leral.net | S'informer en temps réel

Ce que pense le Président Abdou Diouf de la Crei : «À l’époque, je n’avais pas été suivi… ni par la magistrature ni par la presse…»

Dans l’émission Livres d’Or de RFI, enregistrée en septembre 2000, Abdou Diouf, l’ancien Président du Sénégal, était revenu sur la création de la Cour de Répression de l’Enrichissement illicite (CREI) et les principaux dysfonctionnements et résistances qui ont plombé sa marche. Si cette Cour n’avait pas pu mener à bien sa mission, la responsabilité en incomberait, selon l’ancien président de la République Abdou Diouf, à la magistrature, la presse, la police et certains chefs religieux… Une interview qui conforme un éditorial de notre dirpub M.O.N sur la traque des biens mal acquis. Extraits :


Rédigé par leral.net le Vendredi 9 Mai 2014 à 09:51 | | 12 commentaire(s)|

Ce que pense le Président Abdou Diouf de la Crei : «À l’époque, je n’avais pas été suivi… ni par la magistrature ni par la presse…»
« J’ai créé le tribunal de la lutte contre l’enrichissement illicite dont j’avoue que c’était un échec. Parce que je n’ai pas été suivi. Le peuple sénégalais est ainsi fait puisqu’il n’accepte pas des sanctions trop fortes. Et comme la cohésion sociale est trop forte, je me suis rendu compte que ceux-là que je pouvais accuser même de corruption partageaient cet argent avec une famille et toutes les concessions, toutes les classes de gens, qui évidemment se liguaient. Et c’est la période où j’ai eu la compagne de presse la plus dure contre moi autour de la corruption (…). Alors qu’il y avait dans la loi des délits de corruption qu’on pouvait sanctionner que l’on ne sanctionne jamais !

J’ai moi-même eu l’occasion de déférer en Conseil de discipline un fonctionnaire quand j’étais Premier ministre. Et je savais que ce fonctionnaire était corrompu, mais avec la corruption vous ne pouvez jamais avoir les preuves (…) Parce que personne ne parle, ni le corrupteur ni le corrompu, je n’avais donc pas les preuves. Et comme j’avais l’intime conviction, je l’avais déféré en conseil de discipline, et ses pairs l’ont blanchi. Je leur ai adressé à chacun une lettre qui était très dure ! Ils étaient tous malades, mais ils disaient qu’ils n’avaient pas de preuves.

Mais la preuve de présomption qu’est-ce que vous en faites ? Et tout le monde sait que cet homme-là est corrompu ! ( …) Donc j’ai créé ce tribunal d’enrichissement illicite pour faire un pas de plus… Et comme je ne peux pas obtenir des aveux ni du corrupteur, ni du corrompu, je me base sur les signes extérieurs de richesse. Il faut que la personne puisse prouver comment elle a réussi à avoir cette voiture rutilante, comment elle a pu avoir toutes ces villas compte tenu du niveau de son salaire.

J’ai subi un blocage total de la part des magistrats, de la part des policiers chargés de l’enquête… et cette loi est restée lettre morte ! Et si la presse cachait la corruption de ceux qui étaient ses amis ou dénonçait ceux qui n’étaient pas ses amis ?… Je dis oui et non ! ( …) Et de grands chefs religieux se sont déplacés jusque chez moi pour me demander de céder sur tel ou tel point… et ils sont repartis fâchés contre moi (…) »

Article paru dans « Le Témoin » N° 1164 –Hebdomadaire Sénégalais (MAI 2014)