L’homme qui vient de nous quitter faisait partie de la première génération d’officiers de la gendarmerie nationale après avoir crapahuté et acquis ses premiers grades sous l’armée coloniale. Car le colonel Massar Diop a commencé par le bas, comme homme de troupe, avant de gravir les échelons par la force du poignet et grâce à son mérite ainsi qu’à son travail opiniâtre. Et ce jusqu’à parvenir au sommet de la hiérarchie de la gendarmerie nationale. Il ne lui restait qu’à porter les étoiles aux épaulettes pour que son bonheur fût complet. Hélas, Dieu en a décidé autrement. Et lorsqu’un autre que lui a été choisi, en 1991, pour présider aux destinées de la gendarmerie nationale alors qu’il était l’officier le plus ancien au grade de colonel, il choisit dignement de démissionner et de se consacrer à ses propres affaires. Entre autres, il avait monté une agence de gardiennage dont la gestion lui a donné bien du fil à retordre ces dernières années. Entre les multiples augmentations de salaires consenties par les autorités, les sociétés contractantes qui refusaient de revoir à la hausse les sommes qu’elles lui payaient, l’indiscipline de certains de ses agents qui ne reconnaissaient plus l’autorité, il se plaignait bien souvent, refusant cependant de mettre la clef sous le paillasson pour ne pas jeter dans la rue ces pères de famille. Et pourtant, Dieu sait que cette société ne lui rapportait presque plus rien ! Il m’en parlait souvent, et lorsque je lui demandais « mais pourquoi ne laissez-vous pas tomber, mon colonel ? », il me répondait : « Et que vais-je faire de tous ces gens ? »
Tel était le colonel Massar : serviable au point de se faire du tort à lui-même. C’était un grand homme, un seigneur, toujours impeccablement vêtu, bien mis de sa personne, élégant et altier. La première fois que j’ai entendu parler de lui, j’étais stagiaire au « Soleil », au début des années 80. Des confrères évoquaient cet officier de gendarmerie qui fumait des cigares sur lesquels étaient marquées ses initiales ou portait des chemises griffées avec les lettres « MD » comme Massar Diop. Qui conduisait de belles voitures et qui aimait la vie. Bien que gendarme dans l’âme, c’était aussi un dandy. Jusqu’à sa mort, il l’est resté en ce sens que l’homme accordait un soin particulier à sa mise. Elégant dans le port, élégant dans le propos.
Et pourtant, il a fait ses classes à la dure, dans les rangs de l’armée française où il a subi son bizutage et trimé dur. Engagé en mai 1954, il obtint le CAT (Certificat d’aptitude technique) 1 le 5 août 1955 avant de passer caporal l’année suivante. Puis il gravit les échelons : caporal-chef, sergent le 1er juillet 1958. Le 1er août 1960, il est reversé dans la nouvelle armée sénégalaise. En 1961, avec le grade de sergent-chef, il est admis à l’école militaire interarmes de Coëtquidan. Après un stage d’application à Saint-Maixent, il réussit le concours d’entrée à l’école des officiers de gendarmerie. Pour la petite histoire, c’est à ce moment-là que son chemin, du moins professionnel, se sépare de celui de son grand ami Abel Ngom qui avait effectué le même parcours que lui jusque-là et qui, à partir de là, choisit de continuer dans l’Armée alors que lui, optait pour la gendarmerie.
C’est le 1er septembre 1964 qu’en tant que jeune officier, il commence sa carrière active dans la maréchaussée par un détachement au ministère de l’Intérieur comme chef des services de la sécurité. En 1967, il est commandant de la compagnie de Thiès puis dirige l’escadron mobile de la garde présidentielle un an plus tard. En 1970 et 1972, il commande respectivement les compagnies de ce qui était alors la région du Fleuve puis de la Casamance. Après son Dagos obtenu en 1975, il commande successivement l’école de gendarmerie, la légion de sécurité et la division coordination de l’Etat-major.
Retour au ministère de l’Intérieur en 1981, avec le grade de lieutenant-colonel cette fois-ci et en position hors rang puisqu’il est nommé à la tête de l’Administration pénitentiaire. Le 1er juillet 1983, il passe colonel. Ce sera son bâton de maréchal, le grade avec lequel il quitte la gendarmerie nationale qu’il a contribué à créer.
Le ministre des Forces armées a rendu hommage à « un chef exigeant et humain, aimé de ses hommes, un officier apprécié de ses supérieurs pour sa compétence, son sérieux dans le travail et sa droiture. Un camarade respecté par ses pairs, ayant toujours fait montre d’un comportement digne. Un homme qui avait le sens inné de l’amitié, était très sociable et toujours prêt à rendre service ». Le Dr Augustin Tine a aussi salué « un homme de devoir, fidèle à ses convictions et en amitié ».
Le colonel Massar Diop, c’était un homme avec qui on ne se lassait jamais de discuter tellement il connaissait de près les grands moments du Sénégal indépendant. Des moments dont il a été bien souvent un acteur privilégié. Avec le « Témoin », il entretenait un lien particulier qui s’est accentué à partir du jour où il a donné sa propre nièce en mariage à notre ancien collaborateur Malick Bâ. Ce jour-là, c’est votre fidèle serviteur qui avait eu l’honneur de lui demander la main de la fille. C’était dans le domicile du doyen Félix Sanchez au Point E.
Autant de choses qui font que cette disparition du colonel Massar Diop nous a beaucoup peinés. En cette douloureuse circonstance, toute la rédaction du « Témoin » présente ses condoléances attristées à sa famille et prie Dieu pour qu’Il l’accueille dans son saint paradis. Que cette terre de Tivaouane qu’il aimait tant, et où il repose désormais, lui soit légère.
Mamadou Oumar Ndiaye
« Le Témoin » N° 1110 –Hebdomadaire Sénégalais ( JANVIER 2013)
Tel était le colonel Massar : serviable au point de se faire du tort à lui-même. C’était un grand homme, un seigneur, toujours impeccablement vêtu, bien mis de sa personne, élégant et altier. La première fois que j’ai entendu parler de lui, j’étais stagiaire au « Soleil », au début des années 80. Des confrères évoquaient cet officier de gendarmerie qui fumait des cigares sur lesquels étaient marquées ses initiales ou portait des chemises griffées avec les lettres « MD » comme Massar Diop. Qui conduisait de belles voitures et qui aimait la vie. Bien que gendarme dans l’âme, c’était aussi un dandy. Jusqu’à sa mort, il l’est resté en ce sens que l’homme accordait un soin particulier à sa mise. Elégant dans le port, élégant dans le propos.
Et pourtant, il a fait ses classes à la dure, dans les rangs de l’armée française où il a subi son bizutage et trimé dur. Engagé en mai 1954, il obtint le CAT (Certificat d’aptitude technique) 1 le 5 août 1955 avant de passer caporal l’année suivante. Puis il gravit les échelons : caporal-chef, sergent le 1er juillet 1958. Le 1er août 1960, il est reversé dans la nouvelle armée sénégalaise. En 1961, avec le grade de sergent-chef, il est admis à l’école militaire interarmes de Coëtquidan. Après un stage d’application à Saint-Maixent, il réussit le concours d’entrée à l’école des officiers de gendarmerie. Pour la petite histoire, c’est à ce moment-là que son chemin, du moins professionnel, se sépare de celui de son grand ami Abel Ngom qui avait effectué le même parcours que lui jusque-là et qui, à partir de là, choisit de continuer dans l’Armée alors que lui, optait pour la gendarmerie.
C’est le 1er septembre 1964 qu’en tant que jeune officier, il commence sa carrière active dans la maréchaussée par un détachement au ministère de l’Intérieur comme chef des services de la sécurité. En 1967, il est commandant de la compagnie de Thiès puis dirige l’escadron mobile de la garde présidentielle un an plus tard. En 1970 et 1972, il commande respectivement les compagnies de ce qui était alors la région du Fleuve puis de la Casamance. Après son Dagos obtenu en 1975, il commande successivement l’école de gendarmerie, la légion de sécurité et la division coordination de l’Etat-major.
Retour au ministère de l’Intérieur en 1981, avec le grade de lieutenant-colonel cette fois-ci et en position hors rang puisqu’il est nommé à la tête de l’Administration pénitentiaire. Le 1er juillet 1983, il passe colonel. Ce sera son bâton de maréchal, le grade avec lequel il quitte la gendarmerie nationale qu’il a contribué à créer.
Le ministre des Forces armées a rendu hommage à « un chef exigeant et humain, aimé de ses hommes, un officier apprécié de ses supérieurs pour sa compétence, son sérieux dans le travail et sa droiture. Un camarade respecté par ses pairs, ayant toujours fait montre d’un comportement digne. Un homme qui avait le sens inné de l’amitié, était très sociable et toujours prêt à rendre service ». Le Dr Augustin Tine a aussi salué « un homme de devoir, fidèle à ses convictions et en amitié ».
Le colonel Massar Diop, c’était un homme avec qui on ne se lassait jamais de discuter tellement il connaissait de près les grands moments du Sénégal indépendant. Des moments dont il a été bien souvent un acteur privilégié. Avec le « Témoin », il entretenait un lien particulier qui s’est accentué à partir du jour où il a donné sa propre nièce en mariage à notre ancien collaborateur Malick Bâ. Ce jour-là, c’est votre fidèle serviteur qui avait eu l’honneur de lui demander la main de la fille. C’était dans le domicile du doyen Félix Sanchez au Point E.
Autant de choses qui font que cette disparition du colonel Massar Diop nous a beaucoup peinés. En cette douloureuse circonstance, toute la rédaction du « Témoin » présente ses condoléances attristées à sa famille et prie Dieu pour qu’Il l’accueille dans son saint paradis. Que cette terre de Tivaouane qu’il aimait tant, et où il repose désormais, lui soit légère.
Mamadou Oumar Ndiaye
« Le Témoin » N° 1110 –Hebdomadaire Sénégalais ( JANVIER 2013)