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Gambie - Déposition de Nogoy Ndiaye devant la Haute Cour de Justice : Comment Solo Sandeng, Fatoumata Jawara, fatou Camara et elle-même ont été torturés…

Ousainou Darboe et ses codétenus étaient une nouvelle fois, ce lundi, devant la Haute Cour de justice qui leur refuse toujours la liberté sous caution. Une séance marquée par la déposition sous serment de la détenue Nogay Njie (Ndiaye), appelée entre autres à témoigner sur le cas Solo Sandeng, jusque-là absent du tribunal et déclaré mort par ses partisans, alors que la police refuse toujours de confirmer l’information.


Rédigé par leral.net le Mercredi 18 Mai 2016 à 16:07 | | 0 commentaire(s)|

Gambie - Déposition de Nogoy Ndiaye devant la Haute Cour de Justice : Comment Solo Sandeng, Fatoumata Jawara, fatou Camara et elle-même ont été torturés…
Dans cette déposition publiée en exclusivité par le site gambien «freedomnewspaper», la militante de l’UDP raconte comment elle a été arrêtée et comment elle s’est retrouvée au siège de la NIA où elle a fait l’objet de tortures morales et physiques. Elle raconte aussi les tortures et humiliations infligées à Solo Sandeng, tout comme à Fatoumata Jawara et Fatou Camara, tous arrêtés comme elle, lors de la manifestation du 14 avril 2016, deux jours avant Ousainou Darboe et le autres responsables de l’UDP.

«Le 14e jour d’Avril 2016, j’ai décidé de me rendre à Banjul pour obtenir des médicaments pour ma mère qui souffre de diabète et d’hypertension. J’ai pris un taxi et suis descendu au rond-point de Westfield pour prendre un autre taxi allant à Banjul, lorsque j’ai vu un groupe de personnes au niveau dudit rond-point. J’ai reconnu l’un d’eux, Ebrima Solo Sandeng. Je lui ai demandé ce qui se passait, et il m’a dit qu’ils réclamaient des changements. Je lui ai demandé s’ils faisaient ça dans la rue et il a répondu, oui. Après, j’ai acheté une bouteille d’eau à côté et demandé à un jeune garçon de me trouver une place dans l’un des taxis qui vont à Banjul.
Contre toute attente, des agents de l’unité d’intervention de la police (PLU) sont venus me frapper au dos, disant que je fuyais. Alors que j’étais sur sur le point de leur expliquer pourquoi j’étais là, l’un des agents, que je peux identifier facilement, a commencé à me battre. Il m’a alors demandé de monter dans un camion qui se trouvait à proximité. Je lui ai demandé : « qu’est-ce que j’ai fait pour monter dans le camion ? Je ne peux pas monter ». Alors des agents m’ont fait monter de force dans le camion et avec d’autres, on a été conduit au siège de PIU à Kanifing. A l’arrivée, on nous a fait descendre du camion et amené dans une pièce. J’étais la première à être sortie de la salle et on m’a mis les menottes. J’ai été alors conduit directement au siège de l’Agence nationale de renseignements (NIA). On m’a emmenée au siège de la NIA dans une voiture double cabine, avec en cabine avec un certain Modou Ngum en compagnie de deux officiers de la PIU. A notre arrivée à la NIA, deux autres voitures étaient là. L’un des véhicules pick-up avait à bord Ebrima Solo Sandeng, tout seul. Le troisième transportait Ebrima Jabang et Kafu Bayo.
Nous étions tous menottés. Ils nous ont pris en photos. Par la suite, un homme que je ne connais pas, mais qui se faisait appeler James au siège de la NIA, m’a demandé en Wolof : « Quel parti politique vous soutenez? » Je lui ai répondu: «je ne sais pas ce que je fais ici. Vous devriez me demander mon nom et ce qui m’a amené ici». Il m’a alors demandé » Qu’est-ce qui vous a amené ici ?». Et je lui ai dit : » Je ne sais pas « . Il me dit alors « vous ne savez pas maintenant, mais quand nous aurons fini avec vous, vous saurez»

«Ici, soit vous dites quelque chose de clair ou nous allons vous montrer que nous avons bu plus de poivre que vous»

Il m’a amené alors dans une pièce, a appelé une dame, et on m’a demandé d’enlever mes vêtements pour qu’elle m’examine. Je leur ai demandé ce qu’ils recherchent, puisque d’autres officiers de la NIA, y compris James étaient également dans ladite chambre. L’un d’eux répondit qu’ils étaient à la recherche des choses que je portais au rond-point Westfield. Je leur ai dit que je n’avais rien, sauf mon argent que j’ai perdu quand on me mettait dans le camion.
J’ai enlevé tous mes vêtements sauf mes dessous et une fouille corporelle a été effectuée sur moi par une dame. Elle m’a demandé si j’avais des ceintures de perles et autres. Je lui ai répondu par l’affirmative. Je commençais à les enlever quand James a demandé à la dame d’utiliser un couteau pour les couper. Quand la dame a coupé les ceintures de perles, on m’a demandé d’enlever mes boucles d’oreilles et on m’a emmenée dans une autre pièce, puis une autre. Dans la troisième salle où j’ai été conduite, j’ai trouvé deux hommes et une femme là-bas. On m’a demandé mon nom et d’où je venais. On m’a alors demandé si j’étais un partisan de l’APRC ou de l’UDP. Je leur ai dit que je n’étais pas là pour ça. Un homme de teint clair et très musclé est entré dans la chambre et m’a dit: «Ici, soit vous dites quelque chose de clair soit nous allons vous montrer que nous avons bu plus de poivre que vous ‘ », tout en plaçant son doigt sur la face supérieure de sa tête comme pour mimer un geste.
On m’a ensuite demandé ce que je sais à propos de la question qu’on m’avait posée et je lui ai dit : « Je ne sais rien à ce sujet. »
L’homme de teint clair revint juste en ce moment dans la chambre et encore une fois a répété sa déclaration antérieure. Il est reparti, puis revient avec James. Ce dernier m’a demandé de le suivre. je l’ai fait et sur le chemin nous avons rencontré un jeune homme et je suis partie avec lui.

« Ici, vous pleurerez jusqu’à ce que votre bouche déchire et personne ne vous entendra »

« J’ai suivi le jeune homme et nous sommes arrivés à un bâtiment peint en blanc et j’y ai vu quelques personnes dans une chambre en bas. Le jeune homme leur dit alors: «elle est ici». Quand je les ai regardés, ils étaient entièrement vêtus de noir portant des cagoules noires et des gants. Tout ce que je pouvais voir, c’était leurs yeux. J’ai commencé à avoir très peur et dès que j’ai crié, ils m’ont entourée et m’ont attrapée, mis une corde autour d’une de mes jambes et l’ont tiré et serré. Par la suite, je suis tombé. Je résistais et luttais avec eux pour éviter que mon autre pied ne soit lié.
Je me suis accroché à un agent nommé de la NIA Sheikh Omar Jeng qu’on appelle monsieur Jeng qui était présent. Je lui ai demandé de m’aider pour que je ne sois pas tuée et il leur dit : «Laissez-la, je vais l’amener, partez ». Ils m’ont laissé et ont attendu à côté pendant que j’étais assis au bas de l’escalier de la bâtisse, se tenant sur Sheikh Omar Jeng, lui demandant de m’aider afin qu’ils ne pas me tuent pas. Il m’a alors tiré vers le haut et est reparti avec moi. Et les hommes en masque ont commencé à crier qu’ils n’accepteront pas cette absurdité de Sheikh Omar Jeng et qu’il devrait leur permettre de me prendre. L’un d’eux m’a ensuite pris la main. Il a appuyé tellement fort sur mon doigt qu’il se brisa. Mon doigt est encore enflé et je n’ai reçu aucun traitement médical. Après cela, l’un d’eux me dit alors : » vous irez ou non » ? Et je dis : » Oui, mais j’ai peur de vous». Un autre dit: «Ne perdez pas de temps parce que beaucoup d’autres doivent venir». Ils se sont jetés sur moi et ont essayé d’enlever mes vêtements. J’ai résisté, mais ils ont tiré mes vêtements qui se sont déchirés. Je suis resté nue. Il ne me restait qu’un petit pagne que je portais sous mes vêtements.

«…Des vieillards qui étaient assis sur les bancs, ont commencé à me taper derrière me demandant si j’avais des perles autour de ma taille et je leur ai dit de demander ça à leurs épouses»


Ils m’amenèrent alors dans un bâtiment ayant plusieurs pièces et m’ont fait asseoir sur le sol. On m’a demandé d’entrer dans l’une des chambres, puis l’un d’eux m’a dit: « Ici, vous pleurerez jusqu’à ce que votre bouche se déchire, mais personne ne vous entendra ». Dans la chambre on a trouvé trois hommes à l’intérieur; tous entièrement vêtus de noir avec des cagoules noires et des gants. On m’a demandé de me coucher sur une table et quand je l’ai fait, ils ont commencé à me battre pendant une longue période. Probablement pendant environ une heure, mais je ne peux pas dire combien d’heures ça a duré. Mon corps entier a été endommagé et je saignais. Soudain, j’ai entendu des gens dans la chambre voisine, criant le mot «excuse». Une porte attenante a été ensuite ouverte et on m’a poussé dans la pièce voisine. A l’intérieur, je voyais plus de 10 hommes en civil, y compris James. Et de là, j’ai été déplacée dans la pièce suivante à travers une porte communicante ‘
Dans cette pièce, j’ai trouvé quelques hommes âgés assis autour sur des bancs. On m’a demandé mon nom et d’où je venais. Je le leur ai dit. Ils m’ont ensuite demandé quel parti politique je soutiens et j’ai répondu encore une fois que je n’étais pas là pour ça. Ils ont ensuite dit qu’ils ont besoin de savoir. Je leur ai dit que je suis un partisan de l’opposition. On m’a demandé lequel des partis politiques et je leur ai dit « UDP ». Les vieux hommes ont alors dit qu’ils veulent que je vienne dans leur propre parti. Je leur ai demandé quel était leur parti. Ils ont dit : « le parti de Yaya Jammeh. ». Je leur ai dit alors : « comme ça, vous êtes membres du parti de Yaya Jammeh ?». Ils ont répondu «oui». Je leur ai dit alors :«vous me battez sans pitié et maintenant vous voulez que je rejoigne votre parti». L’un d’eux qui était de teint noir, me dit: «Vous nous avez vu avec des fouets ? Nous ne vous avons pas battu ». Je leur ai rétorqué: « Vous savez qui m’a battu et d’où l’ordre de me battre est venu. Vous avez donné des ordres pour qu’on me batte ». .
Le vieil homme m’a alors demandé de suivre James hors de la salle. En même temps, ils ont commencé à me taper derrière me demandant si j’avais des perles autour de ma taille et je leur ai dit de demander ça à leurs épouses. James et le vieil homme m’ont emmené dans une petite cellule qui puait l’urine. Ils ont appelé un jeune homme de taille courte et lui ont demandé d’ouvrir la cellule qui était fermée à clé. La cellule ouverte, j’ai été poussée à l’intérieur où j’ai pris place auprès des hommes qui étaient à l’intérieur. J’y ai trouvai Modou Ngum, Kafu Bayo et Ebrima Jabang.
Nous nous sommes assis pendant environ 5 minutes, puis ils nous ont amené Ebrima Sandeng Solo. Ils l’avaient déjà battu. Son corps était tout enflé et il avait des douleurs atroces. Je lui ai demandé de venir plus près de moi, loin de la zone qui puait l’urine. Et comme il était posé à plat-ventre sur le sol, je me suis baissée et j’ai commencé à lui masser la tête et le corps. Son corps saignait de partout. Puis il a commencé à dormir. Quelques minutes plus tard, à peine cinq minutes, la cellule a été ouverte et que quelqu’un a appelé Solo. Il se réveilla et répondit. On lui a demandé de sortir de la cellule et a été emmené. Et quelques instants plus tard, j’ai entendu des cris. J’ai reconnu la voix de Solo qui criait.


«J’ai vu Solo à plat-ventre sur le sol, violemment battu et saignant abondamment. (…). Ils ont alors commencé à me frapper avec des tuyaux et des matraques flexibles tout en versant de l’eau sur moi. (…). Après le passage à tabac, je ne pouvais pas me lever»


Trois hommes, dont James sont revenus à la cellule. Ils m’ont appelée et m’ont demandé de sortir. Ce que je fis. Un quatrième homme, très dur et grand qui avait un foulard noué autour de la tête, m’a amené. En fait, c’est celui qui était prendre Solo. Il a tenté de bander mes yeux et j’ai résisté en lui disant qu’il faisait nuit et donc il n’avait pas besoin d’attacher mes yeux. Il me dit alors qu’il ne voulait pas que je sache où il m’amenait. Je lui ai dit que ça ne valait pas la peine, parce que ceux auprès de qui il m’amenait, j’allais de toute façon les voir.
Comme nous nous éloignions de la cellule, je vis une table dans un espace ouvert entouré de sept hommes dont trois ont été entièrement revêtus de cagoules noires et portaient des gants. Ils m’ont mis sur la table. Je leur ai dit que je suis un être humain comme eux et que j’avais l’âge de leurs mères. Sans m’écouter, ils me demandent de me coucher sur la table, mais j’ai refusé.
Là, j’ai vu alors Solo couché à côté de la table, à plat-ventre sur sur le sol, violemment battu et saignant abondamment. Je me suis mise alors à crier le nom de Dieu et appeler Solo. En fait, à ce moment-là, je pensais qu’il était mort. Il n’a pas répondu à mon appel. Je vis alors sa tête se déplaçant d’un côté à l’autre.
Ils ont alors commencé à me frapper avec des tuyaux et des matraques flexibles tout en versant de l’eau sur moi. Je portais toujours mon court pagne. Je suis tombée, mais ils ont continué à me battre et à demander pourquoi je mentionnais le nom de Dieu. J’ai de nouveau crié le nom de Solo, mais il n’a pas répondu. Il était complètement nu. Le passage à tabac a continué jusqu’aux premières heures du matin du 15 Avril 2016. Pendant les intervalles de passages à tabac, ils me demandaient pourquoi je soutiens l’opposition et quand je répondais, ils utilisaient leurs deux mains pour me taper sur mes deux oreilles simultanément.
Après le passage à tabac, je ne pouvais pas me lever. Les gens qui me battaient, tous habillés en noir, sautaient autour de moi comme des singes et vu la puanteur qui se dégageait, je crois qu’ils étaient très drogués. Deux hommes de chaque côté, me transportèrent, puis l’un d’eux leur a demandé de me laisser. Ils m’ont alors laissé tomber à terre. Pendant ce temps, ils avaient ramassé Solo et l’avaient porté derrière le bâtiment et on pouvait l’entendre gémir, alors qu’ils avaient recommencé à le battre. J’ai essayé de me lever, mais ils m’ont giflé à nouveau simultanément sur les deux oreilles. Puis le vieil homme qui avait accompagné James pour me mettre dans la cellule dit aux gars : «Laissez-la, ne la tuez pas». Mais le gars s’écria : laissez-moi, ceci est mon travail ». Un différend se pose alors entre eux et les autres sont intervenus pour les calmer. Les mêmes hommes qui, auparavant, m’avaient porté, l’ont fait à nouveau. Ils m’ont amené dans une salle ouverte, comme un salon, où j’ai trouvé Fatoumata Jawara et Fatou Camara. Je leur ai demandé si elles ont également été amenées à la salle après avoir été battus. Elles m’ont dit oui. Plus tard ce jour-là, trois moutons ont été amenés dans les locaux et donné à ces hommes. Ils ont abattu les moutons et ont fait un barbecue, dans la joie et la célébration.

«Le docteur a dit à monsieur Jeng que si nous sommes touchées à nouveau, ils seront responsables de tout ce qui nous arrivera. A ce moment toutes les trois, aucune d’entre nous ne pouvait marcher»

Le lendemain, ils nous ont apporté des matelas éponge pour qu’on se couche dessus. Un peu plus tard Fatoumata Jawara s’est évanouie et Fatou Camara a eu des problèmes de respiration. Je les ai alors tirées vers moi et commencé à pleurer. Je leur ai demandé d’être courageux. Il y avait un jeune homme à la porte près de là où nous étions.
Le jeune homme a ensuite appelé Sir Jeng pour lui dire que nous ne nous sentons pas bien. Et monsieur Jeng a, à son tour appelé le docteur Sanyang qui est venu nous chercher. Après quoi, il a dit à monsieur Jeng en notre présence, que j’ai l’hypertension artérielle et le diabète alors que Fatou Camara avait des problèmes de respiratoires et Fatoumatta Jawara a également eu un problème médical. Ledit docteur a aussi dit à monsieur Jeng que si nous sommes touchés à nouveau, tout ce qui nous arrive, ils seront responsables. A ce moment tous les trois, aucune d’entre nous ne pouvait marcher.

Sheikh Omar Jeng (Sir Jeng) avec l’aide des autres, nous a emmenés à la clinique située dans le siège de la NIA et on nous a enfermé là-dedans. Le médecin lui a prescrit des médicaments pour nous et de la crème pour guérir nos blessures. Ils ont commencé à nous donner des médicaments ainsi qu’à nous masser avec de l’eau chaude, avec l’aide de quatre femmes qui nous gardaient. Ce jour-là les agents de la NIA ont reçu une vache pour cuisiner et se divertir. Un repas a été fait et on nous a envoyé un bol, mais nous avons refusé de manger la nourriture.
Après une semaine on nous a donné des vêtements de la par monsieur Jeng. C’est ce que nous portons maintenant, parce qu’ils avaient arraché tous nos vêtements. Il nous a dit qu’il a beaucoup de sympathie pour nous tous. Il a en outre déclaré qu’il était responsable de la NIA, mais les instructions pour nous torturer, venaient d’en haut et en tant que tel, il ne pouvait rien faire à ce sujet. J’ai pu lui dire : «Vous êtes le patron ici et des gens ont été mis dans votre maison pour nous torturer. Ce que vous dites est très bizarre. Si c’est le cas, alors vous êtes inutile ici. »
Après, nous étions pris en charge et ils ont commencé à nous traiter gentiment comme un enfant qu’on a battu, puis on lui offre des bonbons ou des biscuits pour l’amadouer.
Après être resté à la clinique pendant plus d’une semaine, nous avons été transférées dans une cellule au NIA et ensuite emmenés à Mile 2, la prisons centrales et amené au tribunal le 4 de mai 2o16. Ebrima Solo Sandeng n’a cependant pas été portée devant les tribunaux.


Déclaration sous serment par NOGOI NJIE