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Vendredi 3 Février 2017

Dossier : ​Abdou Diouf, Abdoulaye Wade, Yahya Jammeh et Cie, que deviennent les Présidents africains battus aux urnes ?


Yahya Jammeh est désormais en exil à Malabo, en Guinée équatoriale. Villa tout confort et bolides de luxe devraient lui assurer une paisible retraite. Mais tous les chefs d’État africains battus aux urnes ont-ils choisi la même voie ?

Comment négocie-t-on, quand on a occupé un palais présidentiel pendant de nombreuses années, un retour à une vie plus normale ? Privilégie-t-on un repos plus ou moins mérité ? Utilise-t-on son expérience pour servir, encore, son pays ? Ou vogue-t-on vers d’autres cieux, régionaux ou internationaux, comme si, désormais, le territoire national ne suffisait plus ?

Jeune Afrique s’est penché sur la question en faisant le tour des destins « post-défaite » des anciens chefs d’État du continent, de Mathieu Kérékou à Yahya Jammeh. Ils sont au nombre de seize.



 
Yahya Jammeh est désormais en exil à Malabo, en Guinée équatoriale. Villa tout confort et bolides de luxe devrait lui assurer une paisible retraite. Mais tous les chefs d’État africains battus dans les urnes ont-ils choisi la même voie ?
 

Comment négocie-t-on, quand on a occupé un palais présidentiel pendant de nombreuses années, un retour à une vie plus normale ? Privilégie-t-on un repos plus ou moins mérité ? Utilise-t-on son expérience pour servir, encore, son pays ? Ou vogue-t-on vers d’autres cieux, régionaux ou internationaux, comme si, désormais, le territoire national ne suffisait plus ?
 
Jeune Afrique s’est penché sur la question en faisant le tour des destins « post-défaite » des anciens chefs d’État du continent, de Mathieu Kérékou à Yahya Jammeh. Ils sont au nombre de seize. 
 
Abdoulaye Wade
Sénégal
Mandat(s) : 2000-2012
Situation actuelle : Secrétaire général national du PDS
 

À 90 ans, Abdoulaye Wade, battu dans les urnes en 2012, continue de piloter à distance le Parti démocratique sénégalais (PDS), principale formation politique d'opposition, depuis un pavillon versaillais. Comme Abdou Diouf (battu dans les urnes en 2000) et Léopold Sédar Senghor (qui avait, lui, passé le relais), il a choisi la France pour y passer sa retraite.
 
Abdou Diouf
Sénégal
Mandat(s) : 1981-2000
Situation actuelle : Ancien secrétaire général de l’OIF, à la retraite
 

Lorsque Léopold Sédar Senghor, “père de la nation”, démissionne en 1981, c’est Abdou Diouf qui reprend les commandes du Sénégal. Après près de 20 ans au pouvoir - élu en 1983, puis réélu en 1988 et 1993 -, il est battu par l’opposant Abdoulaye Wade en 2000. L’héritier de Senghor ne ternit pas l’image de son mentor, il accepte sa défaite et se retire en France. L’Union africaine fait appel à lui pour de nombreuses médiations sur le continent. En 2003, soit trois ans après son retrait de la vie politique sénégalaise, Abdou Diouf est élu secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Et s’y maintient jusqu’en 2015, à l’issue de trois mandats.
 
Mathieu Kérékou
Bénin
Mandat(s) : 1972-1991 puis 1996-2006
Situation actuelle : Décédé après son retrait de la vie politique
 

Putschiste en 1972, Mathieu Kérékou dirige d’abord le pays d’une main de fer, n’hésitant pas à emprisonner, voire à abattre ses rivaux. Puis, l’autocrate convaincu s’assagit. Le “Caméléon” abandonne même le marxisme-léninisme qu’il avait érigé en idéologie officielle de l’État. Et il accepte une conférence nationale souveraine en 1990. Une première en Afrique. L’année suivante, Kérékou est battu à la présidentielle par Nicéphore Soglo. Mais il redevient président de la République cinq ans plus tard après avoir remporté démocratiquement le scrutin. Deux quinquennats plus tard, il se retire dans son village. Non sans avoir tenté, en vain, de prolonger son séjour au Palais de la Marina. L’ex-président meurt le 14 octobre 2015.
 
Denis Sassou Nguesso
Congo-Brazzaville
Mandat(s) : 1979-1992
Situation actuelle : Redevenu chef de l'État
 

Battu dans les urnes en 1992, Denis Sassou Nguesso quitte le pouvoir. Il y revient cinq ans plus tard à la suite d’une guerre civile, renversant ainsi le président élu Pascal Lissouba. Il est ensuite élu en 2002, réélu d’abord en 2009 et puis en 2016 à l’issue d’un référendum constitutionnel et d’un scrutin présidentiel controversé.
 
André Kolingba
Centrafrique
Mandat(s) : 1979-1982
Situation actuelle : Exilé, amnistié, candidat malheureux et aujourd'hui décédé

 
Auteur d’un coup d’État le 1er septembre 1981, le général André Kolingba organise des élections dix ans plus tard, sous la pression de la rue. Le verdict est sans appel : le président sortant arrive en quatrième position. En mai 2001, son nom est cité parmi les instigateurs d’une tentative de putsch contre le président Ange-Félix Patassé. Il s’exile alors en Ouganda. Il est amnistié en 2003 après avoir demandé pardon au peuple centrafricain pour ses erreurs. En 2005, il tente de nouveau sa chance à la présidentielle. Mais il termine troisième. Malade (il souffrait d’un cancer de la prostate), Kolingba meurt le 7 février 2010 à Paris. Il a alors 73 ans.
 
Nicéphore Soglo
Bénin
Mandat(s) : 1991-1996
Situation actuelle : Ancien maire de Cotonou et président d’honneur du parti Renaissance du Bénin (BN)
 

En 1996, Mathieu Kérékou, président candidat sortant cinq années plus tôt, signe sa revanche face à son successeur Nicéphore Soglo. Ce dernier accepte sa défaite avec fair-play. Fin 2002, il est élu maire de Cotonou. Poste qu’il occupera jusqu’en 2015. Aujourd’hui, à 82 ans, l’ancien président joue au sage patriarche. Fin janvier, il a réuni dans son domicile les parlementaires de son parti, Renaissance du Bénin (BN), qui sont en froid avec le chef de la formation politique et actuel maire de la capitale, Léhady Soglo, le fils de son père
 
Pierre Buyoya
Burundi
Mandat(s) : 1987-1993, 1996-2003
Situation actuelle : Sénateur à vie, haut représentant de l’UA pour le Mali et le Sahel

 
Six ans après sa prise de pouvoir par les armes en 1987, Pierre Buyoya organise le premier scrutin présidentiel libre au suffrage universel de l’histoire du Burundi. Mais le militaire et président sortant ne parvient pas à se faire élire. Il revient aux affaires trois ans plus tard à l’issue d’un nouveau coup d’État. À la faveur des accords d’Arusha, il passe les rênes du pays à Domitien Ndayizeye en avril 2003 pendant la période de transition. Candidat malheureux au poste de secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) en 2014, l’ancien putschiste, qui se considère comme un “réformateur”, endosse souvent le costume d’observateur électoral ou médiateur dans différentes crises en Afrique. En 2012, il est nommé Haut-représentant de l’Union africaine (UA) pour le Mali et le Sahel.
 
 
Manuel Pinto da Costa
Sao Tomé et Principe
Mandat(s) : 1975-1991, 2011-2016
Situation actuelle : Membre du bureau politique du MLSTP
 

Artisan de la lutte pour l’indépendance de São Tomé-et-Príncipe et premier président de l’archipel en 1975, Manuel Pinto da Costa plie mais ne rompt pas. À la mi-juillet 2016, il a été battu à l’issue de la présidentielle alors qu’il se présentait pour un second mandat successif. Une défaite qui n’est pas sans rappeler celles de 1996 et 2001, lorsqu’il essaya de revenir sur le devant de la scène politique après s’en être retiré en 1991. Mais cet ancien militant de l’indépendance n’a jamais abdiqué. À 79 ans, Manuel Pinto da Costa va-t-il enfin prendre sa retraite ? Rien n’est moins sûr. Pour l’instant, il conserve sa place de membre du bureau politique du Mouvement de libération de São Tomé-et-Príncipe (MLSTP), parti dont il est le fondateur.
 
Robert Gueï
Côte d'Ivoire
Mandat(s) : 1999-2000
Situation actuelle : Assassiné
 

Mauvais perdant à l’issue de la présidentielle de 2000, le général Robert Gueï refuse de reconnaître sa défaite face à Laurent Gbagbo. Mais, très vite, malgré une répression sanglante (environ 300 morts), la rue parvient à contraindre cet ex-chef de la junte à quitter le pouvoir. Il se retire alors dans son village de Gouessesso, dans l’ouest du pays, près de la frontière avec le Libéria. Sans s’effacer de la scène politique ivoirienne. Celui que l’on surnommait le “Père Noël en treillis” est assassiné le 19 septembre 2002, le jour d’un coup d’État manqué qui a entraîné la prise de contrôle d’une partie du pays par les ex-rebelles des Forces nouvelles.
 
Laurent Gbagbo
Côte d'Ivoire
Mandat(s) : 2000-2011
Situation actuelle : Détenu à La Haye
 

Malgré la certification des résultats par la mission onusienne en Côte d’Ivoire (Onuci), Laurent Gbagbo refuse de reconnaître la victoire de son rival Alassane Ouattara à l’issue du scrutin présidentiel du 28 novembre 2010. La crise post-électorale durera plus quatre mois, plongeant le pays dans le chaos, entre tirs d’obus et roquettes des éléments restés fidèles au président ivoirien sortant, bruit des bottes des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) de Guillaume Soro et frappes de l’Onuci et de la force française Licorne. Le 11 avril 2011, Laurent Gbagbo décide de se rendre. Inculpé et visé par un mandat d’arrêt international, l’ex-président est transféré fin novembre de la même année à La Haye. Il est depuis poursuivi devant la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes contre l’humanité.
 
Goodluck Jonathan
Nigeria
Mandat(s) : 2010-2015
Situation actuelle : Dans le collimateur de la justice
 

Officiellement, Goodluck Jonathan n’est pas en exil. Mais l’ancien président se fait rare au Nigéria depuis sa défaite à la présidentielle de fin mars 2015. Il a séjourné ces derniers mois en Côte d’Ivoire pour se “reposer”. Mais sa gestion du pays est de plus en plus décriée et des malversations financières massives pendant son règne ont été mises au jour. Ses proches sont interpellés au Nigeria. Pour ne rien arranger à son sort, vient s’ajouter une enquête de la justice italienne sur des soupçons de corruption lors de l’attribution d’un contrat pétrolier en eaux profondes aux géants pétroliers italiens ENI et anglo-néerlandais Shell, en avril 2011. L’ex-chef de l’État et Diezani Alison-Madueke, son ancienne ministre du Pétrole, auraient reçu 1,3 milliard de dollars de pots-de-vin dans l’affaire.
 
Moncef Marzouki
Tunisie
Mandat(s) : 2011-2014
Situation actuelle : À la tête du Mouvement du peuple de citoyens
 

Depuis sa défaite à la présidentielle de 2014 due à la perte du soutien des islamistes, Moncef Marzouki tente un retour en politique. Après avoir signé sa rupture avec le Congrès pour la République (CPR), parti qu’il a fondé, il lance la même année le Mouvement du peuple de citoyens, dont le programme reste obscur. À plusieurs reprises, il fait parler de lui, notamment pour avoir été empêché par les Israéliens de se rendre à Gaza. Mais ce sont surtout ses bourdes que les Tunisiens retiennent le plus. Dans une tribune parue dans le quotidien français Le Monde, il impute la responsabilité des attentats du 11-Septembre à ses compatriotes. Un comportement erratique et décalé qui l’éloigne des réalités de la Tunisie.
 
Joyce Banda
Malawi
Mandat(s) : 2012-2014
Situation actuelle : À la tête d'une fondation
 

Après quelques atermoiements, Joyce Banda cède son fauteuil à la suite de sa défaite au scrutin de mai 2014. Depuis, la première femme présidente du Malawi s’évertue plus dans les activités de sa fondation, la Joyce Banda Foundation International. Objectif : sensibiliser les leaders mondiaux à la cause féminine. L’ex-chef de l’État mène actuellement une “campagne en faveur de la réduction accélérée de la mortalité maternelle en Afrique” et est conviée à plusieurs forums traitant des questions du genre.
 
John Dramani Mahama
Ghana
Mandat(s) : 2012-2017
Situation actuelle : Dans le viseur des financiers de son successeur
 

Battu dans les urnes le 7 décembre 2016 par Nana Akufo-Addo, qui a remporté 53% des voix, John Dramani Mahama vient de céder son fauteuil présidentiel. Dans son dernier discours à la nation, il exhortait ses compatriotes à se rassembler derrière son successeur et se disait même heureux de quitter ses fonctions. Il ne devrait toutefois pas perdre de vue la politique, notamment au sein de son parti, d’autant qu’il aura sans doute à défendre rapidement son bilan : la nouvelle équipe du président ghanéen Nana Akufo-Addo vient d’annoncer qu’elle avait recensé 1,6 milliard de dollars de dépenses non comptabilisées par le gouvernement précédent.