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Il faut sauver le Colonel Ndaw ! (Par Frédéric Tendeng)

Rédigé par leral.net le Lundi 28 Juillet 2014 à 13:00 | | 7 commentaire(s)|

Il faut sauver le Colonel Ndaw ! (Par Frédéric Tendeng)
Dans sa nouvelle intitulée ‘’Mateo FALCONE’’, parue en mai 1829, Prosper MERIMEE (1803 – 1870), raconte une histoire corse qui se passe dans le maquis.

Mateo FALCONE est craint par sa femme, ses enfants et son entourage pour sa brutalité et ses facilités avec les armes. Il n’a peur de personne. Mateo ne respecte que la Loi du maquis, conforme à la définition de l’Honneur corse. Dénoncer un criminel aux autorités françaises, était la pire atteinte à cet honneur.

A l’instar de la communauté, le fils de Mateo âgé de dix ans, adore et respecte son père. Or, le jeune enfant se laisse tenter par un joli cadeau et dévoile la cachette d’un criminel corse. Dès lors, Mateo se trouve dans la situation où son nom est lié à celui d’un traitre qui n’est autre que son fils.

Il ne lui reste qu’une solution pour sauver son honneur ; tuer le coupable. Sans aucune forme de procès, Mateo tue son propre enfant. La Justice, dans son entendement corse d’alors, est rétablie.

Le colonel Abdoulaye Aziz NDAW n’est pas le petit Mateo. Mais sa ‘’décapitation’’ est programmée parce qu’il a dénoncé, dans son livre, les agissements criminels et criminogènes de personnes armées de privilèges exceptionnels pour protéger et servir ce pays qui les a tout donnés. Ce qui ne serait pas une première.

Les sorties des hautes autorités de l’Etat sont une indication que le Colonel NDAW est d’ores et déjà voué à la géhenne. L’argument de massue est qu’il aurait adopté un comportement fautif pour avoir enfreint la règle du silence.

Je présume que pour déterminer la faute commise par le Colonel NDAW, les ministres Oumar YOUM et Augustin TINE ont procédé à une analyse critique du message de son livre. Il y a que sur cette affaire, les positions publiques de ces ministres de la République, trahissent leur non prise en considération plus fine des enjeux inhérents au contexte de ce qu’ils qualifient de faute par rapport à l'intérêt public arrimé aux informations mis en cause.

En l’espèce, le livre du Colonel NDAW est une DENONCIATION au sens qu’il est une communication factuelle, conçue et transmise dans l’intérêt supérieur des entités publiques et privées du Sénégal, pour déclencher une «alarme» sur un corps (la Gendarmerie) dont l’intégrité est gravement entamée.

Le livre «Pour l’Honneur de la Gendarmerie» est une réplique de l’expression anglaise Whistleblowing, formulation métaphorique d’une pratique d’alerte civique en usage dans le monde anglo-saxon – comme dans les cas d’Edward SNOWDEN ou de Wikileaks. C’est une démarche qui témoigne d’un souci de prévenir les autorités et l’opinion, sans détour, pour leur permettre de corriger une situation équivoque, actuelle ou appartenant à un passé récent, acceptée pour illicite, immorale ou contraire à l’intérêt public.

Dans le processus de détermination de la faute supposée, il est opposé une tension entre la loyauté de corps du Colonel Abdoulaye Aziz NDAW et sa loyauté d'affiliation nationale, celle qui fait de lui un citoyen sénégalais. Pour faire simple, le Colonel aurait violé le secret lié à sa profession en parlant à ses concitoyens.

Disons-le sans détour, le secret professionnel n’est pas un privilège ou un droit, mais un devoir et une obligation de se taire assortie de sanctions pénales pour celui qui ne le respecte pas. Le secret professionnel est une exception à l’obligation générale de concourir à la recherche de la vérité. C’est un renoncement immédiat du partage d’une information pour garantir la stabilité de l’ordre social.

Mais cette stabilité ne peut être assurée, à moyen et à long terme, en l’absence de protection de certaines valeurs sociales, particulièrement celles qui bâtissent la relation de confiance entre la Gendarmerie et la population sénégalaise autour de la loi qui est égale pour tous. Ce corps qui participe à la répression de la criminalité et du grand banditisme ne saurait être, ad vitam, un paradis pour des imposteurs qui abusent du secret professionnel auquel leurs Frères d’arme sont soumis.

Le problème est donc réglé. Car, entre un silence coupable et sa loyauté à la Nation sénégalaise, le Colonel NDAW a vite fait son choix et l’a assumé. Il a opté pour un sacrifice au bénéfice de la justice, pour éviter que le Sénégal reste soumis aux pouvoirs destructeurs de ceux qui adoptent des comportements mafieux sous le masque de l’Uniforme, sans jamais être inquiétés, parce que ceux qui doivent les dénoncer sont soumis à l’obligation de réserve.

Au lieu de s’attarder maintenant sur ce qu’il n’aurait pas dû faire et sur ses motivations, les autorités de la République du Sénégal gagneraient à organiser un processus de captation approprié des thématiques visées dans le livre, à assurer un traitement diligent des révélations par une vérification du bien-fondé des allégations et à répondre promptement aux faits déviants avérés, par des mesures de redressement adéquats.

L’honneur commande d’agir avec courage, dignité et loyauté au Drapeau, des valeurs indispensables à la jeune génération de citoyens majoritaires de ce pays qui sont témoins tous les jours de l’incivisme de ceux-là même censés être la référence. Et puisque ‘’Pour l’Honneur de la Gendarmerie’’ doit pousser à agir pour respecter et faire respecter les valeurs communes partagées par tous les sénégalais, je vous dis ‘’Mes respects, mon Colonel !’’

fredcikaw@gmail.com