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Faty Ly, zoom sur la designeuse sur céramique sénégalaise

Rédigé par leral.net le Mardi 20 Juin 2017 à 13:04 | | 0 commentaire(s)|

Entretien avec Faty Ly, artisan-designeuse sur céramique installée à Dakar, fondatrice de la marque éponyme depuis 2015.

 

Sa matière de prédilection, l’argile. Son matériau: la céramique. Son univers: l’art de la table. Sa signature: l’Afrique contemporaine. Faty Ly, 47 ans, est une esthète, une amoureuse de son pays natal et de sa culture.

Si elle est arrivée à travailler la céramique par curiosité, en assistant à la fin des années 90, une potière burkinabé à qui elle passait commandes, elle s’est vite prise de passion pour la technique.

A ses côtés, la néophyte d’alors apprend progressivement à tamiser l’argile, à modeler, créer les finitions ou encore à participer à la cuisson des pièces.

Aujourd’hui, le processus de fabrication d’une pièce en terre cuite n’a plus de secret pour elle. Attirée depuis toujours par les portraits d’époque rendus célèbres par quelques pontes du genre comme Mama Casset ou Meissa Gaye, elle se met à dessiner et à rendre à son tour hommage à la femme sénégalaise à travers une première collection d’assiettes.

Entretien avec une créative qui a su conjuguer art et artisanat, transformer la matière pour l’anoblir et donner naissance à des pièces à la fois utilitaires et décoratives.

A tel point que ses créations sont aujourd’hui distribuées dans des concepts stores et boutiques hôtels: de New York à Lagos, en passant, bien sûr, par Dakar mais aussi Abidjan.

Faty Ly
Service de table Nguka Faty Ly

Expliquez-nous le rapport que vous entretenez avec ce matériau, la céramique ?

J’étais vraiment happée par le processus de fabrication d’une pièce en terre cuite. Le virus est né de là. On passe des heures à travailler sans voir la journée passer. Le côté apaisant de l’argile me plait énormément.

Par ailleurs, c’est un matériau qui rend humble. On peut fabriquer une pièce magnifique, gigantesque, y consacrer énormément de temps, pour finalement s’apercevoir, à la cuisson, que la pièce a un défaut, une fissure ou qu’elle est cassée.

Quelles ont été les étapes déterminantes de votre parcours qui vous ont conduit à lancer votre propre marque ?

J’ai commencé par le travail de l’argile rudimentaire à la fin des années 90. Puis ma passion pour la photographie et le dessin m’a amenée à travailler la technique d’impression sur porcelaine, ce qui a vite débouché – un peu par hasard – sur des impressions (en noir, bleu, jaune etc.) sur assiettes.

Je me suis rendue à Stoke-on-Trent, la capitale britannique de la céramique pour concrétiser le projet. De retour à Dakar, j’ai présenté mon travail dans le cadre de plusieurs événements.

Il y a eu un réel engouement du public. On m’a suggéré de créer un service à thé, de table… C’est de cette manière que je me suis lancée dans la confection du service de table complet, en me rendant à Limoges pour fabriquer mes pièces. En 2015, je créais ma marque.

Faty Ly
Collection Nguka

Vous faites le pont entre art et artisanat. Vous considérez-vous plutôt designeuse ou artisan ? L’artisanat étant un métier majoritairement exercé par les femmes en Afrique depuis toujours…

Mon parcours est tel que je valorise l’artisanat. Le savoir-faire pour moi est très important, raison pour laquelle je suis passée par Limoges. Tandis que le design va servir à répondre aux besoins du public, d’où l’art de la table, mais aussi les luminaires.

Faty Ly
Pounding Light – Faty Ly

J’essaie de déterminer les besoins des gens. Parfois ils viennent eux-mêmes vers moi, et je crée des pièces sur-mesure.

Enfin, il y a l’approche artistique qui passe par l’expression de choses en lien avec mon héritage culturel. Les trois aspects sont complémentaires.

Justement, l’Afrique est le sujet principal de vos pièces. Quelle image du continent avez-vous envie de transmettre à travers vos créations ?

Une image contemporaine de l’Afrique, parce qu’il s’y passe beaucoup de choses. Je suis rentrée au Sénégal il y a 7 ans, et je n’ai jamais vu autant de marques naître chaque jour.

Je veux participer à cette Afrique contemporaine tout en m’inspirant de mon héritage culturel. Ma collection de service de table Nguka met en avant des portraits de femmes sénégalaises, tandis que ma collection d’assiettes à dessert B… Comme Baobab représente l’arbre emblématique du Sénégal… Je me sens chargée d’une mission, celle de puiser dans mon patrimoine culturel.

faty Ly
Collection C… Comme Baobab – Faty Ly

Votre positionnement est haut de gamme : qui est votre clientèle ?

Je fabrique des produits de luxe, donc je m’adresse à une clientèle de niche, aisée. Elle atteint les 10% en Afrique. J’espère un jour pouvoir répondre aux besoins des 90% restant. Il s’agit principalement d’une clientèle locale.

Quels sont vos projets ?

Aujourd’hui, je travaille seule dans mon atelier à Dakar, en collaboration avec la manufacture de Limoges qui retranscrit mes croquis sur la porcelaine.

J’espère un jour pouvoir ouvrir une petite fabrique de céramique pour me lancer dans une production semi-industrielle et locale. C’est mon rêve. J’aimerais me concentrer sur la forme des pièces – les techniques d’impression sont trop complexes et doivent passer par des manufactures européennes ou aisatiques – et embaucher des jeunes femmes issues des écoles de formation en céramique du Sénégal.

J’aimerais me perfectionner dans l’impression en 3D. Cette technique permet de créer des formes complexes, difficilement réalisables à la main. L’imprimante 3D simplifie le processus de fabrication, et permet de créer des séries limitées facilement.

fatyly.com