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Conseils au Président de la République: Qui des transhumants ou des enseignants avoir comme alliés ?

Il y a quatre jours de cela (le jeudi 16 avril 2015 à Kaffrine), répondant aux questions de la Presse nationale pour ainsi clôturer sa visite économique dans la région naturelle du Sine-Saloum, le Président de la République faisait l’éloge de la transhumance politique, semblant oublier la répugnance que les Sénégalais nourrissent à l’encontre de ce phénomène, particulièrement en ce qui concerne les citoyens ayant maille à partir avec le Justice. Aussi, semblait-il faire fi des effets négatifs que la transhumance a produits, par le passé, dans la gouvernance interne du Parti Socialiste en 2000, surtout du Parti Démocratique Sénégalais en 2012, et par conséquent sur l’élection présidentielle de ces deux années-là.


Rédigé par leral.net le Dimanche 19 Avril 2015 à 12:55 | | 0 commentaire(s)|

Conseils au Président de la République: Qui des transhumants ou des enseignants avoir comme alliés ?
Au même moment, ramenant et circonscrivant à l’actualité une vieille revendication des enseignants – revendication qu’il ignore peut-être de bonne foi, mais que beaucoup de cadres de son camp ou de son entourage, les enseignants en premier, ont encore dans la besace de leur mémoire – le Président de la République souligne l’incapacité du Gouvernement à procéder au relèvement de l’indemnité de logement des enseignants. Pourtant, il se racontait déjà, depuis les ministères concernés par cette question jusque dans certains grand’places qu’on a fini d’embarquer à dessein, que cette revendication ne pouvait pas être satisfaite pour la simple raison que les enseignants sont nombreux et que le pays n’en a pas les moyens.

La revendication n’est donc pas d’aujourd’hui ! Que les enseignants sont nombreux et que le pays n’a pas les moyens de leur augmenter l’indemnité de logement, on pouvait concéder cela au Gouvernement ! Mais que signifient ces augmentations tous azimuts de l’indemnité de logement de certaines franges de la fonction publique qui ne sont pas du tout plus méritantes que les enseignants, avec, comme pour railler ces derniers, une part belle faite ces derniers jours en faveur des Greffiers – peu avant la tournée du Président de la République ou le même jour où il s’adressait à la Presse à Kaffrine – puisque la nouvelle en avait été publiée le lendemain (le vendredi 17 avril 2015) par la Presse écrite ?

N’est-ce pas là verser dans la raillerie ? Déclarer, en dépit de leur grève qui paralyse le système éducatif et hypothèque l’avenir des enfants de ce pays, qu’on ne peut pas régler une telle doléance d’agents qui voient l’argent passer devant eux vers d’autres secteurs (y compris des secteurs non productifs comme les harems diplomatiques) et en même temps tenir le coupe-coupe au-dessus de leur salaire tout en réglant une doléance d’autres agents qui ne paralysent rien du tout à ce jour, n’est-ce pas là faire preuve d’actes qui inspirent de la répulsion, voire la répugnance de l’écrasante majorité des agents de l’Etat vis-à-vis de celui-ci, à l’encontre de l’APR qui est surtout préoccupé par la réélection de Macky SALL pour un second mandat ?

L’APR se dit probablement n’avoir rien à faire avec les enseignants. Ainsi, jette-t-il son dévolu sur les transhumants. Mais mon avis est que les transhumants au Sénégal ne sont pas ces militants de la base qui font la notoriété d’une personnalité politique, qui font que tel ou tel autre responsable politique prenne du galon et soit courtisé par le pouvoir ! Ce ne sont pas cette grande masse de Sénégalais ! Les transhumants, ce sont ces personnalités politiques, ces gros bonnets sous les toits des chapelles politiques, que tout le Sénégal connaît, que tout le peuple voit et entend souvent jeter des flèches au Gouvernement et qui, un bon matin, retournent leur veste pour rejoindre sans la moindre gêne le pouvoir, courtisés qu’ils sont par ce dernier.

Le pire est que la plupart du temps, ils ne drainent pas leur monde en rejoignant le parti au pouvoir. Non seulement ils ne drainent pas de monde vers le parti au pouvoir, ils en font malheureusement partir des militants et des responsables de la première heure, de la deuxième et de la troisième, dans la mesure où ils constituent, en raison des appétits qu’ils développent à leur arrivée, les causes principales de dissensions internes fatales au régime en cas d’élections. Macky SALL devrait se garder de tendre la perche à ce type de politiciens, y compris ceux connus déjà pour des dossiers pendants à la Justice. Il doit plutôt la tendre au Sénégalais « lamda », en le séduisant par des politiques hardies qui l’amènent à oublier, économiquement et socialement parlant, ce qu’il avait enduré jusque-là depuis le premier jour de l’occupation coloniale. Parmi ces Sénégalais, les enseignants.

Pourquoi les enseignants ? Chaque famille du Sénégal est représentée dans une institution scolaire par au moins un écolier, un élève ou un étudiant. En d’autres termes, l’école est l’institution la plus représentative de chaque famille sénégalaise, de chaque quartier et de chaque village, de chaque ethnie et de chaque religion. Par l’intermédiaire d’un écolier, d’un élève ou d’un étudiant, c’est plusieurs familles d’un quartier ou d’un village qui sont touchées par un enseignant. Dès que celui-ci s’absente, ce sont des dizaines de familles, voire des centaines de citoyens qui en sont informés ; lorsqu’il observe une grève comme celle qu’observent aujourd’hui le Grand cadre et le CUSEMS, ce sont des dizaines de familles, voire des centaines de citoyens qui s’en offusquent, soi-disant que leurs enfants sont sacrifiés.

Rappelez-vous combien d’enseignants en grève compte ce pays et imaginez alors combien de milliers de citoyens, au total, sont touchés par l’un des effets négatifs de leur grève : le courroux. Lorsque ce courroux contre les enseignants s’amplifie et tire en longueur, il se transforme purement et simplement, en période électorale, en courroux contre le parti au pouvoir. Autrement dit, tous les Sénégalais frappés directement ou indirectement par les grèves ne font qu’en imputer la responsabilité au Gouvernement, lequel reste la cible principale des électeurs le jour du scrutin présidentiel.

Certes couper le salaire à des grévistes peut leur faire mal ! Mais tout bras de fer entre enseignants et Gouvernement n’est que publicité contre ce dernier ; et le grand perdant, c’est lui ! En dehors de la grève, l’enseignant mécontent, s’il est animé d’un esprit revanchard, peut user de tout son talent de communicateur pour influencer le peuple au sein duquel il exerce son devoir citoyen. Dans ce cas, il ne peut avoir rien d’autre à faire, dans le quartier ou le village, que de sensibiliser les populations contre ceux qui le diabolisent, ceux-là qui sont autour du gâteau, et cela ne peut être qu’au détriment du pouvoir. Or, il se trouve que l’écrasante majorité des enseignants ne sont d’aucune chapelle politique. Ils sont mieux écoutés que leurs collègues qui polluent les partis politiques !

Qui donc des transhumants, que le pouvoir séduit, unit et munit, ou des enseignants, s’il cessait de les désunir et démunir, pourraient être les meilleurs alliés du Président en 2017 ou 2019 ? Mon avis est que le Président de la République, pour espérer obtenir un second mandat, doit travailler à avoir deux alliés principaux : des réalisations concrètes et palpables à travers tout le pays et dans les secteurs clés de la vie nationale et la paix définitive et durable entre lui et les enseignants seuls capables de faire, mieux que quiconque, le moment venu, la communication dont il a besoin. Qu’il soit fort en politique, Macky n’a pas intérêt à s’ouvrir plusieurs fronts contre lui. Il fait déjà face, et s’il n’y prend pas garde, fera face de plus en plus :

- au Front Patriotique pour la Défense de la République qui n’est pas prête à lâcher du lest,

- à l’inexpérience de son propre parti, l’APR, où beaucoup de ses lieutenants, habités par la démesure et n’écoutant plus leur chef, ne sont que des « tire-ailleurs »,

- à l’effritement de Bennoo Bokk Yakaar, qui se caractérise déjà par des divisions au sein de l’AFP et s’illustrera par le départ du PS, avec la conséquence que beaucoup d’autres partis qui n’ont rien à y faire, n’y trouvant pas leur compte, les suivront

- et au front social, dans lequel nul n’ignore que même s’ils sont divisés dans leurs luttes, tous les syndicats ne le sont pas en ce qui concerne la détermination à aller jusqu’au bout cette année, sinon les années prochaines qui sont des années d’élections, puisqu’ils ne renonceront jamais à certaines revendications qu’ils ont entamées.

Que se le tiennent donc pour dit tous les tenants du pouvoir, tous les enseignants devenus des Ministres, des Conseillers du Président ou de Ministres, des Directeurs de sociétés ou d’agences, des Députés ou des Maires, il ne faut jamais sous-estimer la capacité de nuisance des enseignants en période électorale. Ils le savent bien, mais ont oublié qu’ils sont des enseignants ! S’ils veulent que Macky SALL obtienne un second mandat pour qu’eux puissent conserver leurs privilèges – je pense à certains avec qui nous avons tenu plusieurs réunions avant le premier et avant le deuxième tour de la présidentielle de 2102 et qui travaillent aujourd’hui dans le Cabinet du Président de la République, dans les Cabinets ministériels et de l’Assemblée Nationale – qu’ils conseillent le Gouvernement à reconsidérer sa position par rapport à la question du relèvement de l’indemnité de logement, laquelle ne tombera pas que dans le salaire de celles et ceux qui ont toujours la craie en main, mais dans le salaire de tous, y compris eux-mêmes.

Les enseignants ne sont pas ce que certains Sénégalais pensent d’eux. Ce sont des humains ! Et parce qu’ils sont des humains, plutôt que de se réjouir de leurs divisions et de tendre l’oreille à ceux qui ne souhaitent pas un second mandat à Macky, le Gouvernement doit cesser de négliger, par des dilatoires, la mise en œuvre des accords, et le Président de la République devra personnellement discuter avec eux tous et voir comment satisfaire entièrement à la doléance, puisque tous sont convaincus qu’il en a les moyens, sinon lui satisfaire dans la mesure des possibilités du Gouvernement. Sinon, tout le monde est perdant – les élèves, les enseignants eux-mêmes et les autres parents – mais c’est le pouvoir lui-même qui est le grand perdant.
Daouda DIEDHIOU,
daouda1966@yahoo.fr