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Dr Massamba Guèye, conteur: "Je suis convaincu que nous, intellectuels africains, sommes des névrosés culturels !"

Le Dr Massamba Guèye revient à ses premières amours. L’ancien directeur du Théâtre national Daniel Sorano a sorti un nouveau livre titré « L’or du sage, Alal Ji ». Il a organisé une séance de dédicace ce mardi au Goethe Institut. Une occasion que nous avons saisie pour échanger avec ce conteur hors pair qui a encore réussi son pari. Sans user de la langue de bois, il a livré ses avis sur la marche actuelle de notre société. Entretien avec celui que l’on surnomme « la bouche de l’Afrique ».


Rédigé par leral.net le Dimanche 22 Juin 2014 à 09:43 | | 1 commentaire(s)|

Dr Massamba Guèye, conteur: "Je suis convaincu que nous, intellectuels africains, sommes des névrosés culturels !"
Le Témoin – Dr, pouvez vous nous parler du sujet de votre dernier livre ?

Ce livre titré « Lor du sage Alal Ji » narre l’histoire de trois enfants qui sont des princes ayant décidé de terroriser tout un village. Ils effrayaient tout le monde même le doyen du village. Ils n’avaient aucun respect pour personne. C’est quand ils l’ont frappé pour la recherche de l’or qui pourtant n’existe pas qu’ils ont compris. En fait, en parlant d’or, il était surtout question de promouvoir certaines valeurs. Il est surtout question de se rapprocher de personnes d’un certain âge, plus expérimentées et de les écouter. En résumé, c’est tout cela la quintessence de cette histoire qui se passe dans un village dénommé « Barga Njool ». Cupides et a arrogants, ces trois enfants ont fini par tout perdre. Ils ont vu leur père et leur mère mourir. Ils ont même perdu leur dignité parce qu’obligés de quitter le village. En ne réussissant pas à préserver l’héritage et en quittant leur terroir, ces enfants-là ont fini par tout perdre.

Qu’est-ce qui vous a inspiré pour écrire ce livre ?

C’est parce que, à un certain moment, il y avait beaucoup de faits divers qui mettaient en scène des enfants de riches. Ils volaient des voitures nuitamment et étaient souvent mêlés à des scandales. Il y avait même des procès ou ils étaient impliqués très souvent. Je voulais mettre l’accent sur le rôle primordial de l’éducation car ce n’est pas parce qu’on est riche qu’on ne doit pas éduquer ses enfants. Ce n’est pas aussi parce qu’on est pauvre aussi que l’on ne doit pas éduquer ses enfants.

Vous accordez donc une place prépondérante à l’éducation ?

Je suis convaincu en tant qu’enseignant qu’un pays ne peut pas se développer sans disposer de gens bien éduqués. L’indiscipline que l’on voit dans la rue et la circulation découle de tout cela. C’est désolant de voir ces spectacles affligeants qui se passent dans la rue tous les jours. On ne respecte plus rien et chacun n’en fait qu’à sa tête. C’est parce que les gens ne sont pas éduqués que l’on voit ce genre de comportements déplorables.

Vous avez aussi magnifié la place de la femme dans la société, pourquoi?

Il faut savoir que la femme a toujours occupé une place de choix dans la société traditionnelle africaine. Je ne parle pas de la femme créée par les indépendances. Je parle de cette femme respectée et adulée qui est au cœur des décisions et ceci depuis Soundjata. Donc depuis le seizième siècle la femme africaine était au cœur de toutes les décisions. Quelqu’un a voulu effacer cela et il fallait rétablir la vérité des faits.

Vous avez aussi choisi d’écrire en français et en wolof, pourquoi ?

Jai écrit un livre bilingue pour essayer de réparer une injustice. J’ai remarqué que, lorsqu’un livre était entièrement écrit dans nos langues nationales, il n’était pas souvent considéré comme un bon ouvrage. C’est pour pallier cela que j’ai choisi d’écrire en même temps en français et en wolof. C’est aussi pour permettre à nos intellectuels d’apprendre à lire dans nos langues nationales. Avec l’espoir qu’il y’aura d’autres livres dans d’autres langues comme le Sérère, le diola etc.

Quelle est donc la morale de cet ouvrage ?

La morale de cette histoire se trouve dans la quatrième de couverture. Un adage wolof stipule que la meilleure richesse que l’ont peut donner à un enfant c’est une bonne éducation. Comme je le disais tantôt, aucun effort ne doit être de trop pour assurer à nos enfants une bonne éducation.

A vous entendre l’éducation doit occuper une place de choix dans nos sociétés.

Absolument ! C’est une denrée précieuse à préserver à tout prix. Souvent, on dit que lorsqu’un père de famille meurt et que sa famille est disloquée c’est parce qu’il n’a pas donné une bonne éducation à ses enfants. Parce que bien éduquer ses enfants c’est leur permettre d’être socialement bien intégrés. C’est leur permettre d’avoir un cursus intellectuel et social cohérent. Car, si on leur donne de l’argent sans leur fournir du savoir, ils vont finir par vendre de la drogue et faire des choses indécentes tout le temps.

Selon vous, un vrai problème d’éducation se pose ici. Où se trouve la défaillance à votre avis ?

Il s’agit vraiment d’une grande faille dans le système éducatif sénégalais et familial aussi. Dès l’âge de trois ans, l’enfant est abandonné et confié à l’école maternelle. Et si la famille confie toute l’éducation à cette école, on risque de voir toujours ces dysfonctionnements que je dénonce. A mon avis, c’est le système éducatif qu’il faut vraiment revoir dans toute sa globalité et aussi se pencher sur le système familial.

Vous disiez aussi tantôt que nous avons perdu nos repères et que nous ne sommes ni blancs ni noirs. Pourquoi affirmez-vous cela ?

Je suis convaincu que nous, intellectuels africains, sommes des névrosés culturels. Nous voulons vivre parfaitement à l’occidentale mais nous rêvons en tant qu’Africains. Il faut qu’on ait cette identité claire et propre d’Africain ouvert au monde. Nous ne pouvons pas avoir une culture hybride. Nous devons avoir une culture africaine fondée sur un enrichissement international.

On déplore souvent le fait que les enfants ne lisent plus, comment appréciez-vous cela ?

Les enfants ne lisent plus parce qu’ils n’ont pas d’ouvrages qui leur parlent. Ils se contentent de surfer sur Internet. Il faut donc essayer d’écrire des livres qui peuvent les intéresser et c’est mon combat de tous les jours. Il faut d’abord commencer par lire pour nos enfants et après, on va leur donner ce goût et cette bonne habitude.

Le Témoin