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Décryptage-Magatte Diop désavoué, Teliko réhabilité: Comment les magistrats ont soldé leurs comptes avec le pouvoir?


Rédigé par leral.net le Lundi 21 Août 2017 à 17:06 | | 0 commentaire(s)|

En faveur d’une vote-sanction, « le « candidat de la hiérarchie », Magatte Diop, est déchargé de ses fonctions, à la tête de l’Union des magistrats sénégalais. Et cela faisait bien longtemps qu’un président de l’Ums exerce un seul mandat. Ce qui traduit un avertissement aussi bien pour le pouvoir que pour la tutelle, qui a profité à Souleymane Téliko qui vient d’être réhabilité par ses pairs.

L’élection du juge Souleymane Téliko, comme président de l’Union des magistrats sénégalais (Ums), est un signal fort lancé au pouvoir avec qui il entretient, souvent, des relations de «je t’aime, moi non plus ».

Au-delà de cet avertissement des juges et des procureurs, elle peut aussi être perçue comme une sanction infligée à son rival et candidat à sa propre succession, son collègue Magatte Diop. Celui que l’on surnomme le «candidat de la hiérarchie », n’aura pas battu le record de longévité à la présidence de l’Ums, car cela faisait longtemps qu’un homme y exerce un seul mandat.

Battu avec un score fleuve de 125 contre 77 lors de l’Assemblée générale élective de samedi dernier, ses pairs lui font beaucoup de reproches. Dans ses déclarations, il a toujours pris le contre-pied des positions antérieures de l’Ums, sur l’indépendance de la Justice, par exemple.

Alors que l’Ums a toujours dénoncé « les immixtions intempestives du pouvoir dans le fonctionnement de l’appareil judiciaire », de 2012 à 2015, Magatte Diop avait déclaré "qu’au Sénégal, il n’y a pas de lien ombilical entre la Justice et l’Exécutif".

C’était en août 2016, au cours de l’émission Grand Jury de la RFM. Ses positions dans l’affaire Karim Wade n’ont pas été appréciées par beaucoup de ses pairs, qui viennent de le lui manifester, à travers ce retentissant vote-sanction. Les magistrats ne sont pas également contents des affectations à caractère punitif dont ils sont souvent victimes dans la conduite des dossiers politiques.

Ce vote-sanction qui a porté Souleymane Teliko au pinacle, traduit aussi un avertissement en direction de la hiérarchie judiciaire. Nombreux ont été les magistrats qui ne sont pas en phase avec le pouvoir, au sujet de l’âge de retraite rallongé des chefs de juridiction. Et l’équipe sortante est accusée de n’avoir pas pesé de tout son poids pour s’y opposer.

Ce que les magistrats reprochent à la hiérarchie judiciaire, c’est aussi ce qui s’est passé dans l’affaire dite Badio Camara contre la juge Habibatou Diallo. Cette dernière a été écartée de la présidence de la Cour suprême, alors qu’elle se trouve être la plus ancienne et la plus gradée dans l’échelon judiciaire. Mais son intransigeance sur les principes, qui faisait peur au pouvoir, n’a pas milité en sa faveur.

Et le vote-sanction profita à Teliko

Orpheline d’un leader capable de dire non au pouvoir, comme l’on toujours fait des présidents comme Alioune Niane, Abdoulaye Bâ, Aziz Seck et autres, l’instance dirigeante de l’Ums de la magistrature voit en la personne de Teliko, un président en mesure de faire face aux «immixtions intempestives du pouvoir exécutif dans le fonctionnement de l’appareil judiciaire ».

Et il a déjà fait ses preuves dans le passé. Récemment , il a failli être traduit en Conseil de discipline pour avoir osé dire tout haut ce que ses collègues pensent tout bas : fustiger la consultation à domicile, les affections punitives de magistrats qui refusent de faire le jeu du pouvoir ainsi que le manque de transparence dans la gestion de carrières ces juges et des procureurs.

La tutelle y voyait une violation du secret du devoir de réserve auxquels sont astreints les fonctionnaires judiciaires et a tenté de le sanctionner à hauteur de la faute supposée commise, avant de faire volte-face. Voilà qui est, aujourd’hui, réhabilité par ses pairs.

Dans le passé, alors qu’il était seulement chef de juridiction, le juge Teliko s’est toujours montré ferme vis-à-vis de la tutelle. Autrement dit, il s’est toujours distingué à travers des actes qui semblent friser le défi à la tutelle. Qui ne se rappelle de sa sortie musclée en juillet 2011, alors qu’il était secrétaire général de la Cour d’appel de Dakar ?

Avertissement pour le pouvoir et la tutelle

C’était au temps où l’ouverture de l’ouverture de la Session 2011 de la Cour d’assises de Dakar, avait connu une fausse note, en raison de la non-disponibilité de l’argent destiné à la prise en charge des magistrats et du personnel de securité. Ce qui n’était pas sans conséquences puisque 41 prisonniers attendaient leur jugement pour une durée indéterminée.

La session devait alors être présidée par le juge Assane Ndiaye. Au banc du ministère public, il devait y s les siéger avocats généraux El Hadji Gormack Tall et Antoine Diome, devenu patron de l’Agence judiciaire de l’Etat.

«Le motif d’ordre financier. Les moyens que la Chancellerie devrait mettre à la disposition de la Cour d’appel de Dakar, pour la prise en charge des magistrats composant la Cour et le personnel de sécurité, ne sont pas au rendez-vous.

Nous sommes obligés de reporter l’ouverture de cette session, en attendant l’obtention des moyens financiers. C’est une catastrophe de ne pas organiser cette session de Cour d’assises, avec ces accusés ayant attendu plus de quatre années.

C’est une déception profonde parce que les éléments de sécurité ont déjà été déployés. Le report va engendrer des conséquences néfaste, surtout à Ziguinchor, avec les difficultés liées à l’hivernage dans cette zone
», avait-il avancé, expliquant les raison de cette bouderie.

Cette alerte était pour faire éviter ce qui s’est passé à Tambacounda auparavant. Alors que 24 dossiers impliquant 48 prisonniers étaient inscrits au rôle, le boycott des avocats de la défense avait tout faussé.

Ces derniers n’avaient pas perçu les 200 millions francs Cfa représentant le fonds d’aide juridictionnelle que l’Etat alloue, chaque année, à l’assistanat judiciaire. Une situation qui a failli engendrer des émeutes à Tamba, de la part des familles des accusés qui s’insurgeaient contre les longues détentions.

Maintenant que Teliko tient les rênes de la magistrature, il faudra sans doute s’attendre à des rapports heurtés entre l’Exécutif et le Judiciaire. Ses priorités déclinées après son élection présagent déjà de ce sera le mandat, inscrit dans la dynamique de lutte pour l’indépendance de la Justice, la transparence dans la gestion des carrières des magistrats, l’amélioration de leurs conditions de travail, etc.

Depuis l’avènement du nouveau régime, l’Ums entretient souvent des rapports conflictuels avec le pouvoir, lesquels ont commencé avec la suppression du Fonds commun des magistrats et l’histoire des logements conventionnés sous le magistère de l’ex-ministre de la Justice, Aminata Touré.


Source: Walfadjiri