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Doudou Ndiaye Rose, 80 ans, percussionniste: La légende !

A 80 ans, il a vécu plusieurs vies. Doudou NDiaye Rose, Chef tambour sans âge, est une fleur trop vite éclose sur son art. Portrait de celui qui a vécu en direct le premier Festival mondial des arts nègres. Une vraie légende !


Rédigé par leral.net le Samedi 18 Décembre 2010 à 21:00 | | 2 commentaire(s)|

Doudou Ndiaye Rose, 80 ans, percussionniste: La légende !
Un beau vieillard. Voilà ce qu’on dirait de lui, si on ne craignait pas de hâter la fin d’un percussionniste hors pair à la liberté contagieuse et d’avouer par là même que pour nous aussi, le temps passe et qu’on ne sait trop ce qu’on a fait de cette enfance qu’il a éclairée, égayée le samedi soir ou les images du générique de l’émission « télé variétés », qu’on voyait défiler sous nos yeux. L’âge venu, il lui reste le charme, la singularité… A 80 ans, Doudou Ndiaye Rose en fait dix de moins et semble installé dans sa spécificité, juste comme il faut : ni sur le bord du fauteuil ni tout au fond du trône. Ce pourrait être une pose, mais une certaine douceur fait que tout va de soi. L’emphase est retenue par la simplicité, et il n’y a guère que lui qui puisse dire avec naturel : « Je ne me juge pas par rapport aux autres. »
Celui à qui le Sénégal doit la musique de son hymne national, l’africanisation du défilé des majorettes lors de la fête de l’indépendance, doit-il rendre grâce aux gènes des parents dont il est issu ? Ou, le cap de la quarantaine doublement doublé, celui qui a défilé sur les Champs-Elysées avec ses batteurs, pendant le bicentenaire de la révolution française en 1989 peut-il être tenu pour responsable de son physique ? En tout cas, il continue à en imposer. Crâne rasé, sourire blanc d’un octogénaire non-fumeur, non-buveur, et vraiment pas querelleur. Regard clair. Un beau vieux. Encore que…. A l’abord, Doudou, vêtu d’un grand boubou bariolé et de probité candide, ne résiste pas au dur désir de plaire. Il dit : « il faut que vous buviez quelque chose, je ne veux pas que vous repartiez d’ici avec l’idée que je n’ai pas honoré la légendaire Téranga des griots. »
Le géant du tambour, hérite d’un menu fretin au troisième Festival mondial des arts nègres.
Celui qui propose au monde une musique moderne et inventive tout en restant fidèle à l’inspiration classique africaine. Celui qui est désormais perçu comme un véritable chef d’orchestre symphonique de musique classique et contemporaine. Cette sorte de Boulet de la percussion, qu’il dirige avec force précision, grâce et virtuosité de véritables symphonies au tambour éblouissant dans leur superposition de rythmes. Celui qui a été au cœur du dispositif de l’organisation du premier Festival mondial des arts nègres en 1966 a hérité, aujourd’hui, d’un menu fretin pour l’organisation du troisième Festival mondial des arts nègres : 20 minutes de prestation, lors de la cérémonie d’ouverture, avec 500 batteurs sélectionnés à travers les 14 régions du pays. Il se désole : « j’ai tellement de projets en tête concernant cet événement. Mais on ne m’a pas laissé le choix, et pourtant je peux tellement leur apporter en termes de conseils. Mais, je m’en arrête aux prérogatives qu’ils m’ont données. »
Le maestro baisse la tête, lentement à l’entame de ce discours. Le tempo est à l’engourdi balayé, l’humeur à l’estompe. Soudain, il vire du rouge au vert : le rire a effectivement sa part manifeste dans l’état général satisfaisant de l’intéressé. De l’appétit, voire du mordant ! L’histoire et les images du premier Festival des arts nègres lui reviennent à la figure : Vingt-quatre pays invités, spectacles vivants et exposition de 500 pièces d’« art nègre » venus du monde entier, et deux vedettes, le vieil empereur Hailé Sélassié et le musicien Duke Ellington. André Malraux, alors ministre de la Culture en France, a fait le déplacement. Il s’égosille : « pendant ce temps-là, il n’y avait presque pas de médias. J’étais au centre du dispositif communicationnel. Tous les jours, je parcourais un quartier de Dakar avec mon tam-tam, Bira Guèye son saxo et Mada Seck pour la chanson. On a expliqué aux populations la teneur et l’importance du festival. » Son Voyage autour du premier Festival mondial des arts nègres touche à un genre de prodige pneumatique. Il faudrait presque que le bonhomme en reste là, ravi dans la pose. Avant de tirer le rideau, il se désole : « les conteurs, tahkourane kat, tassoukat, lawanekat de ce pays devraient tous être associés à ce festival. Ce serait du gâchis de ne pas en profiter pour faire renaître notre culture. »
« Ma première paye s’élève à 4000 FCfa. Ce jour-là je croyais que j’étais millionnaire »
La vitrine ne paye pas trop de mine et l’intérieur aussi. La demeure de Doudou Ndiaye Rose située à Grand-Dakar sent le poids des ans. Avec ce mélange d’autorité et de truculence qui le caractérise, il règne en maître au milieu de son salon. Alangui dans un décor surdimensionné : de l’écran de télévision aux bouquets de fleurs en tissu en passant par le lustre, tout est gigantesque dans son salon. Doudou NDiaye Rose cache bien ses ardeurs. Un intérieur qui fleure bon sa bohème douillette et un farouche esprit d’indépendance. Il se dégourdit les jambes avant de s’installer au milieu d’un « capharnaüm » ordonné et de quelques photos oniriques au mur. Pour rire. Il sourit moins quand on exhume tel moment trouble de sa jeunesse. Le conte de fées, cet état de « zénitude » actuelle où tout ce qui advient n’est plus que « bonus », n’avait pourtant rien d’évident au départ. Il se rappelle : « mon père m’interdisait de jouer aux percussions bien que je sois griot. Il voulait que je fasse des études et je l’ai fait jusqu’à l’obtention du Cep ». Il a connu les frustrations et les errements d’un jeune de 9 ans qui a découvert sa passion et qui la refoule pour faire plaisir à son père.
1936. Tout menu, on devine le gamin dans les rues de Dakar, rêveur, le genre à pouvoir se nourrir de percussion et d’eau fraîche sans s’apercevoir qu’il fait déjà nuit dehors. Il dit : « le matin, le sac en bandoulière j’ai la ferme intention d’aller à l’école mais il suffit que j’entends le son d’une percussion, pour suivre le rythme jusqu’à oublier l’heure qu’il fait. » L’école primaire Faidherbe ne voyait son potache que dix jours en moyenne dans le mois. Malgré les nombreuses heures d’école buissonnière, il obtient le Cep en 1944, s’inscrit à l’école Pinet Laprade pour être tourneur. Le destin en décide autrement et en fait un plombier. Quatre ans plus tard Doudou Ndiaye sort avec un diplôme de plombier en poche. L’entreprise Laurent Bouille embauche l’ado de 14 ans. Il en fera son métier 40 ans durant. Le vieillard de 80 ans se rappelle son premier salaire, avec une pointe d’ironie sur la voie : « mon premier salaire s’élève à 4000 francs. Ce jour là je croyais que j’étais millionnaire. »
Il suivra les pas d’El Hadj Mada Seck avant de dépasser le maître et de devenir lui-même Tambour major.
Non sans pressentir cette part d’excitation enfantine qui l’entoure à l’instant, il recadre régulièrement son trop-plein de sensations et de sentiments et taquine ses 17 ans. Sa rencontre avec Mada Seck change son destin. « Après le travail, j’allais à la répétition de l’organisation du fanal. Alors je jouais un peu avec les percussions avant l’arrivée des batteurs. C’est en ce moment que Mada Seck m’a repéré et m’a fait savoir que je jouais bien. C’est ce jour-là qu’il m’a recruté » explique-t-il. Cette renaissance qui l’a amené à s’assumer en artiste éclairé, lui vaudra le courroux de son agent comptable de père qui ne supporte toujours pas que son fils soit percussionniste. Il suivra les pas d’El Hadj Mada Seck avant de dépasser le maître et de devenir lui-même Tambour major. Apprendre chaque rythme, chaque enchaînement, en connaître le sens et l’histoire. Ses shows commencent par un orage de percussions traditionnelles soutenant un rythme endiablé avant que n’arrive la vedette, la mise toujours recherchée, le geste gracieux. Rien à faire, Doudou Ndiaye Rose dégage une noblesse incontestable.
La relève est assurée
1959. Il se marie avec sa première épouse, dans la foulée, la fièvre des mariages le saisit : Doudou se remariera trois fois de suite : 1960, 1969, 1973. Les mauvaises langues lui prêtent une quarantaine de gosse. Il s’esclaffe : « ils ne sont pas venu à mes baptêmes ». Puis se ressaisit : La superstition l’interdit de dire le nombre de ses enfants, il avoue que depuis qu’il en parle, le malheur s’est abattu sur sa famille. Il confesse : « depuis que j’ai dit le nombre de mes enfants, certains sont morts d’autres paralysés. » Cependant, la relève est assurée. Doudou a tout appris à ses enfants « parce qu’il n’était pas question que l’on puisse piéger un NDiaye sur une question de percussion » et a eu des élèves par dizaines à travers le monde. Faisant fi de la tradition, le « vieux » a enseigné son art à ses filles et à d’autres femmes percussionnistes. Doudou N’Diaye a fait le tour du monde avec son sabar et sa baguette. Il a joué avec des percussionnistes japonais et un bagad breton. On lui a remis les clés de plusieurs villes françaises. (Repéré par Josephine Baker). Higelin, Lavilliers, Youssou N’Dour l’ont accompagné. Le fils unique de sa couturière de mère est au sommet de son art et n’en descendra, sans doute, jamais…sauf objection de la part de dame nature.
Ses gestes sont lents. Sa démarche tremblante, mais quand il parle de son art, son corps se tend et sa main frappe un tambour imaginaire. L’entretien fut trop court. Au bout de deux heures, la monstrueuse montre du « conseiller en communication » lui a dit : c’est fini, Doudou a un rendez-vous. Forcément, quand on prend une heure pour manger et régler des conflits familiaux, ça empiète… L’écume du jour se retire. Il se lève, marche clopin- clopant. Un geste d’inclinaison galante devant la vie, comme on dirait inclination, chapeau de planteur à la main. Il dit : « Je n’ai pas vu le temps passer. Le soleil s’est couché… » oui maestro, mais le soleil brillera toujours devant tant d’exploit …Chapeau bas !
Aïssatou LAYE
lagazette.sn

(Plus d'informations demain sur leral .net)


1.Posté par Dr FAlilou SENGHOR le 18/12/2010 22:36 | Alerter
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Folklore ou festival.

44 ans après le 1er Fesman organisé au siècle passé, le Sénégal en arrive à prétendre à assumer seul une telle parodie : il y a problème.

Nous sommes en train d'assister à un folklore cacophonique avec des concerts sans rapport avec l'art africain , encore moins avec le monde Noir.

Nul ne peut aujourd'hui parler du monde Noir sans impliquer les intellectuels de la diaspora africaine.

Au moment ou on devrait prétendre à des retombées intellectuelles, en termes d'idées novatrices, ces ladres spolieurs nous parlent d'illusoires conséquences financières.

Vive le Sénégal .

2.Posté par astou diouf le 19/12/2010 23:42 | Alerter
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Texte tres beau, emouvant et bien ecrit. Bravo Aissatou. Puisses-tu servir d'exemple a tes confreres.

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