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C’est dans la Loi: le Conseil Constitutionnel ne peut pas empêcher le Président de réduire son mandat par voie référendaire

Le Conseil Constitutionnel a deux types de compétences: une compétence juridictionnelle et une compétence consultative. Il tient sa compétence juridictionnelle de l’Article 92 alinéa 1 de la Constitution qui dispose: “Le Conseil constitutionnel connaît de la constitutionnalité des règlements intérieurs des Assemblées législatives, des lois et des engagements internationaux, des conflits de compétence entre l’Exécutif et le Législatif, ainsi que des exceptions d’inconstitutionnalité soulevées devant la Cour suprême.“ Le Conseil a également une compétence consultative, notamment à l’endroit du Président de la République, telle que édictée par l’Article 51 de la Constitution qui dispose en son alinéa 1 :“Le Président de la République peut, après avoir recueilli l’avis du Président de l’Assemblée nationale et du Conseil constitutionnel, soumettre tout projet de loi constitutionnelle au référendum”.


Rédigé par leral.net le Vendredi 15 Janvier 2016 à 09:57 | | 23 commentaire(s)|

La compétence juridictionnelle du Conseil Constitutionnel

Dans l’exercice de sa compétence juridictionnelle le Conseil Constitutionnel siège en tant que Juge et rend une décision qui est obligatoire à tous. Ainsi la loi lui donne compétence pour trancher les litiges concernant l’élection du Président de la République, elle lui donne également compétence pour trancher les conflits de compétence entre le Législatif et l’Exécutif, pour connaître de la conformité ou non d’un Traité International à la Constitution du Sénégal (on parle de contrôle de conventionnalité), mais aussi pour connaître de la conformité d’une loi à la Constitution (on parle de contrôle de constitutionnalité), que ce soit une loi organique telle que les lois portant Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale ou encore d’autres lois.

Ce contrôle peut être exercé soit avant la mise en application de la loi (on parle de contrôle a priori ou par voie d’action), soit incidemment plus tard dans la vie de cette loi quand sa non conformité à la Constitution est soulevée dans un litige devant la Cour Suprême (on parle alors de contrôle a posteriori ou par voie d’exception). Les décisions que le Conseil rend dans les cas ci-dessus sont obligatoires à tous, définitives et ne peuvent donc pas être contestées. Il est donc évident qu’en dehors des cas limitativement énumérés ci-dessus, la Constitution n’attribue aucune autre compétence juridictionnelle au Conseil Constitutionnel, y compris une compétence juridictionnelle pour connaître de la révision Constitutionnelle, comme il l’a du reste rappelé dans sa Décision en date du 18 Janvier 2005. Quoique la loi (Article 51 de la Constitution) lui permette d’émettre un avis consultatif sur cette question lorsqu’il est saisi pour cela par le Président de la République. (voir ci-dessous)

La compétence consultative du Conseil Constitutionnel

Outre sa compétence juridictionnelle donc, le Conseil a aussi une compétence consultative (Article 51 al 1 et 2 de la Constitution) vis-à-vis du Président de la République. Dans l’exercice de cette compétence consultative, le Conseil ne siège pas comme un Juge qui rend une décision obligatoire, mais plutôt il émet un avis sur la question objet de sa consultation. Mais comme tout avis consultatif, cet avis ne lie pas ceux qui l’ont requis et reçu.

L’Article 51 alinéa 1 de la Constitution Sénégalaise dit que “Le Président de la République peut, après avoir recueilli l’avis du Président de l’Assemblée Nationale et du Conseil constitutionnel, soumettre tout projet de loi constitutionnelle au référendum.”

La Constitution ne dit pas que “le Président de la République peut, après avis [favorable] du Président de l’Assemblée Nationale et du Conseil Constitutionnel..” Ni encore “le Président de la République peut, après [autorisation] du Président de l’Assemblée Nationale et du Conseil Constitutionnel…” . La Constitution, en son Art 51 alinea 1 ci-dessus est très claire. Elle indique certes (après la virgule qui suit le mot peut) une obligation pour le Président de la République de recueillir l’avis et du Président de l’Assemblée Nationale et du Conseil Constitutionnel, mais elle n’édicte nullement une obligation pour le Président de la République de suivre, le cas échéant, les avis qu’il a ainsi recueillis du Président de l’Assemblée et du Conseil, que ces avis aillent ou non dans le sens de la non-organisabilité du référendum ou de la non-écourtabilité du mandat Présidentiel en cours.

Il faut comprendre cette disposition de l’Article 51 de la Constitution comme une invitation à une coopération entre les trois différents Pouvoirs Publics de l’Etat: le Pouvoir Judiciaire par le biais du Conseil Constitutionnel, le Pouvoir Législatif par le biais du Président de l’Assemblée Nationale, et le Pouvoir Exécutif par le biais du Président de la République.

C’est pour assurer cette coopération nécessaire à la bonne marche des institutions de la République que la Constitution oblige le Président de la République à saisir le Président de l’Assemblee Nationale et le Conseil Constitutionnel pour recueillir leur avis à chaque fois qu’il envisage une réforme constitutionnelle par voie de référendum. Mais, du fait du Principe Fondamental de la Séparation des Pouvoirs (Publics), la Constitution n’entend nullement faire peser sur le Président de la République (le Représentant du Pouvoir (Public) Exécutif) l’obligation d’exécuter l’avis de l‘une quelconque des deux autorités qu’il va consulter, à savoir le Représentant du Pouvoir (Public) Législatif qu’est le Président de l’Assemblée Nationale et l’un des Représentants du Pouvoir (Public) Judiciaire qu’est le Conseil Constitutionnel.

Quand le Président est libre de choisir entre la voie du référendum et celle de l’Assemblée

L’autre question cruciale est celle de savoir si le Président de la République a l’obligation d’organiser un référendum pour procèder à une révision constitutionnelle. Rappelons que l’Art 51 n’édicte pas une obligation d’organiser un référendum, car le texte, alinea 1 Article 51 dit “Le Président…peut soumettre…au référendum tout projet de révision constitutionnelle”.

D’abord il est clair que par le mot peut en lieu et place du mot [doit] la Constitution entend offrir au Président de la République une faculté, un choix entre la voie du référendum et la voie de l’Assemblée Nationale pour ce qui concerne les révisions constitutionnelles. L’Article 103 alinea 4 de la Constitution confirme ce principe en disposant qu’un projet de réforme constitutionnelle “…n’est pas présenté au référendum lorsque le Président de la République décide de le soumettre au Parlement..”

Donc aussi bien l’Article 51 que l’Article 103 de la Constitution Sénégalaise offrent au Président de la République la possibilité, à son choix, de soumettre un projet de réforme Constitutionnelle soit au référendum soit à l’Assemblée Nationale.

La limitation des choix du Président et l’inévitabilité du référendum

La latitude du Président de la République de soumettre un projet de réforme Constitutionnelle soit au référendum soit à l’Assemblée Nationale est limitée par l’Article 27 de la Constitution. Selon la règle de l’Article 27, pour procéder à une révision constitutionnelle concernant le mandat Présidentiel, le Président de la République ne peut choisir que la voie référendaire. En effet l’Article 27 dit: “La durée du mandat du Président de la République est de sept ans. Le mandat est renouvelable une seule fois. Cette disposition ne peut être révisée que par une loi référendaire”.

Donc, concernant cette question particulière de la révision constitutionnelle pour la réduction du mandat Présidentiel, le Président de la République perd la faculté, la possibilité des choix entre voie référendaire et voie parlementaire que lui offrent les Article 51 et 103 de la Constitution. Car l’Article 27 contient ses propres règles qui dérogent au principe des Articles 51 et 103 lorsqu’il s’agit particulièrement d’une révision constitutionnelle concernant le nombre et la durée des mandats présidentiels.

Dès lors, rien juridiquement ne peut empêcher le Président de la République de poursuivre la voie du référendum pour la réduction de la durée du mandat présidentiel y compris de son mandat en cours. Mieux, rien ne l’autorise à choisir une voie autre que la voie référendaire. Même si, par hypothèse, l’Assemblée Nationale et le Conseil Constitutionnel avaient émis des avis défavorable à l’organisation du référendum pour modifier la durée du mandat, le Président de la République, s’il a toujours l’intention de modifier les dispositions de la Constitution relatives au mandat Présidentiel, peut absolument le faire mais il ne peut le faire que par voie référendaire.

La balle est dans le camp du Président

La question aujourd’hui n’est donc pas celle de la faisabilité juridique de l’organisation d’un référendum pour réduire la durée du mandat Présidentiel de 7 ans a 5 ans y compris le mandat en cours, mais plutôt celle de savoir si le Président en exercice a toujours l’intention de procéder à cette réforme.

S’il en a toujours l’intention, et je suis sincèrement convaincu que c’est le cas, il doit simplement présenter aux électeurs du référendum un projet de loi de révision des articles 27 et 104 de la Constitution. Et les Articles nouveaux doivent disposer comme suit:

Article 27 nouveau: “La durée du mandat du Président de la République est de cinq ans. Le mandat est renouvelable une seule fois. Cette disposition ne peut être révisée que par une loi référendaire.”

Article 104 nouveau: “Le Président de la République en fonction poursuit son mandat jusqu’au dernier Samedi de Février 2017 a minuit. Toutes les autres dispositions de la présente Constitution lui sont applicables.”

Pertinentes ont été les thèses allant ces trois dernières années dans le sens de la non-écourtabilité juridique du mandat de 7 ans en cours mais aussi dans le sens de la caractérisation de la promesse faite par le Président de réduire son mandat comme étant une promesse sans aucune valeur juridique.

Nous concédons assurément que ce type de promesse n’a pas de valeur normative , comme une loi , un acte administratif, ou une décision de justice, loin s’en faut.

Mais la grande interrogation n’est elle pas celle de savoir s’il en vaut vraiment la peine, à tous égards, surtout au sortir de circonstances de troubles si fraîches et douloureuses encore dans la mémoire des citoyens, telles que celles de la période de Juin 2011 à Février 2012, où un Peuple a mis le pays entier en flamme pour rejeter la tentative de maintien au pouvoir d’un Président qu’il a pourtant élu 4 ans plus tôt à 55% des suffrages dès le premier tour, et qui, pour extirper celui-ci du pouvoir qu’il tenait si solidement, procéda résolument par une coalition des plus historiques et des plus diverses de non politiciens comme de politiciens, et élit a 65% un candidat sur la promesse de celui-ci que pour panser la plaie de ce Peuple si meurtri, il n’entend nullement s’accrocher au pouvoir et écourterait d’ailleurs son premier mandat de 7 a 5 ans par voie de révision constitutionnelle, que ce Président de Coalition doive, trois courtes années seulement au pouvoir, céder à des suggestions partisanes en faveur de la villification et de violation de ce Pacte si crucial qu’il a conclu avec ce Peuple et la promesse fondamentale qu’il lui a faite!

Certes dans le système normatif de la République les promesses verbales d’un candidat à la Présidentielle ou du reste d’un Président élu (veuille-t-il verrouiller la limitation de mandats) ne sont pas normatives (et le Conseil Constitutionnel l’a rappelé dans sa Décision du 29 Janvier 2012 concernant la candidature de Wade), mais les promesses don’t il s’agit ici ont été faites comme conditionnalité au vote de ce Peuple Souverain. Les tenir aiderait certainement à offrir à ce Président un second mandat et des plus plébiscitants, en 2017. Ne pas les tenir pourrait rendre problématique sa réélection en 2019. Il est peu certain qu’il briguera quatorze années de Présidence s’il n’écourte pas son mandat en cours mais il est presque certain qu’il obtiendra un second mandat s’il écourte le mandat en cours. Mais franchement l’Amérique n’accorde–t-elle pas huit années seulement à son Président et la France dix au sien? Donc le plus important c’est moins le nombre d’années qu’un Président aura passées au pouvoir mais plutôt ce qu’il aura fait du nombre d’années passées au pouvoir.

So! Mister Président, stay the course. We got your back!

Pour Luwaabi

Adama Ndao, Juriste, Washington
luwaabi@gmail.com