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Il est interdit d’interdire - Par Ibra Pouye

Slogan des soixante-huitards considéré par ses détracteurs les plus acharnés comme un slogan creux dénué de tout sens et de tout fondement, cette belle phrase à redondance ponctuée d’un négativisme a retrouvé ses heures de gloire et ses lettres de noblesse chez nos présidents africains. Je m’étais abstenu d’attaquer le président Macky Sall et ses pairs africains sous un angle oblique mais quel sacerdoce me suis-je fixé ! A beau traquer l’animal politique, il resurgit là où on ne l’imaginait pas.


Rédigé par leral.net le Samedi 17 Janvier 2015 à 15:56 | | 8 commentaire(s)|

Il est interdit d’interdire - Par Ibra Pouye
Macky Sall, bien droit comme un i, engoncé dans son joli costume de nègre et bien dans ses bottes, arborait le masque de deuil dans les rues de Paris et près de lui dans les mêmes rangs et entassées telles des sardines quelques amis présidents africains. Tous unis pour la même cause. Oui à la solidarité entre Etats ! Oui à la diplomatie ! Oui à l’appel de François Hollande avec son fouet larmoyant mais voyons, un peu de retenue quand même ! L’on supputait bon train et l’on se demandait la raison de la présence de ces chefs d’Etat en France, pays de Marianne qui a bâti son empire et sa puissance légendaires par la brutalité de ses idées transformées sous nos cieux, à notre barbe et à notre nez en un havre de démocratie et des droits de l’homme. Oups, que de chemin parcouru !

Allez demander cela un damné de la terre fanonien et sa réponse cinglante sifflera vos oreilles comme l’effet de l’harmattan. Marcher à Paris oui mais ferait-il mieux de balayer devant sa porte avant de balayer le seuil des autres ? Et oui, la réponse coule de source et est d’acabit purement réfléchi. Dans une démocratie, marcher a toujours été de facto un pilier de ce système de gouvernance. Marcher fait partie des mœurs d’un état qui se veut et se réclame démocrate et républicain au vu et au su de toute la planète. Mais pas d’un m’as-tu vu loufoque. Haro sur cette démarche qui ne nous est pas digne et comique de surcroît ! Marcher à Paris était-il un moyen d’égayer la galerie ou le signe d’un pays où la liberté d’expression est plus que libre et hantée par ses propres démons ? Ma raison me dit de clignoter à gauche tandis qu’on ferraille à droite. Divergence de positions.

Interdit d’interdire ne doit pas être un crédo de bonne gouvernance. Interdit d’interdire ne doit pas être un sceau d’émergence, terme très cher au chef de l’Etat sénégalais qui est dans l’air du temps. Interdit d’interdire ne doit pas être marqué du sceau de la République. Mais là où le bât blesse est la question à se demander si le terrorisme frapperait à nos portes et cela est déjà chez nous puisque nous vivons constamment dans la terreur ; la France, pays ami en des circonstances on ne peut plus claires et particulières, allait-elle se réveiller pour marcher avec nous ? Oui elle l’a fait avec le Mali et en Centrafrique pour des raisons que nous, profanes, ignorons en substance. On nous cache, nous, populace, ramant sempiternellement à contre-courant par rapport au reste de l’équipage calfeutré dans les directives de son capitaine.

Et pourtant c’est nous qui élisons cette soi-disant élite qui nous gouverne et nous pompe l’air. Tout cela est fort de café et est vrai comme le jour. De l’esprit des lois nous devons faire référence. On ne peut marcher dans les ruées bondées de Paris comme un long dimanche de fiançailles et interdire une marche républicaine chez soi, cela est inadmissible puisque cela participe au dialogue républicain et démocratique. Liberté d’expression oui mais qu’elle soit responsable ! Offenser, non ! Mais la question qui fuse est de savoir si liberté d’expression signifie zéro limite jusqu’à franchir le Rubicon ? Question à boulets rouges et dépenaillée telle une grenade qui pourrait faire des victimes.

Charlie-Hebdo a toujours été critiqué et attrait devant la barre par ses propres ennemis qui marchaient dimanche dernier à Paris mais a été décapité par cette violence barbare très regrettable perpétrée par de jeunes désœuvrés qu’on qualifie de fous d’Allah. Non, les vrais fous d’Allah sont ceux qui pratiquent leur foi sans verser dans la surenchère et encore moins dans la violence religieuse. La foi est très personnelle et se vit au quotidien. Finalement la liberté d’expression n’est qu’un terme vidé de son contenu et de son sens par ceux qui l’ont créé. Alerte au viol dans l’inconscient collectif, matrice d’une société en pleine déliquescence ! Oui à la liberté d’expression ! Oui au respect mutuel et envers son prochain ! Non à la violence !

Dans cet entrelacs de cris de questionnement existentiel, je ne sais quoi choisir. Que Dieu m’aide à faire le choix correct sans empiéter sur la liberté d’autrui. En effet, cet exercice serait digne de celui d’un funambule teinté de sarcasmes. Enfin, interdire une marche dans son pays et marcher pour la communion des cœurs endeuillés est quelque chose d’une absurdité fantasque. Et badaboum, le président sénégalais interdit l’accès à ce journal décapant, corrosif et satirique sur son territoire. Rire sous cap.

Quelle mouche tsé-tsé a encore piqué Son Excellence Macky Sall ? Un pas en avant et deux pas à reculons. A-t-il peur des foudres de la Oumma Islamiya vu qu’il porte le chapeau de la présidence de l’Organisation de la Conférence Islamique, l’OCI ? Bien ou mal, le lait a été bu d’un trait. Respectons-nous les uns des autres et le monde se portera mieux. Je ne terminerai pas sans lancer cette prière d’un enfant de la République qui nous interpelle nous tous :

Changement ! Changement !
Changeons nos comportements.
Changeons nos habitudes.
Changeons pour rester fidèles à nos valeurs de laïcité.
Changeons pour que la République demeure vivante et diverse.
Changeons pour que plus aucun d’entre nous ne se sente étranger dans son propre pays.
Changeons pour une meilleure société arc-en-ciel.
Changer est un devoir moral et parce que c’est une nécessité politique.
Respectons le vivre-ensemble !
N’interdisons pas le changement et interdisons l’amalgame.
Parce qu’interdit d’interdire n’est pas la voie du salut !

POUYE Ibra