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DÉSŒUVREMENT A GUET NDAR ET a la LANGUE DE BARBARIE : Faute de licences, les pêcheurs restent à quai

Les pêcheurs de Guet Ndar et de la Langue de Barbarie en général sont au chômage technique depuis plusieurs semaines. Faute de licences, ils sont aujourd’hui à quai et ils n’attendent que la délivrance de ces fameux documents pour reprendre le large.


Rédigé par leral.net le Dimanche 28 Novembre 2010 à 12:58 | | 0 commentaire(s)|

DÉSŒUVREMENT A GUET NDAR ET a la LANGUE DE BARBARIE : Faute de licences, les pêcheurs restent à quai
Guet Ndar. Il est 10 heures. Le quartier grouille déjà de monde. Malgré le meurtrier soleil de fin d’hivernage qui darde de ses terribles rayons, les populations vaquent tranquillement à leurs occupations dans un charivari monstre. Quelques oiseaux voltigent et gazouillent mélodieusement et une brise berceuse souffle et, de temps à autre, balaie d’un coup sec l’air pollué. Des animaux domestiques crottés, délaissés par des propriétaires, divaguent dans cette foule en mouvement. A intervalles réguliers, une ribambelle d’enfants privés d’école sans doute par la dernière pluie qui s’est abattue sur la vieille ville, jouent dans un vacarme indescriptible, tandis que leurs aînés, sagement installés aux devantures des maisons, devisent allègrement. Ce quartier de pêcheurs avait retrouvé son animation des grands jours. Et pourtant, on n’est pas en période de fête. Mais les pêcheurs, faute d’activité, sont sur place. L’absence de licences les a cloués au sol depuis quelques semaines et les rares parmi eux qui vont en mer, le font clandestinement et à leurs risques et périls.

A Santhiaba, c’est le même scénario qui prévaut. Le long de la plage, des centaines de pirogues longtemps agressées par les vagues furieuses sont en vrac. Et sous les tentes que ces mêmes vagues viennent de temps à autres lécher, des pêcheurs s’affairent à raccommoder leurs filets.

Flou frontalier en mer

« Nous vivons au quotidien de grandes difficultés avec les policiers mauritaniens, car nous ne savons pas si nous sommes dans les eaux du Sénégal ou de la Mauritanie. Chaque jour, c’est des arrestations tous azimuts », râle Alassane Sarr, un pêcheur qui, avec les nombreuses difficultés, a confié ses quelques pirogues à ses jeunes frères. « Cette heure ne devait pas me trouver ici, mais faute de licence, je suis à terre et je passe le temps à réparer mes filets », révèle-t-il sur un air mélancolique. Et lui d’ajouter : « je ne peux même pas vous dire depuis quand je ne suis plus allé en mer. Nous vivons des difficultés énormes et à l’heure où je vous parle, nous avons toutes les peines du monde pour nourrir nos familles. Il nous faut ces licences parce qu’il nous faut travailler », dit-il.

Dans cette localité, la complainte est la même chez tous les pêcheurs, ils ne demandent que des licences pour reprendre leurs activités. Pour Moustapha Sarr, il est clair que la Mauritanie ne veut pas leur accorder des licences. « La Guinée Bissau tout comme la Guinée Conakry accordent des licences aux pêcheurs sans difficultés, mais ici, la Mauritanie nous délivre avec difficulté ce document. En plus, les Mauritaniens nous interdisent de capturer les poissons nobles. Tout ce que nous devons capturer, ce sont des sardinelles. En plus de cela, ils nous exigent de venir débarquer chez eux. C’est de la dictature », déplore-t-il en rappelant leur calvaire. « Ce manque de licences nous fatigue et nous oblige à rester plus d’un mois sans aller en mer, même si parfois, les Mauritaniens ouvrent leurs frontières deux à trois jours avant de les fermer et nous laisser entrer selon leurs humeurs. On ne peut pas vivre dans ces conditions-là. L’Etat doit vraiment faire quelque chose », ajoute-t-il. Quant à Mbaye Diagne, il préconise l’octroi des licences à tous les pêcheurs afin que toutes les pirogues à quai puissent reprendre leurs activités et faire revivre la Langue de Barbarie.

Pour une usine de sardinelles

« Nous voulons des licences valables et nous sommes prêts à mettre le prix qu’il faut pour les acquérir », indique-t-il, tout en invitant les autorités à doter le Sénégal d’une usine de sardinelles. Selon lui, tous les pêcheurs vont aujourd’hui en Mauritanie qui dispose d’une unité de sardinelles prête à acheter toutes prises. A l’en croire, les pertes sont considérables pour notre économie nationale. « Si l’on disposait d’une usine, il y aurait beaucoup de travaux pour les pêcheurs et les retombées seraient considérables », estime-t-il.

A son avis, la Mauritanie « veut simplement pousser le Sénégal à la faillite » pour relever son économie à partir du secteur de la pêche. « Nous ne devons pas l’accepter. L’Etat doit réorganiser la pêche et doter les pêcheurs de moyens », ajoute-t-il en invitant les autorités à faire un geste pour délivrer les pêcheurs de la Langue de Barbarie, qui ne demandent qu’à travailler et nourrir leurs familles.

Présentement, ces pêcheurs au chômage vivent d’espoir, un espoir de lendemains meilleurs. Et chaque jour, ils scrutent tristement l’horizon, dans l’espoir que ce problème de licences sera définitivement résolu et qu’ils reprendront le large comme aux temps anciens où la pêche était une fierté pour toute cette communauté qui vivait de ses ressources.

Les activités des femmes paralysées

A Guet Ndar et généralement dans toute la Langue de Barbarie, le moteur de l’économie est la pêche et les activités connexes. Les femmes y participent de manière significative. Leurs différentes activités vont de la transformation du poisson à la vente. Mais, avec la situation qui prévaut actuellement, il est évident qu’elles passent des moments très difficiles. Toujours affairées en temps normal, la plupart d’entre elles se retrouve à ne rien faire pratiquement sur les différents sites de transformation, que ce soit à Guet Ndar ou à Gokhou Mbacc. Le désœuvrement semble les tuer doucement. « Ces différentes activités sont des stratégies de survie que nous utilisons pour aider nos époux, nos familles et assurer leur bien-être », a indiqué Fatou Fall, une transformatrice. Cette dame âgée d’une quarantaine d’années, achète depuis plus de vingt ans du poisson frais qu’elle transforme et conserve en le séchant pour le vendre ensuite. Fatou reconnaît que l’absence de licences est le seul facteur responsable de l’accalmie de leurs activités. « Si nos braves époux ne vont pas en mer, c’est le chômage général pour nous. Les pertes de revenus sont incommensurables. Dire que nous avons besoin de manger, de nous habiller, de nous soigner. Nous avons vraiment besoin d’aide et espérons que notre cri de détresse sera entendu pour la prise en compte de ces besoins liés à nos droits fondamentaux », a-t-elle indiqué. La complainte est la même chez les vendeuses de poisson. « Nous vivons une situation difficile et toutes nos activités tournent au ralenti. Déjà, j’étais confrontée à une insuffisance de capital pour acheter de grandes quantités de produits à revendre. Nous avons vraiment besoin d’aide », clame Aïda Mbaye, qui s’active dans ce domaine depuis un quart de siècle. « Je n’ai pas souvenance d’avoir vécu une telle situation. Cette baisse de l’activité due à l’absence de licences de la pêche signifie forcément une baisse de l’économie. Et si rien n’est fait, nous risquons de mourir avec nos progénitures », prévient-elle. Aujourd’hui, ces locomotives du développement de la Langue de Barbarie se tournent les pouces en attendant que la situation se décante. Et elles espèrent que l’Etat fera un geste face à l’urgence de la délivrance des licences, qui leur permettra de reprendre leurs activités.

Par Saliou Fatma Lo et Samba Oumar Fall
Source Le Soleil

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