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Ibrahima Bakhoum (journaliste enseignant) : « Aujourd’hui, la capacité de nuisance de la presse est sous contrôle»


Rédigé par leral.net le Mardi 11 Avril 2017 à 16:09 | | 0 commentaire(s)|

Ibrahima Bakhoum (journaliste enseignant) : « Aujourd’hui, la capacité de nuisance de la presse est sous contrôle»
Les contenus reflètent deux choses au moins : d’abord l’état d’indigence des entreprises de presse, ce qui limite leur capacité de recrutement de journalistes pouvant justifier d’un certain background dans les domaines pouvant intéresser un public exigeant en matière d’informations.

Ceci découlant de cela, les mêmes entreprises ne peuvent recruter en nombre. Cela amène à mobiliser les mêmes journalistes sur tous les terrains, pour tous les sujets.

Ajouté à l’impératif de parution au rythme d’une publication quotidienne, le reporter (jeune pour la plupart des journaux) n’a ni temps ni assez de recul pour une production de qualité. Il est vrai que le côté passe-partout peut offrir au jeune journaliste une opportunité pour se faire la main, densifier son réseau de sources par l’enrichissement de son carnet d’adresses et renforcer ses capacités en rapport avec la diversité des sujets abordés.

Ce sont là autant de facteurs à prendre en compte dans l’appréciation du travail des médias. Il y en a d’autres, dont ceux liés à l’ambiance dans les entreprises, notamment quand les plus jeunes ne se sentent pas rassurés par des pratiques qu’ils découvrent ou suspectent chez ceux qui sont supposés leur servir d’exemples en matière de respect de la déontologie.

2). Qu’est-ce qui est en cause pour expliquer cette situation ?
Convenons avant d’aller plus loin, que les femmes et hommes des médias sont plus exposés à la critique, parce que plus sollicités par les publics. Il y a une relation psychologique assez paradoxale qui fait que, de par sa fonction, le journaliste est en promesses permanentes sans toujours savoir ce qu’il promet et le public en attente permanente mais ne sait pas toujours ce qu’il attend.

C’est à quelques heures du bouclage que l’essentiel des contenus est rassemblé dans les quotidiens. Le journaliste s’engage à aider à comprendre des faits dont il ne maîtrise en amont, ni la nature, ni le lieu encore moins la date de survenue.

Les angles de leur traitement peuvent rendre les évènements d’intérêt si volatil, que le journaliste peut laisser une impression de légèreté. C’est encore plus vrai quand des quotidiens se veulent kleenex pour la consommation de publics qui, en plus de ne rien savoir des conditions de production, se contentent des appels à la UNE et de revues de presse hurlées à longueur de JP, pour s’autoriser une journée de massacre sur le dos des professionnels de l’Information.

3). Y a-t-il comparaison possible entre la presse sous Abdoulaye Wade et celle qui fonctionne sous Macky Sall ? Si oui, à quels niveaux ?

Pas vraiment. Le Président Abdoulaye Wade avait été desservi par sa naïveté à penser que l’alternance de 2000 signait un mariage durable entre le nouveau Pouvoir et des médias certes, moins nombreux qu’aujourd’hui, mais qui trouvaient dans l’action politique d’un opposant charismatique, les moyens d’offrir autre chose que l’information édulcorée voire quasi exclusivement à la gloire du Prince. Son discours peu audible dans les supports de communication dits du Service public, Wade l’opposant avait trouvé oreille attentive dans la presse dite « indépendante ».

Arrivé au Pouvoir, il a tardé à réaliser que le champ médiatique avait évolué. De là naquirent les crises et incompréhensions exacerbées par l’intrusion d’intérêts inavoués qui ont creusé le fossé pour des objectifs autres que le seul souci d’informer. Quand il a cherché à créer ses propres Titres, c’était oublier que la presse partisane clairement identifiée, n’avait plus prise sur les publics.

Le Pouvoir sous le Président Macky Sall est une continuité des mauvaises pratiques dans l’audiovisuel public. C’est plutôt dans les relations avec la presse non étatique, que les autorités post 2012 ont beaucoup appris des erreurs de leurs prédécesseurs. Elles ont fait le choix de l’entretien de l’existant à la place de nouvelles créations. Le résultat n’est peut-être pas valorisant pour les professionnels du secteur, mais la commande n’en est nullement gênée puisque la capacité de nuisance est sous contrôle.

4). Si vous deviez attribuer une note concernant le degré d’indépendance de la presse, quelle serait-elle sur une échelle de 1 à 10 ?

Ne confondons pas Presse indépendante et Presse privée. Pour la note, je passe. Mes étudiants me trouvent déjà trop dur quand je leur présente leurs copies corrigées. Déjà impopulaire auprès des postulants, je veux m’offrir un peu de répit auprès des pratiquants (rire). Ces derniers savent ce qu’ils peuvent et veulent faire. Si cela n’est pas une forme d’indépendance, il y a quelque part, pari perdu.

5). Quelle mesure/suggestion préconisez-vous pour que les choses soient à l’endroit ?

Je laisse la réponse à la profession et à ses membres. Ils ont suffisamment de ressources et savent ce qui est bien pour eux. J’encourage et soutiens l’autorégulation, et j’appuie les initiatives de co-régulation Cnra/Cored.

Source : Momar Dieng Impact.sn

Ndèye Fatou Kébé