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De nos jours, la Constitution a bon dos


Rédigé par leral.net le Mercredi 3 Juin 2015 à 09:46 | | 0 commentaire(s)|

De nos jours, la Constitution a bon dos
« Nit ku ñuul, yaa bëgg nguur ! » (O homme noir, comme tu aimes le pouvoir !) chantait, il y a longtemps, notre You bien-aimé. L’Afrique a connu des dirigeants à vie et d’autres que seuls des coups d’états ont pu déboulonner. Maintenant, presque tous les présidents se disent démocrates et jurent de respecter la Constitution. Arrivés à la fin de leurs mandats réglementaires, beaucoup d’entre eux s’accrochent au pouvoir. A chaque fois, c’est la Constitution qu’il faut modifier ou interpréter autrement parce qu’elle n’est plus adéquate, la pauvre.

Au Togo, Faure Gnassingbé, la Cour constitutionnelle dans sa poche, a réussi à s’imposer pour un troisième mandat, en dépit des contestations. Seul Dieu sait ce que demain lui réserve. Ça passe ou ça casse.

Au Niger, Mamadou Tandjan, élu pour deux mandats, déclara à la fin de son règne : « Le peuple demande que je reste, je ne peux pas rester insensible à son appel ». Il décida d’organiser un référendum pour modifier la Constitution. Des patriotes s’y opposèrent. Prenant cela pour du cinéma, le président Tandjan eut la surprise d’être délogé du palais. Et malheureusement, il y eut des morts.

Au Burkina Faso, après 27 ans de règne, Blaise Compaoré décida de modifier la Constitution afin de se représenter. Un soulèvement populaire l’obligea à quitter le pouvoir.

Actuellement, le Burundi est plongé dans le chaos. Le sang y coule, des milliers de personnes fuient leur pays, laissant tout derrière elles, juste parce que le président veut briguer un troisième mandat en interprétant la Constitution comme ça l’arrange, et ses concitoyens s’y opposent.

En RDC aussi, il y a des manifestations contre un troisième mandat de Kabila qui veut se représenter en 2016.

Au Sénégal, quand Abdoulaye Wade a voulu briguer un troisième mandat, des patriotes s’étaient levés pour défendre la Constitution. Pendant ce temps, Macky Sall parcourait le pays à la recherche du pouvoir. Aujourd’hui président, il déclare que ceux qui se battaient pour le respect de la Constitution faisaient du cinéma. « Il faut se rappeler qu’en 2012, lorsque les autres étaient restés à Dakar pour faire du cinéma, je les ai abandonnés là-bas pour être au cœur du pays. » Est-ce de l’arrogance ou de la « courtesse d’esprit » ? Ne me dites pas qu’il en est fier. Il n’y a rien de glorieux dans son acte. Au contraire… Aurait-il eu la moindre chance d’arriver au second tour si les autres candidats avaient fait comme lui ? Aussi, a-t-il pensé à ces populations qui descendaient dans les rues pour s’opposer farouchement au tripatouillage de la Constitution ? Les proches des citoyens qui ont perdu la vie lors de ces manifestations savent que ce n’était pas du cinéma car les morts ne se sont pas relevés après la séquence. Votre Excellence, le 23 juin 2011, c’était aussi du cinéma ?

Ce « cinéma », rappelons-le, avait affaibli Wade qui ne pouvait que reculer pour éviter le pire. Même quand il a réussi à se présenter malgré tout, la plupart des Sénégalais avaient en aversion sa boulimie du pouvoir. C’est alors que le candidat Macky leur a promis que s’ils l’élisent, lui, il va faire un mandat de cinq ans et organiser des élections. Ils se sont écrié : « Waa jaa ngi ! »… Ndeketeyoo !...

Macky a réitéré plusieurs fois cette promesse, même après son élection. C’était sûr à 100%. Après trois années de règne, il évoque la Constitution pour imposer un référendum. Du coup, ce qui était sûr à 100% ne l’est plus qu’à 50%. En voilà une promesse bien singulière ! Il n’avait pas dit : « Quand je serai élu, je vous demanderai si je dois régner cinq ans ou sept ans ». Et surtout, la Constitution ne lui interdit pas de tenir sa promesse. 100%.

Il peut démissionner au bout de la cinquième année et organiser des élections pour briguer un deuxième mandat. Là, sa vive réponse ne souffre d’aucune ambiguïté : « Démissionner est la dernière chose que je ferais, faut pas rêver ». Hum ! Quelqu’un qui ne veut pas quitter le pouvoir pendant trois mois, va-t-il réduire son mandat de sept à cinq ans ?

Il peut organiser des élections anticipées. Non. Son Excellence veut un référendum, ce qui lui donne au moins 50% de chance de ne pas tenir sa promesse. Certains de ses lieutenants, comme Cissé Lô, crient déjà : « Votez non ! », déclenchant ainsi une campagne électorale dont le pays peut bien se passer. Franchement, ça devient ridicule. Si Macky est vraiment déterminé à tenir sa promesse, mais trouve qu’il faut absolument un référendum, il n’a qu’à dire clairement et dès maintenant à tous ses souteneurs et à toute la population de voter oui. Et ce sera oui à 100% car il serait étonnant que ses opposants votent non. Hélas… faut pas rêver, pour reprendre son expression.

Si nous sommes revenus sur ce thème, c’est parce que le clan de Macky a relancé le débat. La presse rapporte que, ce weekend, le Directeur des structures de l'Apr, faisant allusion à la réduction du mandat présidentiel de sept à cinq, estime que « tout ce que promet un candidat durant une campagne électorale ne pourra pas être mis en œuvre, une fois élu ». Il y a là de quoi déchanter. Espérons seulement qu’après deux mandats de sept ans, Son Excellence n’en revendiquera pas un troisième, convaincu que s’y opposer serait faire du cinéma.

On dit que ce référendum, « indispensable », ne portera pas que sur la réduction ou non du mandat présidentiel. Il s’agirait de voter pour une nouvelle Constitution, avec plein de réformes. Pendant qu’on y est, pourquoi pas une loi obligeant les élus à tenir leurs promesses électorales ? Tiens, c’est peut-être une idée qui mérite réflexion.

Bathie Ngoye Thiam.