A quel titre le Pds et Me Wade vont-ils aussi facilement offrir cette nouvelle « station » à Karim Wade ? Où sont les nombreux militants du Pds qui ont blanchi sous le harnais et ont tout donné à ce Parti ? Je vois venir les courtisans du prince, prêts à me rétorquer, comme son père de président, qu’il a un DESS en ingénierie financière, que c’est un négociateur hors pair et que, enfin, c’est un citoyen comme les autres, qui a fait ses preuves à la tête de l’Anoci.
Un diplôme d’ingénierie financière ! Rien que ça ? Le Ministre sénégalais de l’Éducation, le Pr Moustapha Sourang, invité le vendredi 8 février 2 008 à l’Émission « Grand débat » de la télévision nationale déclarait, que pour le recrutement de 60 postes d’assistants pour les nouvelles universités de Thiès et de Ziguinchor, 600 titulaires de doctorats divers se sont présentés. Le Sénégal manque donc de tout, sauf de diplômés de très hauts niveaux et dans toutes les disciplines. Les diplômes y sont comme des cacas de chien. Le seul DESS de Karim ne nous impressionne donc pas. Pas plus d’ailleurs que par sa compétence supposée et ses qualités de « négociateur hors pair ». Admettons qu’il soit effectivement compétent ! Pourquoi sa compétence et ses qualités de négociateur ne sont-elles déployées qu’en direction des monarchies pétrolières du Golfe ? Que ne met-il pas en branle son talent et ses capacités infaillibles de persuasion à Paris, à Londres, à Berlin, à Washington, à Ottawa, à Tokyo, etc, pour décrocher de gros investissements ? Il est vrai que les procédures sont infiniment plus « souples » dans les premiers que dans les seconds pays, où on n’est pas prompt à donner.des chèques ou des valises bourrées de fric, qu’on s’empresse d’aller verser dans des fonds politiques ou planquer dans de lointains paradis fiscaux.
Karim, citoyen sénégalais comme tous les autres ! Je répondrai là aussi, comme je le fais dans tous mes écrits, qu’il s’agit d’une monstrueuse contrevérité. Karim Wade est certainement un citoyen sénégalais, mais – et c’est important à signaler – c’est le fils d’un chef d’Etat africain, qui s’appelle de surcroît Abdoulaye Wade, que nous voyons à l’œuvre depuis neuf longues années. Un président spécial ne se gargarisant d’aucun principe et se comportant comme monarque, un monarque qui se permet tout et nous en administre la preuve tous les jours. Nous n’inventons rien : c’est lui-même qui prononçait, sans état d’âme, les propos qui suivent, s’adressant aux fils du khalife général des mourides, venu lui faire une visite de courtoisie au palais de la République: « Quand je venais faire acte d’allégeance devant votre père, je n’avais besoin de rien : j’étais déjà président de la République. Je détiens aujourd’hui tous les leviers du pouvoir et décide de ce que je veux. » C’était le 19 juillet 2008. Mobutu Sese Seko, Jean Bédel Bokassa et Idi Amin Dada sont-ils allés plus loin dans l’excès ? Quelques mois plus tard, le 12 novembre 2008, à l’occasion de l’inauguration de la centrale électrique de Affé, dans la banlieue de Mbacké, notre homme nous en fera voir d’une autre couleur en déclarant ceci : « Tous les pouvoirs sont à ma disposition. J’en donne à qui je veux. » Je pourrais continuer de donner à loisir des exemples de déclarations qui attestent bien que Me Wade, pour paraphraser Me Ousmane Ngom, « parle en démocrate, mais agit en monarque ». De surcroît, c’est un chef d’Etat qui, dans sa gouvernance meurtrie, accumule scandale sur scandale, des scandales dont le moins grave lui vaudrait au moins la destitution pour forfaiture dans quelque autre grande démocratie que ce soit.
C’est cet homme-là, qui détient tous les leviers du pouvoir, et dont il use et abuse, qui est le père du « citoyen de luxe » Karim, à qui tout est offert sur un plateau d’or. C’est ce même homme, vraiment toujours le même, qui n’était pas le moins du monde gêné de donner ce conseil particulièrement chargé à Faure Eyadema, fils d’un autre dictateur africain : "Ecoute, il est hors de question que nous te reconnaissions tant que tu ne seras pas soumis aux suffrages des Togolais. Tu as l’appareil d’Etat avec toi, tu as l’armée, le Parti et l’argent. Va organiser des élections, gagne-les et le problème de ta légitimité ne se posera plus". Voilà qui est clair ! Me Wade n’étant sûrement pas homme à conseiller le bain et à ne pas se jeter lui-même au bain, nous saisissons parfaitement la portée et la signification de ce conseil machiavélique. Karim Wade peut donc d’ores et déjà compter sur trois atouts majeurs pour un candidat à une compétition électorale : l’appareil d’Etat, le Parti (Pds), l’argent à gogo. Le quatrième atout, l’armée, est plus compliqué : en disposera-t-il le moment venu ? Je n’en sais rien.
Les Wade et leurs courtisans avancent un autre argument aussi fallacieux que les autres. « Ecoutez, répond en particulier Me Wade au journaliste Ulysse Gosset de France 24, dont il était l’invité de l’émission mensuelle ″Talk de Paris″ en début décembre 2007, « il (Karim) ne serait pas le premier fils de président à être président, comme le président Bush et tant d’autres ». Cet argument ne tient vraiment pas la route : le cas Karim Wade n’est pas du tout comparable à celui de Bush fils et Me Wade le sait parfaitement. Bush Jr a succédé à Bill Clinton huit ans après que son père a quitté le pouvoir. Ce dernier ne pouvait donc rien pour son fils, même quand il était au pouvoir d’ailleurs. Il convient de rappeler, en outre, que Bush fils avait déjà fait ses classes politiques avant d’être élu président des Usa : il était gouverneur de l’important Etat du Texas. Rien ne lui a été donné donc sur un plateau d’or, comme cela est en train d’être fait dans cette République bananière que notre pauvre pays devient progressivement. Les seuls exemples comparables à celui de Karim sont ceux des Jean Claude Duvalier, Joseph Kabila et Faure Eyadema, qui ont immédiatement succédé à leurs pères de dictateurs. Mouhamar Khadafi, Macias Nguema, Hosni Moubarack, Oumar Bongo, etc, se préparent aussi, dit-on, à laisser le pouvoir à leurs fils, comme s’y emploie sans état d’âme Me Wade. Ces derniers chefs d’Etat ne sont malheureusement pas des modèles à importer. C’est donc une énorme reculade démocratique, une véritable honte pour notre pays, qu’on y envisage un seul instant que Karim Wade succède immédiatement à son père.
J’ajouterai, pour en terminer avec cet argument éculé que Karim est un citoyen comme les autres, qu’il n’en est rien. Il en est vraiment très loin. C’est un conseiller spécial qui a des conseillers spéciaux sur toute l’étendue du territoire ; un conseiller dont se réclament sans état d’âme des ministres et des ministres d’Etat qui le représentent dans des cérémonies officielles ; un conseiller voyageant en jets privés suivi comme son ombre par la télévision de son père, qui rend compte de ses moindres faits et gestes ; un conseiller enfin, pesant lourdement sur les décisions les plus importantes qui engagent l’avenir de tout notre pays. Ce Karim-là n’est donc en aucun cas un citoyen comme les autres. En outre, il ne peut se prévaloir d’aucune compétence, d’aucune expérience, d’aucun mérite particulier. Comme le fait remarquer si bien Abdou Latif Coulibaly, « il n’a ni la compétence, ni l’étoffe, encore moins la rigueur et le profil d’un homme d’Etat. Rien dans son histoire et dans son expérience personnelle ne le prépare à de telles charges (de président de la République, ndla), sauf de faire valoir le fait que son père est le président de la République »1. Le politologue Abdou Aziz Diop disait également de lui, un peu plus d’un mois auparavant, que « c’est le plus paresseux d’entre nous »2.
Karim n’était rien, presque rien, avant le 19 mars 2000. Et si, pour une raison ou pour une autre, son père de président venait à perdre précipitamment le pouvoir, on le retrouverait vite, s’il n’est pas arrêté, à Paris, à Londres, à Besançon, à Genève, à Andorre, ou dans une autre ville tranquille du monde. Le seul « trophée de guerre » dont il peut se faire prévaloir aujourd’hui, et que ses courtisans portent en bandoulière, c’est sa gestion de l’Anoci. Or, celle-ci ne serait pas, selon nos techniciens les plus crédibles, y compris Jean Charles Tall du Forum civil, un modèle de réussite technique et financière3. Cette structure a géré des dizaines de milliards (140, 200, 300, qui sait ?) de francs Cfa et les Sénégalais attendent avec impatience un audit (indépendant) de cette véritable caverne d’Ali Baba. En particulier, nous avons besoin d’être édifiés sur le véritable coût de ce fameux tunnel dont la pertinence est contestée par nombre de techniciens. Nous avons aussi besoin de savoir combien exactement nous a coûté ce bateau-hôtel de grand luxe, et si c’était vraiment utile de dépenser autant d’argent pour deux ou trois jours, alors que des milliers de chambres d’hôtels étaient réquisitionnées et le Méridien-Président réfectionné à coûts de milliards. Ce serait vraiment trop facile que Karim Wade passe aussi facilement de la rampe de l’Anoci à celle de la mairie de Dakar, sans donner des réponses précises aux nombreuses questions que nous nous posons sur sa gestion jusqu’ici opaque de la première structure.
Il est également temps qu’il sorte vraiment de l’ombre, des fourrés, de la posture confortable où il s’est jusqu’ici réfugié, pour prendre personnellement en charge son projet politique, au lieu de s’abriter derrière des seconds couteaux, même si parmi eux, il y a des talents qui, malheureusement, se mouillent et se rouillent. Avec sa présence et celles de ses camarades sur les listes d’investitures aux élections locales du 22 mars 2009, il n’a fait que pointer le nez dehors. Qu’il ait le courage de sortir carrément de son trou et d’affronter les nombreux compatriotes qui ne sont pas prêts à plier aussi facilement devant le fait accompli que son père de président et lui-même nous préparent.
Pour ce qui me concerne, je crie haut et fort ici ma farouche opposition, même si nous n’en sommes pas encore là, à la candidature de ce garçon à l’élection présidentielle de 2012. Cette candidature est indécente, insoutenable, dans tous les cas antidémocratique. Mes compatriotes s’imaginent-ils un seul instant un Karim Wade, candidat à la magistrature suprême en campagne électorale, pendant que Me Wade que nous connaissons désormais si bien, est encore président de la République du Sénégal ? Ce serait quand même un scénario inédit : il n’existe, à ma connaissance, dans aucun pays démocratique, dans aucun pays tout court. J’interpelle surtout nos magistrats, nos hauts gradés des forces de sécurité, les organisations de la Société civile et principalement les organisations des droits de l’homme. Ils ont d’ores et déjà le devoir de réfléchir sur cette question, et de se déterminer par rapport à elle, si leur statut le leur permet. Et il devrait le leur permettre pour ce cas exceptionnel, puisque c’est l’avenir de tout notre pays qui est dangereusement en jeu.
En tous les cas, que les Wade ne se fassent pas d’illusion : nous ne sommes pas dupes ; nous savons parfaitement que l’objectif de leur projet est de couvrir, pour de longues années, les scandales gravissimes de toutes sortes qui jalonnent la nauséabonde gouvernance libérale. Wade père a une peur bleue de devoir un jour rendre compte de sa gestion catastrophique. Avec cette toute récente affaire de blanchiment d’argent, il nous ouvre un nouveau feuilleton politico-judiciaire, peut-être pour éliminer définitivement son ancien Premier ministre et baliser ainsi le chemin à son fils. Je ne m’attarde pas sur l’accusation qui pèse sur Macky Sall. Est-elle fondée ? Ne l’est-elle pas ? Je n’en sais rien. Ce dont je suis sûr, par contre, c’est que nombreux, très nombreux seraient les Libéraux et leurs alliés qui iraient directement en prison, si on fouillait sans complaisance dans leur gestion, à commencer par le niveau le plus élevé. Il existe de grosses niches de malversations dans ce pays. Nous avons besoin, un jour, de savoir ce qui se cache de mauvaise gestion derrière ces niches-là. Avec Karim Wade comme président, nous ne saurons jamais rien. Ce garçon et son père dont il est le portrait craché4, veulent organiser une véritable omerta autour de l’immonde gouvernance libérale. Nous ne devons, en aucun cas, les laisser faire. Ce serait une faute grave, très grave, que les générations futures ne nous pardonneraient jamais.
MODY NIANG, e-mail : modyniang@arc.sn
Un diplôme d’ingénierie financière ! Rien que ça ? Le Ministre sénégalais de l’Éducation, le Pr Moustapha Sourang, invité le vendredi 8 février 2 008 à l’Émission « Grand débat » de la télévision nationale déclarait, que pour le recrutement de 60 postes d’assistants pour les nouvelles universités de Thiès et de Ziguinchor, 600 titulaires de doctorats divers se sont présentés. Le Sénégal manque donc de tout, sauf de diplômés de très hauts niveaux et dans toutes les disciplines. Les diplômes y sont comme des cacas de chien. Le seul DESS de Karim ne nous impressionne donc pas. Pas plus d’ailleurs que par sa compétence supposée et ses qualités de « négociateur hors pair ». Admettons qu’il soit effectivement compétent ! Pourquoi sa compétence et ses qualités de négociateur ne sont-elles déployées qu’en direction des monarchies pétrolières du Golfe ? Que ne met-il pas en branle son talent et ses capacités infaillibles de persuasion à Paris, à Londres, à Berlin, à Washington, à Ottawa, à Tokyo, etc, pour décrocher de gros investissements ? Il est vrai que les procédures sont infiniment plus « souples » dans les premiers que dans les seconds pays, où on n’est pas prompt à donner.des chèques ou des valises bourrées de fric, qu’on s’empresse d’aller verser dans des fonds politiques ou planquer dans de lointains paradis fiscaux.
Karim, citoyen sénégalais comme tous les autres ! Je répondrai là aussi, comme je le fais dans tous mes écrits, qu’il s’agit d’une monstrueuse contrevérité. Karim Wade est certainement un citoyen sénégalais, mais – et c’est important à signaler – c’est le fils d’un chef d’Etat africain, qui s’appelle de surcroît Abdoulaye Wade, que nous voyons à l’œuvre depuis neuf longues années. Un président spécial ne se gargarisant d’aucun principe et se comportant comme monarque, un monarque qui se permet tout et nous en administre la preuve tous les jours. Nous n’inventons rien : c’est lui-même qui prononçait, sans état d’âme, les propos qui suivent, s’adressant aux fils du khalife général des mourides, venu lui faire une visite de courtoisie au palais de la République: « Quand je venais faire acte d’allégeance devant votre père, je n’avais besoin de rien : j’étais déjà président de la République. Je détiens aujourd’hui tous les leviers du pouvoir et décide de ce que je veux. » C’était le 19 juillet 2008. Mobutu Sese Seko, Jean Bédel Bokassa et Idi Amin Dada sont-ils allés plus loin dans l’excès ? Quelques mois plus tard, le 12 novembre 2008, à l’occasion de l’inauguration de la centrale électrique de Affé, dans la banlieue de Mbacké, notre homme nous en fera voir d’une autre couleur en déclarant ceci : « Tous les pouvoirs sont à ma disposition. J’en donne à qui je veux. » Je pourrais continuer de donner à loisir des exemples de déclarations qui attestent bien que Me Wade, pour paraphraser Me Ousmane Ngom, « parle en démocrate, mais agit en monarque ». De surcroît, c’est un chef d’Etat qui, dans sa gouvernance meurtrie, accumule scandale sur scandale, des scandales dont le moins grave lui vaudrait au moins la destitution pour forfaiture dans quelque autre grande démocratie que ce soit.
C’est cet homme-là, qui détient tous les leviers du pouvoir, et dont il use et abuse, qui est le père du « citoyen de luxe » Karim, à qui tout est offert sur un plateau d’or. C’est ce même homme, vraiment toujours le même, qui n’était pas le moins du monde gêné de donner ce conseil particulièrement chargé à Faure Eyadema, fils d’un autre dictateur africain : "Ecoute, il est hors de question que nous te reconnaissions tant que tu ne seras pas soumis aux suffrages des Togolais. Tu as l’appareil d’Etat avec toi, tu as l’armée, le Parti et l’argent. Va organiser des élections, gagne-les et le problème de ta légitimité ne se posera plus". Voilà qui est clair ! Me Wade n’étant sûrement pas homme à conseiller le bain et à ne pas se jeter lui-même au bain, nous saisissons parfaitement la portée et la signification de ce conseil machiavélique. Karim Wade peut donc d’ores et déjà compter sur trois atouts majeurs pour un candidat à une compétition électorale : l’appareil d’Etat, le Parti (Pds), l’argent à gogo. Le quatrième atout, l’armée, est plus compliqué : en disposera-t-il le moment venu ? Je n’en sais rien.
Les Wade et leurs courtisans avancent un autre argument aussi fallacieux que les autres. « Ecoutez, répond en particulier Me Wade au journaliste Ulysse Gosset de France 24, dont il était l’invité de l’émission mensuelle ″Talk de Paris″ en début décembre 2007, « il (Karim) ne serait pas le premier fils de président à être président, comme le président Bush et tant d’autres ». Cet argument ne tient vraiment pas la route : le cas Karim Wade n’est pas du tout comparable à celui de Bush fils et Me Wade le sait parfaitement. Bush Jr a succédé à Bill Clinton huit ans après que son père a quitté le pouvoir. Ce dernier ne pouvait donc rien pour son fils, même quand il était au pouvoir d’ailleurs. Il convient de rappeler, en outre, que Bush fils avait déjà fait ses classes politiques avant d’être élu président des Usa : il était gouverneur de l’important Etat du Texas. Rien ne lui a été donné donc sur un plateau d’or, comme cela est en train d’être fait dans cette République bananière que notre pauvre pays devient progressivement. Les seuls exemples comparables à celui de Karim sont ceux des Jean Claude Duvalier, Joseph Kabila et Faure Eyadema, qui ont immédiatement succédé à leurs pères de dictateurs. Mouhamar Khadafi, Macias Nguema, Hosni Moubarack, Oumar Bongo, etc, se préparent aussi, dit-on, à laisser le pouvoir à leurs fils, comme s’y emploie sans état d’âme Me Wade. Ces derniers chefs d’Etat ne sont malheureusement pas des modèles à importer. C’est donc une énorme reculade démocratique, une véritable honte pour notre pays, qu’on y envisage un seul instant que Karim Wade succède immédiatement à son père.
J’ajouterai, pour en terminer avec cet argument éculé que Karim est un citoyen comme les autres, qu’il n’en est rien. Il en est vraiment très loin. C’est un conseiller spécial qui a des conseillers spéciaux sur toute l’étendue du territoire ; un conseiller dont se réclament sans état d’âme des ministres et des ministres d’Etat qui le représentent dans des cérémonies officielles ; un conseiller voyageant en jets privés suivi comme son ombre par la télévision de son père, qui rend compte de ses moindres faits et gestes ; un conseiller enfin, pesant lourdement sur les décisions les plus importantes qui engagent l’avenir de tout notre pays. Ce Karim-là n’est donc en aucun cas un citoyen comme les autres. En outre, il ne peut se prévaloir d’aucune compétence, d’aucune expérience, d’aucun mérite particulier. Comme le fait remarquer si bien Abdou Latif Coulibaly, « il n’a ni la compétence, ni l’étoffe, encore moins la rigueur et le profil d’un homme d’Etat. Rien dans son histoire et dans son expérience personnelle ne le prépare à de telles charges (de président de la République, ndla), sauf de faire valoir le fait que son père est le président de la République »1. Le politologue Abdou Aziz Diop disait également de lui, un peu plus d’un mois auparavant, que « c’est le plus paresseux d’entre nous »2.
Karim n’était rien, presque rien, avant le 19 mars 2000. Et si, pour une raison ou pour une autre, son père de président venait à perdre précipitamment le pouvoir, on le retrouverait vite, s’il n’est pas arrêté, à Paris, à Londres, à Besançon, à Genève, à Andorre, ou dans une autre ville tranquille du monde. Le seul « trophée de guerre » dont il peut se faire prévaloir aujourd’hui, et que ses courtisans portent en bandoulière, c’est sa gestion de l’Anoci. Or, celle-ci ne serait pas, selon nos techniciens les plus crédibles, y compris Jean Charles Tall du Forum civil, un modèle de réussite technique et financière3. Cette structure a géré des dizaines de milliards (140, 200, 300, qui sait ?) de francs Cfa et les Sénégalais attendent avec impatience un audit (indépendant) de cette véritable caverne d’Ali Baba. En particulier, nous avons besoin d’être édifiés sur le véritable coût de ce fameux tunnel dont la pertinence est contestée par nombre de techniciens. Nous avons aussi besoin de savoir combien exactement nous a coûté ce bateau-hôtel de grand luxe, et si c’était vraiment utile de dépenser autant d’argent pour deux ou trois jours, alors que des milliers de chambres d’hôtels étaient réquisitionnées et le Méridien-Président réfectionné à coûts de milliards. Ce serait vraiment trop facile que Karim Wade passe aussi facilement de la rampe de l’Anoci à celle de la mairie de Dakar, sans donner des réponses précises aux nombreuses questions que nous nous posons sur sa gestion jusqu’ici opaque de la première structure.
Il est également temps qu’il sorte vraiment de l’ombre, des fourrés, de la posture confortable où il s’est jusqu’ici réfugié, pour prendre personnellement en charge son projet politique, au lieu de s’abriter derrière des seconds couteaux, même si parmi eux, il y a des talents qui, malheureusement, se mouillent et se rouillent. Avec sa présence et celles de ses camarades sur les listes d’investitures aux élections locales du 22 mars 2009, il n’a fait que pointer le nez dehors. Qu’il ait le courage de sortir carrément de son trou et d’affronter les nombreux compatriotes qui ne sont pas prêts à plier aussi facilement devant le fait accompli que son père de président et lui-même nous préparent.
Pour ce qui me concerne, je crie haut et fort ici ma farouche opposition, même si nous n’en sommes pas encore là, à la candidature de ce garçon à l’élection présidentielle de 2012. Cette candidature est indécente, insoutenable, dans tous les cas antidémocratique. Mes compatriotes s’imaginent-ils un seul instant un Karim Wade, candidat à la magistrature suprême en campagne électorale, pendant que Me Wade que nous connaissons désormais si bien, est encore président de la République du Sénégal ? Ce serait quand même un scénario inédit : il n’existe, à ma connaissance, dans aucun pays démocratique, dans aucun pays tout court. J’interpelle surtout nos magistrats, nos hauts gradés des forces de sécurité, les organisations de la Société civile et principalement les organisations des droits de l’homme. Ils ont d’ores et déjà le devoir de réfléchir sur cette question, et de se déterminer par rapport à elle, si leur statut le leur permet. Et il devrait le leur permettre pour ce cas exceptionnel, puisque c’est l’avenir de tout notre pays qui est dangereusement en jeu.
En tous les cas, que les Wade ne se fassent pas d’illusion : nous ne sommes pas dupes ; nous savons parfaitement que l’objectif de leur projet est de couvrir, pour de longues années, les scandales gravissimes de toutes sortes qui jalonnent la nauséabonde gouvernance libérale. Wade père a une peur bleue de devoir un jour rendre compte de sa gestion catastrophique. Avec cette toute récente affaire de blanchiment d’argent, il nous ouvre un nouveau feuilleton politico-judiciaire, peut-être pour éliminer définitivement son ancien Premier ministre et baliser ainsi le chemin à son fils. Je ne m’attarde pas sur l’accusation qui pèse sur Macky Sall. Est-elle fondée ? Ne l’est-elle pas ? Je n’en sais rien. Ce dont je suis sûr, par contre, c’est que nombreux, très nombreux seraient les Libéraux et leurs alliés qui iraient directement en prison, si on fouillait sans complaisance dans leur gestion, à commencer par le niveau le plus élevé. Il existe de grosses niches de malversations dans ce pays. Nous avons besoin, un jour, de savoir ce qui se cache de mauvaise gestion derrière ces niches-là. Avec Karim Wade comme président, nous ne saurons jamais rien. Ce garçon et son père dont il est le portrait craché4, veulent organiser une véritable omerta autour de l’immonde gouvernance libérale. Nous ne devons, en aucun cas, les laisser faire. Ce serait une faute grave, très grave, que les générations futures ne nous pardonneraient jamais.
MODY NIANG, e-mail : modyniang@arc.sn