leral.net | S'informer en temps réel

DOSSIER -Transhumance politique, 10 ans après : Les destins tragiques de l’alternance

En arrivant avec armes et bagages au Parti démocratique sénégalais (Pds), la plupart des transhumants, et pas des moindres, semblent aujourd’hui, déçus, désabusés. Poussant certains à s’éclipser, pendant que d’autres tentent d’exister.
Par Daouda GBAYA


Rédigé par leral.net le Jeudi 18 Février 2010 à 17:19 | | 0 commentaire(s)|

DOSSIER -Transhumance politique, 10 ans après : Les destins tragiques de l’alternance
«Réduire ses adversaires au silence n’est pas les convaincre, mais seulement les embarrasser, avantage ignoble.» Cette citation de Joseph Joubert semble bien inspirer Me Wade. Depuis l’Alternance, le président de la République n’a cessé de manœuvrer pour s’offrir moins d’adversaires politiques possibles. Pour cela, il ne s’est privé de rien. Absolument rien. Pourvu qu’il tienne en respect ses adversaires politiques. Si certains, dont la plupart sont d’anciens dignitaires du régime socialiste, ont fait acte d’allégeance à Me Wade pour sauver leur tête au-dessus de laquelle planaient les rapports d’audits, d’autres, en revanche, ont tourné casaque contre prébendes et sinécures. Erigeant, de fait, la transhumance en mode de gouvernance sous l’Alternance. De bonne guerre, pourrait-on dire, puisque cette transhumance aura permis à Me Wade de réduire ses anciens pourfendeurs en bois mort.
Après s’être vu inviter au...festin libéral, bon nombre de ces convives sont aujourd’hui indésirables. Sans compter que ceux que l’on nomme «militants de la première heure», membres de la fratrie de Wade jalousent ces transhumants, obligeant certains d’entre eux, parfois par un sentiment de déception et de dégoût, à s’éclipser de l’arène politique. C’est le cas de Assane Diagne, ancien directeur de la Société immobilière du Cap-vert (Sicap). Cet ancien baron du Ps, devenu libéral au lendemain de l’Alternance, s’est emmuré dans un silence de cathédrale depuis son éviction du gouvernement le mardi 19 juin 2007. En brouille avec son parti, le député libéral se déplace rarement à Baba Garage, sa base politique, où il compte beaucoup de militants et sympathisants.

Eclipse
Une situation qui s’explique par le fait que l’ancien conseiller spécial de Wade, qui avait fait son entrée dans le second gouvernement de Macky Sall, le mercredi 9 mars 2005, a une dent contre sa formation politique et cela, depuis sa convocation devant la commission de discipline du Pds. Il devait répondre du délit de «sabotage et d’appel au vote-sanction contre la liste de la Coalition Sopi 2007», lors des élections législatives de cette même année. Accusations qu’il avait balayées d’un revers de la main. Depuis, Assane Diagne, nommé président de la fédération Pds de Bambey le 10 février 2006, lors des opérations de restructuration entamées par Macky Sall, l’ancien n° 2 de la formation libérale, ne prend plus part aux activités organisées par son parti. En atteste ses absences répétées au niveau de la fédération. Assane Diagne, très en colère contre son parti, avait refusé de battre campagne pour les législatives aux côtés de Aïda Mbodji, sous le prétexte que cette dernière ne devait pas être tête de liste de la Coalition Sopi. Pour les Locales, il avait récidivé en brillant par son absence et en refusant de figurer sur les listes de la Coalition Sopi. Ses partisans allaient grossir les rangs des listes de la Nouvelle intelligence pour le développement de l’Afrique (Nida) dans la commune de Bambey et Bennoo Siggil Senegaal dans la communauté rurale de Baba Garage, son fief.
Si, à la commune de Bambey, les Libéraux ont subi un revers, tel n’a pas été le cas à Baba Garage où Assane Diagne et ses partisans se sont imposés devant leurs adversaires. Toujours en disgrâce au sein de sa formation politique, celui-là même qui confiait avoir exercé pendant quatre années les fonctions de Directeur de cabinet officieux du président de la République, n’avait pas jugé utile de prendre part à l’Assemblée générale d’information sur la vente des cartes du Pdsl, tenue le 23 janvier dernier. Et cela, en dépit des appels incessants du superviseur Modou Diagne Fada qui affirmait ce jour qu’ «un numéro de la Présidence a été même utilisé, mais en vain». L’absentéisme de Assane Diagne n’est pas seulement remarqué au niveau de la base, mais aussi à l’hémicycle. Un député sous le couvert de l’anonymat confie : «Depuis le mois de juin passé, période qui a vu mon entrée à l’Assemblée nationale, je ne l’ai vu que trois fois.» Premier sénégalais à être promu administrateur-délégué et Directeur général de la Sicap, l’ancien théoricien de la refondation du Parti socialiste serait, selon toujours son collègue parlementaire, alité depuis un certain temps. Hier, adulé par Wade, qui avait fait de lui en 2001 son ministre-conseiller spécial, Assane Diagne souffre de voir sa rivale Aïda Mbodji être vice-présidente de l’Assemblée nationale, là où il n’occupe que les fonctions de député simple. N’est-ce pas lui qui avait boudé les appels incessants de Macky Sall, lors des opérations de restructuration, sous le prétexte que ce dernier avait pris part au meeting organisé par Aïda Mbodji dans l’enceinte du stade le vendredi 10 février 2006, alors que, pour Assane Diagne, c’est «une manifestation qui ne figurait pas au programme» ? Cet ancien membre fondateur de la Ligue démocratique, naguère tout-puissant responsable du Parti socialiste où il faisait la pluie et le beau temps, n’est présentement que l’ombre de lui-même.

De la grâce à la disgrâce
C’est aussi valable pour son collègue député, Mbaye Diouf. Depuis qu’il a transhumé vers le Pds, l’ancien Directeur général de la Société nationale des chemins de fer (Snca) peine à retrouver son aura d’antan. Ancien, adversaire politique de Idrissa Seck à Thiès, Mbaye Diouf fut durant longtemps la bête noire de l’opposition d’alors. Epinglé en 2001 par les audits pour «détournement, faux et usage de faux, surfacturation», puis blanchit, ce «Baye défaal yaal (mécène)», comme l’appelait Ousmane Tanor Dieng, a des difficultés dans son «recyclage politique» et pour s’imposer au milieu de sa nouvelle famille. Mais c’est la dure rivalité au sein du Pds, qui plombe quelque part ses ambitions. En effet, Mbaye Diouf conteste la légitimité de son «frère» Abdou Fall, qui prétend être «leader» au niveau de la fédération du Pds de Thiès dont toutes les instances régulières ont été dissoutes depuis 2004.
Bien qu’il ait battu campagne lors des dernières élections locales du 22 mars 2007, Mbaye Diouf est, aujourd’hui, de moins en moins visible, aussi bien dans la capitale du rail qu’au niveau de l’hémicycle. Et son absence remarquable, lors du lancement des opérations de la vente des cartes du Pdsl, qui avait vu la présence de Idrissa Seck, Abdou Fall, Abdoulaye Dramé, en est une illustration Léna Fall, elle, semble plus chanceuse. Après avoir déposé ses baluchons au Pds, l’ancienne mairesse de Gueule Tapée-Fass, Colobane, a réussi à trouver une planque au niveau du Sénat dont elle est la cinquième vice-présidente. Mais, au niveau local, Léna Fall se fait de plus en plus discrète, n’affiche plus le même pimpant politique d’antan. «J’ai décidé de prendre ma retraite politique et laisser les jeunes continuer», déclare la sénatrice. J’ai 50 ans de carrière politique (23 janvier 1939 à Saint-Louis)» «Il est temps de céder la place. Maintenant, j’ai ma fille (Ndèye Khady Guèye, militante Pds) qui s’est lancée dans la politique.» Avait-elle vraiment le choix ? En tout cas, la bataille de leadership que se livrent Pape Diop, président du Sénat, Modibo Diop, Directeur général de l’Aser, Seynabou Wade, maire de la commune, est très âpre pour lui faire place. Même si ces derniers «se sont donnés la main», récemment, lors de l’installation de la commission de la vente des cartes du Pdsl.

Des cas à part
Il n’y a pas que d’anciens barons socialistes dans cette galère. Le Pr. Mame Moussé Diagne, ancien porte-parole de la Cdp/Garab gi, n’est pas en reste. En effet, depuis la fusion de son parti avec le Pds, le Pr. Diagne se cherche encore au sein de sa nouvelle formation. La seule responsabilité qu’il a occupée, c’est un éphémère poste de ministre de l’Enseignement et de la Recherche scientifique, le 4 mars 2001. Avant qu’il ne soit révoqué le 4 novembre 2002, à la suite du naufrage du Joola. Depuis, le professeur de philosophie s’est retiré dans les amphithéâtres de l’université Cheikh Anta Diop Dakar. Près des étudiants. Loin de la politique. Même s’il dit être «toujours du camp présidentiel», on ne l’entend plus sur les sujets de l’heure. «Il y a des débats sur lesquels je n’ai pas été sollicité et comme je ne parle pas en mon nom propre, je n’ai pas l’habitude de me lever et de parler sur n’importe quoi», justifie l’ancien ministre. Sur sa non-présence aux instances régulières du Pds, comme le Comité directeur, le Pr. Diagne indique : «Au moment des fusions, les directions des partis (Cdp-Pds) se sont rencontrées, et il était entendu que la fusion s’opérerait de niveau à niveau ; les bases fusionneraient, les directions également.» Et il se souvient encore de la formule qui a été utilisée : «Un général ne peut pas être un homme de troupe une fois que cette fusion serait opérée.» Mais, le Pr. Diagne philosophe : «Le processus avait été entamé ; puis, pour des raisons que j’ignore, ça s’est arrêté. Et nous n’avons pas veillé systématiquement pour l’amener jusqu’au bout.» Avant d’ajouter : «Il faut apporter les correctifs qui conviennent sur ce plan-là, parce que cela peut engendrer chez un certain nombre de personnes des frustrations.»
A l’instar de Mor Dieng, leader de Yaakar. Bien qu’il ait gardé toujours son parti, l’ancien responsable des cadres de l’Afp s’était investi, en alliance avec Waar wi de Modou Diagne Fada, pour la réélection du candidat Wade en 2007. Mais, cette alliance n’aura duré que le temps d’une rose, c’est-à-dire d’une campagne électorale, puisque M. Dieng a rompu les amarres avec le pouvoir. Avant de prendre le…..large. Les raisons ? «Quand Me Wade nous a reçus, il nous a demandé de soutenir sa candidature ; nous avons dit que ce sera à condition qu’on prenne la parole à Mbacké ; j’ai demandé à être tête de liste de la Coalition Sopi à Mbacké aux élections législatives de 2007», confie-t-il. Cette promesse ne sera pas finalement respectée. La déception est d’autant plus grande que le leader de Yaakar avait dit avoir nourri des ambitions pour les jeunes de sa localité. «Je suis déçu sur le plan de l’emploi. A Mbacké, les jeunes ne travaillent pas, déclare-t-il. Il faut aller vers la création de Petites et moyennes entreprises.» A travers «un travail de terrain et une approche de proximité», M. Dieng dit vouloir «servir les populations ; les aider à être des acteurs de développement».

ABDOULAYE DIACK, DU PS AU PDS : Triste fin d’un Parrain



Un baron socialiste que Me Wade aura réussi à mettre dans sa nasse, c’est le défunt Abdoulaye Diack, ancien maire de Kaolack. Ce dernier a été l’un des puissants responsables socialistes à répondre «sans condition» à l’invite du Pape du Sopi. Même s’il aura bénéficié de prébendes (il a été tour à tour à la Caisse nationale de crédit agricole du Sénégal(Cncas) et à la Banque internationale pour le commerce et l’industrie du Sénégal(Bicis), la désillusion de l’ex-président du Sénat sous le régime socialiste aura été totale.
Dans une interview accordée au journal 24 H chrono, le lundi 23 novembre 2009, peu avant son décès, l’ancien maire de Kaolack déclarait : «Le Pds m’a ruiné. En dehors de Wade qui, de temps à autre, faisait des gestes pour moi, le Pds m’a totalement ruiné. Parce que les gens, qui étaient du parti et qui avaient peur de moi, m’ont combattu systématiquement et d’une manière très dure.» Une situation d’autant plus dure pour lui qu’il ne savait plus à quel saint se vouer. Ses rencontres avec le Secrétaire général national du Pds au Palais s’étaient résumées à des promesses. «Nous nous sommes vus deux fois et nous n’avons pas été d’accord, jusqu’au moment où il m’a demandé de rester tranquille. Il m’a dit qu’il me suivait et qu’il s’occuperait de moi», confiait-il dans les colonnes du journal.
La mort dans l’âme, cet homme, qui avait reconnu avoir «volé de l’argent, mais (qu’il l’a) partagé avec les (siens)», se retire dans son patelin. Loin de la scène politique, loin des médias. Il fera tristement parler de lui dans la nuit du jeudi au vendredi 11 décembre 2009, avec l’annonce de son décès des suites d’une maladie.

Lequotidien.sn

leral .net