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Décryptage - MAURITANIE : Un recensement périlleux (Par Babacar Justin Ndiaye)

Pourquoi la fragile Mauritanie, encore convalescente de la grave crise des années 89-90, s’évertue-t-elle dangereusement à titiller ses vieux démons ; notamment celui de la fracture raciale ? Difficile de comprendre cette auto-fragilisation au moment où le pays est confronté au défi de la démocratie et à la menace du terrorisme. Le besoin de statistiques fiables pour un aménagement optimal du territoire et une planification économique, n’expliquent pas tout. Dans ce pays sociologiquement en fusion heurtée, le recensement national est plus qu’un exercice administratif de routine. Il est un enjeu politique. Pas étonnant donc que la Mauritanie reste, depuis plus de trente ans, le seul pays au monde où les chiffres liés à démographie, relève du secret-défense.

BABACAR JUSTIN NDIAYE


Rédigé par leral.net le Mardi 4 Octobre 2011 à 07:50 | | 6 commentaire(s)|

Décryptage - MAURITANIE : Un recensement périlleux (Par Babacar Justin Ndiaye)

  

« Le plus grand danger qui menace présentement la cohésion nationale est le recensement en cours. Il faut revoir cette affaire qui suscite d’innombrables interrogations et de protestations dans certaines de nos villes ». Ces propos du Président de l’Assemblée nationale, Messaoud Ould Boulkheir, sont le meilleur baromètre de la montée des périls découlant de l’enrôlement lancé, en mai dernier, pour officiellement mettre en place un nouveau système d’identification des Mauritaniens.
 
Administratif, technique et routinier dans tous les pays du monde, le recensement démographique est, en Mauritanie, une opération grandement redoutée. Tant ses résultats (données chiffrées et fiables sur la population) conditionnent le destin politique de ce pays multiracial, multiethnique et multiculturel.
 
D’où la contestation anti-recensement qui fait vibrer, sur une grande échelle, les fondations de l’entité mauritanienne. A juste raison. Car les modalités de l’enrôlement sont diablement inflammables. Singulièrement le libellé des questions réservées aux populations négro-mauritaniennes. Et, surtout, la nature des pièces introuvables qui leur sont fortement exigées. Exemples surréalistes et provocateurs : le lieu de naissance du père du père ; les extraits ou bulletins de naissance de l’arrière grand-père etc. Comme si la colonie de Mauritanie –administrée depuis Saint-Louis du Sénégal – ne faisait pas partie de l’Afrique Occidentale Française (AOF) jusqu’à son indépendance obtenue le 28 novembre 1960.
 
Paradoxalement, le recensement ne pose aucune difficulté aux centaines de Touaregs (anciennement réfugiés maliens) que le régime du Président Ould Taya avait fixés sur la vallée du Fleuve, afin de « dénégrifier » le sud mauritanien, par un rééquilibrage des données démographiques. Par ailleurs, l’enrôlement ne connaît bizarrement aucun hic dans les deux Hodh, c’est-à-dire les régions de Néma et d’Ayoun-el-Atrouss (le grand Est frontalier du Mali) amputé du Soudan français, et tardivement rattaché à la Mauritanie vers les années 40 par le gouverneur Christian Laigret.
 
Pourtant, ces zones sont peuplées de gens à la nationalité ambiguë ou fluctuante. Feu le Colonel Cheikh Ould Boyde, longtemps patron de la gendarmerie mauritanienne, né de mère bambara, serait-il, aujourd’hui, éconduit ou accepté par les agents de recensement ? Sa fille, Mme Cissé Khady Mint Cheikh Ould Boyde, actuelle ministre de la Culture, est-elle de nationalité clairement mauritanienne ou équivoque ? Et que dire de l’ex-maire d’Akjoujt, Maurice Benza né de père antillais ? Décidément, les opérations d’enrôlement du Général Abdelaziz ont un caractère ubuesque.        

Si l’on y ajoute le fait que la majorité des enquêteurs sont en majorité maures, on saisit bien la fureur sans bornes des Toucouleurs, Ouolofs et autres Soninkés de Mauritanie. Eux qui, aux heures sombres de l’Histoire récente de la Mauritanie (guerre du Sahara 1976-1978), ont quitté le Gorgol, le Guidimakha et le Brakna, pour aller jusqu’au Guelta Zemmour, défendre jusqu’au sacrifice suprême, la souveraineté de leur patrie pluriethnique et multilinguistique.  
Ce n’est alors guère surprenant que les Mauritaniens issus des trois ethnies précitées soient les animateurs du mouvement « Touche pas à ma nationalité » qui fait barrage à ce recensement dont le but ultimement visé, est d’exclure administrativement les Noirs de leur pays. Sinistre répétition ou bégaiement de l’Histoire : après la déportation hors des frontières ; c’est désormais le ghetto qui fait du citoyen, un métèque chez lui. On en arrive à admettre  – même si la balkanisation à la soudanaise est inacceptable et inappropriée – que les théoriciens et fondateurs du Front de Libération du Walo, du Fouta et du Guidimakha (WALFOUGUI) n’avaient pas tort dans l’absolu.          
 
L’épicentre prévisible de la révolte (la vallée du Fleuve Sénégal) est évidemment la zone la plus quadrillée et la plus violemment traitée par les forces de l’ordre. Toute la willaya du Gorgol, c’est-à-dire la région de Kaédi, est sous contrôle policier. Outre le chef-lieu Kaédi, les villes de Maghama et de Mouqata ont été calcinées par la spirale révolte-répression. Même la ville très métissée de Rosso, capitale du Trarza, est touchée par la bourrasque anti-recensement.
 
De facto, l’autorité civile (gouverneurs et préfets) s’est liquéfiée au profit de l’appareil militaro sécuritaire. Preuve que l’Etat républicain du Général Mohamed Ould Abdelaziz est un vernis qui craquelle au moindre choc. Preuve également que l’option sécuritaire est privilégiée : le commissaire directeur de la Sûreté régionale de Kaédi a été limogé puis remplacé au pied levé, par le commissaire Ely Ould Moktar de la Sûreté de l’Air qui coiffe l’aéroport de Nouakchott.
 
Plus visible encore, est la navrante distribution raciale des responsabilités dans la répression en cours dans la vallée. Par un cynisme innommable, le Président Aziz a envoyé contre les militants de « Touche pas à ma nationalité », les deux corps paramilitaires (gendarmerie et garde nationale) commandées par les Généraux Ndiaga Dieng et Félix Nigri. Deux officiers généraux (noirs) natifs de la ville de Boghé. Conséquence, la vieille recette du « diviser pour régner » a marché parfaitement ; puisque la ville n’a pas bougé. Ironie du sort – pardon, du jeu du gouvernement de Nouakchott – le Général Ndiaga Dieng est le fils d’un tailleur originaire de Saint-Louis ; tandis que le Général Félix Nigri descend d’un grand-père italien et d’une maman toucouleur de Podor. Question : ces deux Généraux qui répriment les manifestants du « Touche pas à ma Nationalité » sont-ils, eux-mêmes, recensables ?
 
En dehors de son caractère attentatoire à l’unité et à la stabilité, le recensement cache subsidiairement une orientation anti-sénégalaise. De plus en plus appuyée, avec la rafle des Sénégalais du quartier Médina 3 que le ministre de l’Intérieur Sid’Ahmed Ould Boilil présente comme des éléments étrangers qui manipulent les révoltés du « Touche pas à ma nationalité ». Tout se passe comme si le Président Aziz cherche à transposer la dégradation de ses relations avec Wade, sur les péripéties d’un recensement périlleusement amorcé.  
 
A l’intérieur comme à l’extérieur de la Mauritanie, le recensement diffuse ses ondes de choc. En effet, l’opération d’identification constitue du pain béni pour une opposition (toutes sensibilités confondues) secrètement contente de voir l’homme fort de Nouakchott s’en mêler fatalement les pinceaux dans une affaire politiquement explosive.



1.Posté par Daour KONATE le 04/10/2011 08:58 | Alerter
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Il faudra un jour ou l'autre dresser un bilan de ce que WADE Adoulaye et sa politique étrangère auront coûté aux sénégalais de l'extérieur, en particulier des contrées comme la Mauritanie et la Côté d'Ivoire. Sans oublier la Libye qui reste à venir. On ne peut que souhaiter que la raison finisse par l'emporter. Je ne peux comprendre que, dans un pays islamique, il puisse exister des brimades raciales. C'est totalement aux antipodes de la Religion d'Allah.

2.Posté par mountagha le 04/10/2011 09:30 | Alerter
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si ma ville de Boghe n'a pas ete cite sur ces manifestations ce nest guerre une soumission a Diaga et Felix il ne faut pas que vous vous tromper, la tete dirigeante de Touche pas ma nationalite est constitue par la pluspart des Bogheens. il manque une sensibilisation aux jeunes rester dans la commune. le jenesse bogheenne est pour la pluspart a l'exterieur et a l'interieur du pays; cela est du a leur politique de nous ecarter pour mieux regner laba; car c'etais la ville far des revoltes; il nya aucune insfrastructure laba, aucune entreprise ou societe donc on est tous a la conquete du travaille ailleurs et il faut noter que cette ville a plus de cadre dans toute la mauritanie.

3.Posté par Diaw le 04/10/2011 10:56 | Alerter
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C'est important de revisiter l'histoire de la confrontation entre les Arabo-berbères et les Négro-africains en Mauritanie, mais ce recensement ou enrôlement est contesté tout simplement parce que les populations ne sont pas traitées de la même manière, il y a une discrimination , voire du racisme derrière cette opération. Il est le fruit d'une politique qui reproduit un système déjà initié sous Ould Taya et qui, aujourd'hui, réactivée par les anciens collaborateurs du régime Taya qui ont repris du service avec Le Général Ould Abdel Aziz. C'est un recul considérable alors qu'il y avait des gestes politiques qui avaient nourri beaucoup d'espoir sur la voie de la résolution de ce qu'on a appelé le "passif humanitaire". De toute façon, la Mauritanie ne retrouvera l'équilibre et la stabilité si un dialogue franc et direct n'est pas établi afin de restaurer la confiance et surtout un traitement égal entre les citoyens, une répartition de manière équitable des fonctions de pouvoir entre les différentes populations, notamment arabo-berbères et négro-africaine, et résoudre la lancinante question de l'esclavage subi par les Haratines.

4.Posté par paouan le 14/10/2011 12:28 | Alerter
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l'avenir politique du Senegal à la Sauce Abdoulaye Wade fait craindre le pire........
On peut comprendre que les Maures ne veuillent pas d'une "senegalisation" de la Mauritanie Si Wade etait le Democrate qu'il se pretend, il l'aurait prouvé sans equivoque possible au
Senegal ....Mais que voyons -nous ? Au lieu d'un Mandela -bis , c'est d'un vieux Negre senil
et Voyou surtout , que la cohorte de charognards dont est plein à ras-bord notre Senegal tendent de nous imposer, .....Ces comportements de Tiédos -Animistes sont contraire à la
Religion Islamique, l'Islam dont ces fieffés Demons osent pourtant se Réclamer, à leur tete le
meme Abdoulaye Wade enturbanné !
Les Maures par qui nous est parvenue le coran et la religion musulmane ne s'y sont pas trompés et on s'etonne au Senegal que le President Ould ABDELAZIZ ait tourné le dos à
Wade et à sa politique d'INDIGNITé NATIONALE ?

5.Posté par reineine le 14/10/2011 23:25 | Alerter
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La Mauritanie oui la Mauritanie chaque nouveau président vient avec son recensement c'est koi le problème mystère et boule der gomme toujours les chiffres qu'on garde dans les tiroirs si une chèvre ne découvre pas ce fameux document........................

6.Posté par Yelli Fall le 17/10/2011 15:04 | Alerter
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Monsieur Babacar Justin, j'aurias dû m'arrêter à Babacar parce que Justin ça sonne un peu étranger pour un vrai nationaliste négro. Passe. Le Sénégal exportait ses fils affamés en Mauritanie pour travailler et rappatrier des devises. Passe. Il devait s'en tenir à ça et ne pas exporter ses problèmes internes vers la Mauritanie qui n'acceptera pas de se laisser faire. Les manifestants sénégalais arrêtés en Mauritanie ont avoué à la police être venus encadrer "Touche pas à ma nationalité", sur ordre du pouvoir sénégalais qui peine à introniser Karim à la place du vieux Wade.
Et puis, révisez, M. Justin, vos leçons de démographie: les noirs ne sont pas majoritaires au Gorgol. Les Aoulad Abdallah n'ont pas fait la bataille de Moït pour que le Gorgol soit la proprieté des pulars. Les Lemtouna n'ont pas construit leurs villages pour livrer le gorgol à autrui. Laissez les gens vivre en paix chez eux. Walfougui, Flam et les ethnocentristes sénégalais que vous êtes sont les pires racistes qui ont fait le plus de mal à la pauvre population minoritaire négro africaine de Mauritanie.
Salut quand même et à ton prochain papier.

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