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Hommage à Serigne Sam Mbaye 14 MARS 1998 - 14 MARS 2017 : La bravoure intellectuelle (Par M. Mamadou Gaye Saam)

Rédigé par leral.net le Mercredi 15 Mars 2017 à 13:42 | | 0 commentaire(s)|

Dire même que Serigne Sam était un intellectuel c’est avouer irréversiblement que la mer contient suffisamment d’eau dont on ne pourrait quantifier avec exactitude. Ayant essentiellement été préoccupé par les activités de l’esprit, le Cheikh s’est paré de toutes les qualités nécessaires qui font l’apanage d’un intellectuel, si et seulement si, nous nous référons à la définition d’un intellectuel donné par un certain nombre de penseurs et philosophes voire certains dictionnaires.

Nous jugeons nécessaire de définir le terme avant même de démontrer l’intellectualité du Cheikh vu que le terme est un peu mal employé de nos jours jusqu’à ce que certains même en abusent. 

Un intellectuel est- celui qui se consacre aux activités ou choses de l’esprit pour mener à terme une production rationnelle en vue de servir la communauté. L’intellectuel est donc animé par la cause commune qui fait de lui le digne défenseur incontesté de sa communauté. C’est sans doute ce que notre Cheikh a bien compris en défendant la communauté islamique de toute menace et hostilité intérieure comme extérieure qui pourrait l’affaiblir. Ceux qui sont habitués à écouter ses causeries peuvent se rendre à l’évidence. Comme il l’a dit au cours d’une conférence « le marabout ou guide spirituel doit savoir toujours l’origine des mutations, leurs causes et conséquences et il devrait aussi être capable d’apporter des solutions ».[[1]]url:#_ftn1

Aussi est-il que Serigne Sam, de par son intelligence, son ouverture d’esprit, sa parfaite maîtrise des sciences (exotériques comme ésotériques), sa profonde connaissance de l’Occident et ses stratégies à anéantir l’islam et les musulmans par diverses manières, a su éveiller son auditorat à un tel point qu’on ne saurait mettre en cause son intellectualité. 

Animé par le sentiment de bien faire et d’unifier la communauté islamique, Serigne Sam, à travers ses conférences, a pu traiter des thématiques aussi nombreuses que variées. En effet, il a soulevé des questions contemporaines qui préoccupent la Umma en y apportant des réponses plus que satisfaisantes basées sur la science religieuse et sociale, la bonne gestion de la cité et des choses publiques, bref sur les enseignements du Sceau des Prophètes, Muhammad (Paix et Salut sur Lui).

Cette manière de défendre et d’avertir sa communauté face à la corruption du temps, la dégradation des valeurs, la mendicité… en les exhortant, à la crainte de Dieu, à suivre les enseignements du Prophète (P.S.L), au travail, à la bonne conduite, la décence, la générosité, la pudeur, l’unité, l’entre-aide … a fait de notre Cheikh un intellectuel hors pair. Force est de reconnaitre qu’également son courage d’idées et ses analyses pertinentes défiant toute compétence et ambition ont fait de Serigne Sam un contemporain qui vit toujours parmi nous même s’il n’est plus de ce bas monde. C’est peut-être dans cette optique que la définition d’un intellectuel trouve tout son sens quand on nous renseigne qu’ : 

« Un intellectuel est une personne dont l'activité repose sur l'exercice de l'esprit, qui s'engage dans la sphère publique pour faire part de ses analyses, de ses points de vue sur les sujets les plus variés ou pour défendre des valeurs… et qui dispose d'une forme d'autorité. L'intellectuel est une figure contemporaine distincte de celle plus ancienne du philosophe qui mène sa réflexion dans un cadre conceptuel » [[2]]url:#_ftn2

De cette définition, on y voit clairement l’intellectualité de notre Cheikh tant décrit plus haut. Aussi, a t-il défendu des valeurs morales, civiques, bref islamiques qui ne sont que des valeurs tant enseignées par le Prophète (P.S.L.). C’est ce qui fait que son autorité et sa témérité intellectuelle lui confèrent une place importante parmi les grandes figures contemporaines de l’histoire de l’islam au Sénégal. De cet acabit, Serigne Sam reste un temple non seulement du savoir mais également d’un homme de Dieu doté d’un courage intellectuel irréversible qui inspire toute une génération. Ce qui nous rassure davantage c’est que notre Cheikh nous a laissé un héritage prolifique vue la dimension de son œuvre et l’universalité de sa pensée.  

Son rôle dans la société, en tant qu’intellectuel ne se limitait pas non seulement à son verbe, mais aussi son action comme le dit l’adage anglais « actions speak louder than words » (les actions sont plus parlantes que les paroles). Sa manière d’agir avec pragmatisme et discrétion par son autorité place notre Cheikh au rang des serviteurs les plus distingués de la communauté. Combien de conflits sociaux a t-il réglés ? Combien de relations humaines en voie de rupture a t-il raffermies ? Voilà ce que la société attend d’un intellectuel, cela constitue sa quintessence.

En outre, une autre dimension de la hardiesse intellectuelle de Serigne Sam se résulte sur la manière dont il a défendu le Tasawwuf ou Soufisme malgré toutes les controverses suscitées à son sujet et toutes les persécutions que certains soufis ont subies. Au moment où certains oulémas pensent que le Soufisme est une innovation religieuse (bida), notre Cheikh admet bien qu’il n’en est rien car le Soufisme est une partie de l’Islam si nous admettons que la religion est composée de trois parties qui sont l’Iman (la foi), l’Islam (la soumission totale à Dieu) et Ihsan (la bonne conduite ou perfectionnement spirituel). En d’autres termes, on peut dire que l’iman, Islam et l’Ihsan, les sciences qui les étudient sont respectivement Tawhid, Fiqh et Tasawwuf.

Tel est le point de vue de notre Cheikh et plusieurs ulémas et ‘ârif bi‘llah’ (gnostique en Dieu) qui l’ont précédé. Et cela est aussi reconnu par beaucoup d’autres ulémas contemporains. Il avait même l’habitude de dire que Sharia (jurisprudence) et Haqqiqa (soufisme) sont indissociables. Il ne peut y avoir de jurisprudence sans soufisme et vice versa, c’est comme le recto et le verso d’une même feuille de papier. Comme il l’a toujours dit, le soufisme est partie prenante de l’islam  comme l’est la grammaire dans la langue (française, arabe anglaise etc.). C’est dans cette perspective qu’il avait cité les vers de Cheikh Ahmadou Bamba rapportant les propos du grand maître Imam Malick (que Dieu soit satisfait de lui) qui disait que : 
« Celui qui applique le "fiqh" et fait fi du soufisme est un véritable fripon. Il faut le savoir. Celui qui fait l'inverse, est un "zindîq" (hérétique), affirme-t-on.   Mais qui arrive à réunir les deux, (le "fiqh" et le "tasawwuf") est un beau modèle ; il faut suivre son exemple » [[3]]url:#_ftn3

Telle était la position de Serigne Sam. Cela démontre combien il a été constant par rapport à ses opinions et analyses ; une manière d’illustrer également qu’il n’avait pas de limites dans les sciences. Très versé dans la jurisprudence islamique et le  soufisme, notre Cheikh s’est fait distinguer des autres ulémas et gnostiques en Dieu. Ce  qui a fait de lui non seulement un intellectuel mais également un grand homme de Dieu d’une classe exceptionnelle. Etant gnostique, il a toujours su niveler ses productions intellectuelles à un tel point que tout un chacun peut en puiser à foison.

Aussi, est cette connaissance suprême des mystères de la religion d’autant plus que vraie que sa vigueur intellectuelle demeure incontestée. Cela est d’ailleurs attesté par beaucoup d’hommes de Dieu et Sufis de notre époque. C’est ce qui fait Serigne Mountakha Mbacké  témoigner que « Serigne Sam était un homme de Dieu, un homme de science qui avait des connaissances (ma’rifat) approfondies de la religion ».[[4]]url:#_ftn4  

Une autre dimension du courage intellectuel de notre Cheikh peut se justifier par sa position sur l’affaire Salman Rushdie, l’écrivain britannique d’origine indienne suite à la publication de son livre satirique The Satanic Verses (les Versets Sataniques) en 1988. Dans ce livre, l’auteur émettait des idées blasphématoires en vers l’Islam et la personne de Muhammad (P.S.L.). Ce qui avait fait l’objet de violentes réactions dans certains pays musulmans comme l’Iran, le Pakistan et même l’Angleterre où l’auteur était sous garde policière.

Les menaces de mort et interdictions de publications dans certains pays s’exécutaient jusqu’à ce que l’Ayatollah Khomeiny, le guide spirituel chiite et chef de la révolution iranienne de l’époque lança une fatwa (décret religieux musulman) de mort contre Rushdie. Ainsi, il ordonna à tout musulman d’exécuter non seulement Rushdie mais également les éditeurs et toute personne ayant possédé le livre.

C’est ainsi qu’il avait promis une récompense de 200 millions de rials (21 500 dollars USD) pour tout Iranien exécutant la sentence de mort et 70 millions de rials (7 500 dollars) pour un musulman d'une autre nationalité.[[5]]url:#_ftn5
Quant à Serigne Sam, son opinion vis-à-vis de cette affaire a été réfléchie, pertinente sage et basée sur les préceptes de l’Islam. Notre cheikh avait émis l’idée selon laquelle au lieu de payer cette somme pour tuer l’auteur de cet ouvrage, il serait plus préférable de prendre cet argent pour en organiser des colloques, symposiums, conférences ou débats intellectuels entre Rushdie et des oulémas musulmans  pour lui faire revenir à la raison . Ce serait plus tolérant et de surcroit une manière de montrer comment l’islam est une religion de tolérance, d’ouverture d’esprit, de dialogue interreligieux et d’antiviolence.[[6]]url:#_ftn6  

Cette constance dans sa démarche intellectuelle montre à tel point Serigne Sam a averti les musulmans face aux caractéristiques de la fin des temps. Une manière de dire qu’il n’a jamais tergiversé face à une question ou mass‘alla les plus difficiles voire un piège pour mesurer ses connaissances. Il faut aussi reconnaitre d’une part, qu’au-delà de sa dimension intellectuelle, notre Cheikh s’était paré, d’autre part, de belles qualités morales telles que l’intégrité et la pudeur faisant de lui un intellectuel modèle qui marquera toujours des générations jusqu’à la fin des temps.
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M. Mamadou Gaye Saam
Professeur d’Anglais, Lycée de Diamniadio
Doctorant, chercheur au département d’Anglais, UCAD
77 911 88 67- 70 723 25 70/ mamadougaye78@gmail.com
 
 
[[1]]url:#_ftnref1 Conférence, Mujadid tenue à Mbacké Baol en 1987
[[2]]url:#_ftnref2 http://fr.wikipedia.org/wiki/Intellectuel consulté le mercredi 04 février 2015 à 21h 30.
[[3]]url:#_ftnref3 Propos du Grand Imam Malick rapportés par Cheikh Ahmadou Bamba dans MASAALIK-UL JINAAN (Les Itinéraires du Paradis) traduit par Serigne Sam MBAYE, vers 87, 88 et 89 p.
[[4]]url:#_ftnref4 Baay Sam l’Universel, un documentaire de Touba Medias, produit en 2011.
[[5]]url:#_ftnref5 Information recueillie à travers http://fr.wikipedia.org/wiki/les versets sataniques consulté le samedi 07 février 2015 à 11h 13
[[6]]url:#_ftnref6 Nous tenons ces propos de Mame Cheikh Mbaye, calife de Serigne Saam