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Désarticulation de la politique de formation des enseignants au Sénégal : La voix des formateurs de la FASTEF

Rédigé par leral.net le Jeudi 21 Novembre 2013 à 11:16 | | 0 commentaire(s)|

Dans le souci de répondre à la demande d’éducation et de formation professionnelle, l’état sénégalais avait décidé, suite à la première Concertation Nationale sur l’enseignement supérieur en 1995, d’élargir la carte universitaire par la création de CUR selon les spécificités de leur terroir. C’est un tel esprit qui a prévalu à l’occasion d’une première mutation de l’Ecole Normale qui avait été conviée à « former selon ses capacités d’accueil et ses possibilités budgétaires ». L’Etat qui refusait alors de garantir l’emploi des formés n’avait pas attendu bien longtemps pour changer d’avis, reconnaissant en définitive que nul ne peut vouloir l’élargissement de l’accès, le maintien et la qualité sans admettre corrélativement la nécessité d’un recrutement conséquent d’enseignants convenablement formés.
La transformation de l’Ecole Normale Supérieure en faculté, enclenchée en 2002, fut parachevée par la loi n° 2008-40 du 20 août 2008 qui en a précisé les contours.
Aussi, l’exposé des motifs de celle-ci fait-il clairement ressortir la volonté du législateur en ces termes :
1°) ouvrir l’accès de la formation pédagogique au plus grand nombre :
- d’étudiants afin de former en nombre suffisant les professeurs et les inspecteurs de l’éducation dont a besoin le système éducatif sénégalais pour atteindre ses objectifs d’éducation pour tous en vue d’un développement durable;
- de personnels assurant des missions de formation et/ou d’encadrement dans leur secteur d’activité.
2°) - d’intégrer dans les missions de la faculté, l’enseignement et la recherche dans les disciplines fondamentales des sciences et des technologies de l’éducation.
La mise en œuvre des dispositions d’une telle loi ne pouvait avoir pour conséquence naturelle que la massification des effectifs de la FASTEF, une massification que les autorités du Ministère de l’Education ont toujours appelée et encouragée à travers des déclarations bien renseignées parmi lesquelles il est possible de citer selon un ordonnancement chronologique :
1. L’extrait de l’Etude de faisabilité des Centres Régionaux de Formation des personnels de l’Education (CRFPE).
« Au total, le pays doit s’assurer des capacités de promouvoir la formation initiale pour environ … 2000 professeurs chaque année pendant les cinq prochaines années. Entre 2010 et 2012, la FASTEF certifie en moyenne 1500 professeurs. En y ajoutant les besoins de formation de mise à niveau prioritaire (pour s’assurer que les enseignants peu qualifiés accèdent aux formations qu’ils auraient dû recevoir) la capacité de livrer de la formation devrait en effet être doublée. » (Source : Etude de faisabilité des Centres Régionaux de Formation des personnels de l’Education (CRFPE). Il est à noter que la Direction des Ressources Humaines du Ministère de l’Education qui, aujourd’hui, soutient une position autre, est corédactrice de cette Etude.
L’on notera par ailleurs que cette étude censée justifier la création des CRFPE a été finalisée en janvier 2012. Elle est paradoxalement bien postérieure à la création de ces structures par le décret n° 2011-625 du 11 mai 2011, portant création des CRFPE.)
2. Extraits de la lettre n° 00350 PM/CAB/CS/D.ND/bg
- « Il faut en ce qui concerne le moyen secondaire, procéder d’une part à la mutation des personnels enseignants (proviseurs, censeurs, principaux et adjoints dans les lycées et collèges) lors du mouvement national dont les assises sont prévues en septembre 2012 afin d’obtenir la situation des adjoints qui sont promus à des postes de responsabilité, d’autre part effectuer le recensement des sorties définitives (décès, démissions) et temporaires (détachement, disponibilité, mise en position de stage), pour enfin, en tenant compte des créations et extensions d’établissements, estimer les besoins réels en enseignants « craie en main »… Les besoins globaux ne peuvent excéder 1500 par an »…
- « En définitive, le décret n° 2007-1587 n’est pas appliqué dans le respect des crédits horaires sur les emplois du temps des enseignants »....
- « Par ailleurs, en rapport avec la mise en place des collèges de proximité, le système éducatif sénégalais a un besoin de plus en plus accru d’enseignants… La FASTEF a le rôle primordial à ce jour dans cette option » (Source : Extrait de la note du 08 mai 2012, référence de la lettre n° 00350 PM/CAB/CS/D.ND/bg adressée à monsieur Amadou KANE Ministre de l’Economie et des finances le 24 mai 2012, relative à la situation du département de l’Education Nationale.)
NB : L’on notera à ce niveau également, que la source bien identifiée est le «Bureau fichier unique et statistique /DRH/MEN » ; toujours la DRH qui, aujourd’hui, distille des informations et données contradictoires.

C’est simplement dire qu’en formant environ 15OO enseignants qualifiés et titrés la FASTEF n’a fait que se conformer à sa mission nouvelle, celle qui découle et de l’esprit et de la lettre des dispositions de la loi N° 2008-40 et des vœux diversement exprimés par le ministre utilisateur, c’est-à-dire le MEN. Il est donc faux de dire comme la DRH et le DFC, ou d’insinuer, comme le MFPE, que la FASTEF est à l’origine de la désarticulation du système pour avoir formé plus que de besoin ou pour n’avoir pas respecté des commandes ou des quotas.
La FASTEF, Etablissement Public créé au sein de l’UCAD, doté de la personnalité et de l’autonomie financière n’a, de ce point de vue, qu’une obligation : celle de se soumettre à la loi, la seule en vigueur qui lui commande non seulement « d’ouvrir l’accès de la formation au plus grand nombre » mais également d’assurer la formation initiale et continuée d’enseignants en cours d’emploi ( ce à quoi s’est efficacement consacrée la FAD/FASTEF qui vient d’inscrire la dernière génération de professeurs contractuels ou vacataires en vue de leur formation). C’est en cela que réside la différence entre la FASTEF et la défunte ENS qui était soumise au principe du quota préalable : l’Ecole Normale Supérieure recevait et formait des élèves fonctionnaires déjà attributaires de poste budgétaires.
DE 2002 à 2009, les diplômés de la FASTEF ont été recrutés en qualité de vacataires au même titre que les agents que le Ministère de l’Education et les académies recrutaient sans formation préalable. Ce n’est qu’en 2009, avec l’avènement du décret n° 2009-1297 du 19 novembre 2009, que les diplômés ont été dispensés des deux années de vacation. Ils sont directement recrutés en qualité de professeurs contractuels avec une possibilité de titularisation après au moins une année d’exercice, à condition de remplir la condition d’âge limite fixé à 35 ans, ce que semble ignorer le ministre de la fonction publique.
En conclusion, il serait possible d’affirmer que tous ces dysfonctionnements de nature à aliéner la cohérence du système sénégalais d’Education et de Formation en général et plus particulièrement des mécanismes de formation et de recrutement des enseignants découlent de mauvais choix stratégiques, engendrés par une culture de projets plus soucieuse d’intérêts particuliers, de calculs politiques que de cohérence systémique ou d’intérêt national. Pourquoi, en effet, la DRH et la DFC du MEN, estimant paradoxalement que la FASTEF produit plus d’enseignants que de besoin, se sont-elles accrochées, mordicus, à la création d’autres pôles de formations, les CRFPE, simplement susceptibles d’aggraver la situation relative aux effectifs ? Pourquoi, dans un tel contexte, commander la formation de plus de cinq cent professeurs supplémentaires à des universités qui, jusqu’à ce jour n’ont ni la vocation légale de former, ni celle règlementaire de délivrer les diplômes d’Etat requis. L’on retiendra dès lors que la désarticulation du système n’est imputable qu’à ceux qui, vaille que vaille ont créé les CRFPE et ont encouragé d’autres universités qui n’en ont ni la vocation légale ni la compétence, à former des enseignants. La FASTEF est en effet la seule structure habilitée par la loi à former et à délivrer des Diplômes d’Etat à des enseignants candidats à un recrutement en Fonction Publique : le CAECEM et le CAEM pour les professeurs de collège, le CAES pour les professeurs de lycée. Ce à quoi il convient d’ajouter qu’il est tout de même absurde de parler d’excédents en matière d’effectifs au moment où l’Etat paie 60 000F à 75000F aux professeurs déjà en fonction en contrepartie d’une surcharge horaire de 3heures par professeur.
Cette affaire est sérieuse : il s’agit réellement d’une question de bonne gouvernance. Et, pour relever les défis y relatifs, il convient impérativement de :
• respecter scrupuleusement les dispositions légales et règlementaires notamment :
- les dispositions de la loi n° 2008-40 portant création de la FASTEF à l’UCAD qui confère à la FASTEF les prérogatives en matière de formation initiale et continuée des personnels de l’enseignement moyen et secondaire avec un élargissement de l’accès ;
- les décrets portant organisation des diplômes de fin de formation à la FASTEF (CAES, CAEM et CAECEM) ;
• se conformer aux principes découlant de la hiérarchie de la norme juridique : le décret n° 2011-625 du 11 mai 2011, portant création des CRFPE et les arrêtés qui lui sont attachés ne peuvent pas remettre en question les dispositions de la loi ci-dessus référencée et attribuer à une structure rattachée à une inspection d’académie relevant du MEN plutôt que du MES des formations post baccalauréat.

L’Amicale des formateurs de la FASTEF
Dakar le 18 novembre 2013