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Idrissa Seck, un silence tactique

Le sens commun se réfère souvent au silence : « Le silence est d'or », « Les grandes douleurs sont muettes »... ; les musiciens connaissent la valeur du silence, comme, sur un autre plan, certains ordres religieux. Dans l'absolu, portant, le silence n'existe pas. Toute proposition qui prétend établir le contraire relève du mythe pur et simple. John Cage le dit en termes clairs : « II n'existe pas de silence absolu ». Cette vérité prend plus d’épaisseur en politique où les postures visent, le plus souvent, des objectifs de communication.


Rédigé par leral.net le Lundi 11 Mai 2015 à 08:00 | | 0 commentaire(s)|

Idrissa Seck, un silence tactique
Idrissa Seck avait provoqué un cataclysme politique le 25 mars 2013 avec son fameux « Rewmi doxul ». Ses alliés de l’Apr, pris au dépourvu, avaient usé d’armes de destruction massive pour canarder les positions de l’ancien Premier ministre. Pris sous le feu nourri du parti présidentiel, Rewmi, le parti d’Idrissa Seck a fortement vacillé perdant au passage « ses » ministres au gouvernement et ses principaux responsables. Oumar Guèye, Pape Diouf, Me Nafissatou Diop (celle que l’ancien maire de Thiès appelait « Nafissa », la précieuse en arabe), Youssou Diagne, et beaucoup d’élus locaux ont rejoint le parti au pouvoir.

Le 25 mars 2013, Idrissa Seck a parlé. Trop vite. Révélant, au passage, ses intentions. « Qui parle se révèle » dit l’adage. Dans le camp du pouvoir, on a compris que le président du Conseil départemental de Thiès a commencé à débroussailler le chemin qui mène à la présidentielle de 2017 et on a mis en œuvre un plan pour affaiblir Rewmi et contenir les ambitions d’Idrissa Seck. Les coups sont rudes.

Au-delà du débauchage des militants et responsables rewmistes, les arguments développés par le parti au pouvoir visent décrédibiliser le patron du parti orange en le faisant passer pour un « aigri », un « homme traumatisé » par la victoire du président Macky Sall, un politique dont le rêve de devenir le quatrième président de la République du Sénégal a été contredit par les électeurs et par le président Sall.

Accusant le coup, Seck préfère s’adosser à la fidélité des « plus endurants » et ne désespère pas de franchir la ligne d’arrivée avec ces derniers. Depuis, il a changé de fusil d’épaule. Ses sorties se font très rares. Son silence pesant. La parole est un fardeau et le silence peut être une position de force. Quand on a l’habitude de parler, on attire l’attention dès qu’on s’enferme dans le silence. Il n’est plus, donc, cet opposant qui opinait sur la moindre sortie de route de son principal challenger, le président Sall. Dans son entourage, on confie qu’il réfléchit, consulte et prend contact avec les Sénégalais. En réalité, il cherche à susciter l’envie, à créer un manque et à provoquer un questionnement continu de sorte à se poser en homme providentiel. Les échecs du pouvoir et le mécontentement populaire seront ses principaux alliés. Il sait que depuis 2000, les Sénégalais sanctionnent leur président plus qu’ils n’élisent son successeur.


Dans un texte remarquable publié la revue « Ethiopiques » (N° 39, 1984), le défunt Oumar Diagne écrit : « De fait, pour autant que le silence s’avère souvent remarquable, objet d’attention, de conscience, chez soi et chez autrui, il cesse d’être silencieux et prend figure de parole ou de geste, se posant ainsi comme quelque manière d’expression ». Le silence est alors un acte de communication. Idrissa Seck ne parle plus, mais ses actes parlent pour lui. Il rend visite à ses anciens frères de parti, cause avec ses anciens adversaires (Djibo Kâ) et investit le Sénégal des profondeurs pour massifier son parti. Et attend que ses compatriotes le tirent de son silence pour faire de lui l’arme qui viendra à bout du régime actuel. Son silence, en fait, est tactique.

Par Sidy DIOP http://sidy-diop.blogspot.com/

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