joie à l’annonce de la disparition de ce maillon fort de l’arsenal répressif du pouvoir. Mais les réactions sont prudentes. «Le général Adolphe était l’une des bêtes noires de tous ceux qui se sont opposés au troisième mandat du président Nkurunziza, reconnaît Vital Nshimirimana, président du Forum pour le renforcement de la societé civile (Forsc), un mouvement de défense des droits de l’homme. Mais nous ne pouvons que regretter l’assassinat, en pleine rue, d’un citoyen burundais. Le gouvernement montre encore une fois son incapacité à assurer la sécurité dans le pays.»

Un "message fort" envoyé à Nkurunziza

De Kigali à Bujumbura, la machine à rumeurs s’emballe. «Les rebelles se sont infiltrés», lâche un journaliste burundais. Des militaires en exil avaient annoncé un changement de mode opératoire, après une tentative manquée de coup d’Etat au mois de mai. «Toutes ces actions dans le pays, nous en sommes à l’origine, avait déclaré récemment un général putschiste dans une interview donnée à une chaîne de télévision kényane, en évoquant des attaques à la grenade à Bujumbura. Et nous allons les intensifier, jusqu’à ce que Nkurunziza comprenne que nous sommes là pour lui faire accepter par la force de laisser tomber son troisième mandat.» D’autres évoquent des tensions au sein des forces de sécurité, toujours fracturées par leurs anciennes loyautés.

«C’est un message fort envoyé au président. Ceux qui ont tué Adolphe lui font savoir que s’il s’obstine, il sera le prochain, pense Thierry Vircoulon, directeur de l’International Crisis Group (ICG) pour l’Afrique centrale. Cela montre aussi que, tant du côté du pouvoir que d’une partie de l’opposition, on est dans une logique d’escalade et de violence ». Le président, Pierre Nkurunziza, a été réélu fin juillet dès le premier tour avec plus de 69% des voix, pour un troisième mandat controversé, après trois mois d’une grave crise politique déclenchée par sa candidature.

Un journaliste "sauvagement tabassé"

Personne n’est dupe. Quels que soient ceux qui l’ont commandité, l’assassinat de celui qui était souvent présenté comme le numéro deux du régime, générera des représailles. «Il y a déjà eu plusieurs exécutions d’opposants dans les quartiers contestataires ces dernières semaines, dit un dissident du parti au pouvoir, le CNDD-FDD, réfugié au Rwanda. Cet assassinat risque d’alimenter le climat de suspicion et de brutalité envers tous ceux qui sont soupçonnés d’appartenir à l’opposition.»

Privés de leur ancien chef qui continuait de tirer de nombreuses ficelles, les services de renseignements sont nerveux. Ce matin, le correspondant de Radio France Internationale au Burundi, Esdras Ndikumana, a été arrêté par la «documentation» et aurait été torturé. «Je prenais des photos de la voiture du général quand on m’a emmené, a-t-il déclaré par téléphone à Libération depuis son lit d’hôpital. J’ai été sauvagement tabassé avec des gourdins et des matraques. J’ai un doigt cassé, je ne peux pas marcher.» Quelques heures après la mort du général Adolphe Nshimirimana, dans les quartiers contestataires de Bujumbura, on évoque le soulagement d’être débarrassé de ce symbole de l’oppression, mais aussi la peur que le pire soit à venir.

Libération.fr