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Dans l’ambiance des jours de visite : Rebeuss, ce « little » Sénégal !

D’habitude calme, la prison de Rebeuss grouille de monde en ce vendredi marquant la fin de la semaine. Les amis, parents et voisins prennent d’assaut ses portes pour rendre visite à une connaissance prise dans les liens de la détention.


Rédigé par leral.net le Samedi 11 Août 2012 à 12:45 | | 0 commentaire(s)|

Dans l’ambiance des jours de visite : Rebeuss, ce « little » Sénégal !
Il est 11 heures quand nous arrivons aux portes de la maison d’arrêt et de correction de Rebeuss. Située en face de la corniche de Dakar, la prison de Rebeuss a été créée en 1929 par les colons français. Aujourd’hui, elle semble surpeuplée selon les dernières estimations des agents du ministère de la justice et des organismes de droit de l’homme. Conçue pour abriter moins de 500 personnes, elle compte plus de 1834 détenus. En dépit de la sonnette d’alarme tirée par les uns et les autres, le gouvernement sénégalais semble n’en avoir cure : les priorités sont ailleurs. Ce qui constitue aux yeux de bon nombre d’avertis, une véritable bombe à retardement. En ce jour de visite, les environs de la prison ne désemplissent pas. La présence massive de personnes étrangères au corps des matons, est notée (surtout le mardi et le vendredi). De même, des va-et-vient incessants sont aperçus au niveau de la porte centrale qui fait face à la mer. A dix mètres du portail, un peulh venu de son Labé natal, au courant des années 80, entretient un commerce florissant dans une pièce trop exigüe où sont entassées de nombreuses caisses de produits alimentaires et de cigarettes. Il fait les poches à ses principaux clients que sont les familles et autres proches des détenus mais aussi aux agents de l’administration pénitentiaire avec qui, il entretient de très bonnes relations. Lorsque nous franchîmes, le portail d’entrée, notre attention est frappée par la propreté qui y règne. Renseignements pris auprès d’un des matons : « Les détenus se lèvent le matin tôt et à tour de rôle pour nettoyer la prison et ses alentours ».


Fouille systématique


A droite, à environ quinze mètres de l’entrée de la Mac de Rebeuss, se trouve une grande bâtisse de couleur jaunâtre aménagée pour recevoir les visiteurs. A l’intérieur, des banquettes en ciment carrelées y sont construites tout au long des murs pour permettre aux nombreux visiteurs de s’y asseoir. Au milieu de la grande chambre, des chaises en fer y sont arrangées tandis que des baffles, accrochés aux différents coins du plafond, filtraient le son de la voix d’un agent préposé à l’appel. Pour voir un détenu, les visiteurs sont tenus de déposer l’autorisation de visiter un prévenu, délivrée par les bureaux du doyen des juges aux agents de l’administration pénitentiaire dans une chambre au fond de la salle. Lorsque votre tour vient, le préposé à l’appel vous cite et sous escorte vous raccompagne à l’intérieur de la prison, sans portable ou autres matériels pouvant vous permettre d’enregistrer. La fouille est systématique. Aujourd’hui, comme par extraordinaire, la grande salle est pleine et les rares personnes qui voulaient arpenter les couloirs sont vite rabroués par les agents de garde qui avaient reçu l’ordre de ne laisser personne, traîner au dehors. Sur ces entrechats, nous surprîmes la conversation d’un parent Hal-Pulaar en pleine discussion avec d’autres personnes venues du lointain Fouta pour rendre visite au détenu VIP, Amadou Kane Diallo. Ces derniers très remontés contre Macky Sall et son régime regrettent d’avoir participé à l’élection de ce dernier à la tête de l’appareil d’Etat. « Si nous savions qu’il allait mettre en prison notre parent, jamais les Hal-Pulaars du Fouta n’auraient voté en masse pour lui » a d’emblée soutenu Ibrahima Sow. Professant à qui veut l’entendre que leur mentor a les mains propres et qu’il n’aurait rien à voir avec ce dont on l’accuse.


Un monde à part


A quelques mètres de là, une femme, un marmot dans les bras, rend visite à son mari cité dans une affaire de vente de chanvre indien. Celle-ci semble inquiète du fait de l’approche de la fête de Korité et qu’elle était sans ressources financières pour y faire face. Chacun y va de ses problèmes et cogite aux remèdes. De l’autre porte de la prison, au cœur du quartier qui a emprunté le même nom, des bols sont disposés sous forme de queue, à même le sol dans une pièce, sous l’œil vigilant d’un agent qui veillait au grain. Sur ces bols destinés aux détenus, sont mentionnés dans une étiquette cartonnée, le nom et le numéro de la cellule du destinataire. Accompagné d’un détenu conduisant un chariot, un agent est chargé de la corvée de remettre les mets aux ayant-droits. En face, certaines personnes âgées attendent, sous l’ombre d’un arbre, le retour des récipients pour prendre le chemin inverse qui mène chez elles. Les alentours de la prison pullulent de restaurants. La concurrence entre les restauratrices fait rage. Si les uns acceptent de vendre leurs plats de riz au poisson à 800 FCFA, d’autres préfèrent les échanger avec 500 voire 600 FCFA. Pour Fatima Diop, « certaines restauratrices se mènent une concurrence déloyale pour attirer la clientèle composée des parents de détenus qui n’ont pas le temps de concocter des repas, préférant venir en acheter sur place ». Et de pester : « Le mois de ramadan se fait sentir sur nos revenus car, les clients préfèrent acheter un repas par jour pour leur parents détenus à la place de deux habituellement » La prison de Rebeuss et ses environs semblent devenir un monde à part. Le contraste est frappant entre la vie animée aux abords et l’immense
tristesse qui habite les détenus. Lesquels sont privés de liberté pour divers délits.


Source:Lesenegalais