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Expliquez, encore expliquez, toujours expliquez !

Si on n’y prend garde, la campagne référendaire qui s’annonce est partie pour être virulente. Les nerfs commencent à être tendus. Les insultes et les dénigrements fusent de toutes parts et on a tendance à demander à la classe politique et notamment aux partisans du camp du Président Macky Sall d’adopter une autre attitude. En effet, on doit déplorer l’arrogance et la suffisance qui transparaissent dans leurs propos, toutes choses contre-productives. Pour rallier l’opinion à l’idée de voter en faveur de la réforme constitutionnelle du 20 mars 2016, ou à tout le moins pour permettre un bon taux de participation à cette consultation qui constituera un test important pour le régime de Macky Sall, il faudra plus des arguments que des insultes.


Rédigé par leral.net le Lundi 22 Février 2016 à 16:12 | | 0 commentaire(s)|

Expliquez, encore expliquez, toujours expliquez !
Rien ne peut expliquer que le président de l’Assemblée nationale défie son monde en servant du «maa tey» (Ndlr : «Je m’en fous») à des détracteurs qui lui reprocheraient d’avoir donné un avis favorable au maintien du septennat pour le premier mandat du Président Macky Sall (2012-2019). Le propos heurte d’autant qu’il vient de la bouche d’une personnalité politique qui incarne l’une des plus hautes institutions de la République. L’âge ne semble pas avoir assagi Moustapha Niasse, mais il ne doit pas perdre de vue que, ne serait-ce pour la bonne cause de son engagement, il devrait éviter de parler comme un vulgaire charretier. La manière de dire les choses est aussi importante.
D’autres responsables politiques, notamment des jeunes, Amath Diouf et Babacar Lô Ndiaye, qui officient comme des chargés de mission à la présidence de la République, se sont livrés à des diatribes contre les membres du mouvement Y’en a marre. Fadel Barro et consorts auraient eu le tort de pester contre la décision du chef de l’Etat de se conformer à l’avis délivré par le Conseil constitutionnel. A ces jeunes militants de l’Alliance pour la République (Apr), on doit conseiller d’expliquer, encore expliquer, toujours expliquer, plutôt que d’insulter. Une démarche explicative, pédagogique et argumentée devrait convaincre les jeunes de Y’en a marre. Pour avoir échangé avec certains d’entre eux, on peut comprendre leur déficit d’informations sur le processus et l’esprit d’élaboration des réformes institutionnelles préconisées. On peut également comprendre leur petite frustration d’avoir été, de tous les acteurs de la saga de 2012 qui était arrivée à bout du régime de Abdoulaye Wade, les seuls à ne pas être associés à la réflexion, encore moins à la conduite des affaires publiques. La position de Y’en a marre d’appeler à voter contre la réforme constitutionnelle semble définitive, mais à l’analyse, le camp de Macky Sall devrait s’en féliciter et ne pas s’en offusquer. Un vote négatif augmente d’une manière ou d’une autre le taux de participation alors que les «Y’en a marristes» sont bien conscients des limites de leurs capacités de mobilisation. De la même manière, il ne faudrait pas répondre aux insultes de Idrissa Seck de Rewmi par des insultes. A chacune de ses sorties, Idrissa Seck fait étalage d’une certaine aigreur qui altère son discours et le discrédite. On se convainc de plus en plus du caractère épidermique des déclarations de Idrissa Seck contre Macky Sall. Les personnes qui appelleront à voter «Non» au référendum devront trouver leur place et toute leur place dans la campagne référendaire. Les organes publics de communication sociale devront leur faire de la place pour l’expression de leurs opinions. Le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (Cnra) devra veiller à cela. On augure cependant que la tâche sera difficile pour établir un mécanisme d’équilibre.
Les responsables du Parti démocratique sénégalais (Pds) ne voudraient pas se sentir concernés par la tenue du référendum. C’est leur droit qu’il faudra respecter. Il y a lieu de relever qu’une telle posture peut paraître absurde de la part d’une formation politique qui envisage de revenir au pouvoir dès la prochaine élection présidentielle et qui affirme ne pas être concernée par un référendum qui va organiser la vie publique. Il est vrai qu’en cas d’abstention massive, le Pds pourra mettre la désaffection des électeurs à son crédit, prétendant que son mot d’ordre de boycott aura été largement suivi. Seulement, il convient de souligner qu’il aurait été difficile pour le parti de Me Wade de voter «Oui» ou «Non» au référendum du 20 mars prochain. Lourde serait la responsabilité politique du Pds d’appeler à voter en faveur d’une réforme constitutionnelle préconisée par Macky Sall. Ce serait revenir sur sa position de nihilisme absolu manifestée depuis 2012. A l’opposé, le Pds qui avait fait revenir le septennat de manière cavalière en 2008 ne pourrait pas reprocher à Macky Sall de faire un mandat de sept ans. Aussi, le Pds qui revendique la position de chef de l’opposition, taillée sur mesure pour celui qu’il désignera comme son premier responsable, ne pourrait pas voter contre l’adoption de l’institutionnalisation d’un tel statut et se mettre à en profiter. Il sera plus facile à Abdoulaye Wade ou peut-être à un Karim Wade de jouir du statut du chef de l’opposition politique si son parti ne crache pas dessus en votant expressément contre le projet. Il s’y ajoute que le Pds serait malvenu de reprocher à Macky Sall d’avoir suivi l’avis exprimé par le Conseil constitutionnel sur l’applicabilité immédiate au mandat en cours de la réduction du mandat du président de la République. On se rappelle qu’en 2012, Me Abdoulaye Wade avait déposé sa candidature controversée à la présidence de la République pour avoir suivi un «avis consultatif» du Conseil constitutionnel qui, cette fois-là, était caché aux Sénégalais. Le Conseil constitutionnel estimait que la disposition limitant à deux le nombre de mandats successifs du président de la République avait été adoptée postérieurement (Constitution de 2001) à l’entrée en vigueur du premier mandat (2000-2007) et donc, ne saurait régir une situation juridique et politique antérieure. En dépit de la vigoureuse contestation par de larges milieux politiques et sociaux, le Conseil constitutionnel resta dans sa logique et accepta la candidature de Abdoulaye Wade pour la Présidentielle de 2012. La jurisprudence demeure et n’importe quel juriste admettra qu’une «analyse par analogie» justifierait l’attitude de Macky Sall. Tout comme une analyse juridique «a contrario», car il ne viendrait à l’esprit de personne de demander à Macky Sall de ne pas suivre l’avis du Conseil constitutionnel si le chef de l’Etat l’avait consulté pour rallonger son mandat à 8 ans par exemple et que le Conseil constitutionnel lui disait que cela n’était pas possible.
Le Président Sall, pour éviter le syndrome Wade, a décidé de rajouter dans le texte final qui sera soumis au référendum une disposition transitoire précisant que son premier mandat (2012-2019) est bel et bien compris dans la limitation des mandats (voir l’édition du journal Le Quotidien des 20 et 21 février 2016).