« Les Etats n’ont pas d’amis. Ils n’ont que des intérêts » dixit De Gaulle. Cette expression empreinte de cynisme pourrait, sans conteste, s'appliquer à la politique où les considérations de principe, d'éthique ou de morale sont souvent sacrifiés sur l'autel d'intérêts partisans.
L'éclatement de la coalition Mànko Taxawu Senegaal le prouve à bien des égards. Alors que les pourfendeurs du régime de Macky SALL y voyaient une force politique capable de croiser le fer avec la Coalition Benno Bokk Yakaar, ce grand rassemblement de l'opposition, à peine sorti de l'œuf, est mort de sa belle mort.
Le clash résulterait de la question de la tête de liste nationale que le Parti démocratique sénégalais (PDS) n’entend pas laisser au maire de Dakar qui revendique pourtant cette place. En effet, renseignent des sources dignes de foi, face aux blocages pour le choix de la tête de liste nationale, Mànkoo a appelé ses membres au vote. D'après un membre de la coalition, sur 10 votants, Khalifa Sall a obtenu 5 voix (Idrissa Seck, Mansour Sy Djamil, Cheikh Bamba Dièye, Malick Gakou et le représentant de Initiative 2017) et Oumar Sarr 3 voix (lui-même, Mamadou Diop Decroix et Mamadou Lamine Diallo) pour deux abstentions (Pape Diop et Diagne Fada).
Tout compte fait, à y regarder de plus près, pouvait-il en être autrement eu égard à la physionomie de ce regroupement aussi hétéroclite que circonstanciel, dont le seul dénominateur commun des associés est l`opposition au pouvoir en place ?
Avec ce curieux salmigondis de contradictions idéologiques et programmatiques que constituait la coalition Mànkoo Taxawu Senegaal, le pari d'une unité était perdu d'avance. La fragilité des coalitions n'est pas d'ailleurs un phénomène nouveau. Elle n'est pas non plus l'apanage de Mànkoo.
On se rappelle encore en 2007, de l'éclatement de la CPA, la Coalition Populaire pour l’Alternative à l’approche du scrutin. Cette principale force de 'opposition regroupait à l`époque le Parti de l’indépendance et du travail (Pit), le Parti socialiste (Ps), l’Alliance des forces de progrès (Afp) et la Ligue démocratique/Mouvement pour le parti et le travail (Ld/Mpt).
A l`instar de ses devancières, la coalition Mànkoo Taxawu Senegaal n`a pas échappé au démon de la division. Tel un sphinx qui renaît constamment de ses cendres, la vie des coalitions politiques ne tient qu`à un fil…
L'impossible cohabitation entre Khalifa et le PDS…
Les bisounours auraient certainement pu croire, de bonne foi, que le rapprochement entre Khalifa SALL et le Parti Démocratique Sénégalais était sincère. Barthélémy Dias avait récemment fait son mea culpa à l’ancien président Abdoulaye Wade qu’il dit être son «grand-père»… Il avait présenté ses excuses au père de Karim Wade pour toutes les insanités qu’il lui avait dites avant sa chute en mars 2012.
Bamba Fall, lui aussi, avait adopté une démarche similaire. Mais tout ceci n`était en réalité qu'un stratagème pour placer Khalifa au piédestal de 'opposition en rangeant le PDS du côté du maire de Dakar. Et, il a fallu que l'heure des vrais enjeux sonnent pour que les masques tombent. En réalité, entre Khalifa et le PDS, la crise est bien plus profonde et les calculs dépassent les législatives.
Le Parti Démocratique Sénégalais, en tant que parti national, présent dans tous les départements du Sénégal, se prévaut d`une légitimité qui ne lui permet pas de se ranger derrière Khalifa, qui, selon beaucoup d`observateurs, ne dépasse pas Dakar qu`il a conquis d'ailleurs, lors des élections locales, grâce à l`aide du PDS.
Quant à Khalifa, la vague de sympathie découlant de son emprisonnement, fait de lui un maillon essentiel de l'opposition avec des ambitions politiques qui le poussent à lorgner le fauteuil de Macky. Entre ces deux principales forces de l`opposition, une cohabitation est quasi-impossible.
Au-delà ces paramètres, Khalifa Sall placé sous mandat de dépôt dans le cadre de l'affaire de la Caisse d'avance de la Ville, est en détenu à Rebeuss depuis le 7 mars dernier. La Chambre d'accusation a rejeté sa demande d'annulation de la procédure et le juge a refusé de lui accorder la liberté provisoire.
Il va devoir alors prendre son mal en patience avant de se libérer des mains de Dame justice. Le PDS qui désormais semble croiser le fer avec l'édile de Dakar, continuera-t-il de soutenir le combat pour la libération de Khalifa ? Rien n'est plus sûr et Macky est certainement en train de rire sous cape.
Abdoulaye FALL