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Incendie mortel au port : Résultat d’une mauvaise gestion qui requiert la démission de son Directeur général

Le port de Dakar vient de connaître un dramatique accident, qui a conduit à la mort de 7 personnes et occasionné, au moins, 3 blessés graves. Les services de communication du Port ont été très réactifs en soulignant les responsabilités humaines (la faute aux autres) dans la survenance de ce malheureux accident (l’explosion d’un groupe électrogène favorisée par la présence d’un produit inflammable à l’intérieur de la cale). Le communiqué tresse des lauriers au Directeur général du Port pour la promptitude de sa réaction en donnant des instructions à la Capitainerie du Port, qui a aussitôt pris les dispositions appropriées en relation avec le Centre opérationnel polyvalent, la Brigade des sapeurs-pompiers assistée par les marins pompiers français pour circonscrire l’incendie et sortir le bateau de l’enceinte du port.


Rédigé par leral.net le Samedi 30 Janvier 2016 à 10:06 | | 0 commentaire(s)|

Pourtant, une analyse des témoignages recueillis et un examen minutieux des faits relatés dans le communiqué des services du Port accablent la Direction générale de cette entité et met à nue ses carences en matière de management particulièrement dans le domaine de la santé et de la sécurité. En effet, un témoin oculaire (mécanicien de bateau de son état), dans un poignant et bouleversant récit (vidéo disponible sur le site de azactu.net), indique que «le bateau était amarré, depuis longtemps, en 3e position en face de Socofroid suite à sa cession à un tiers qui devait le découper pour en faire de la ferraille.

Une personne étrangère au travail, venue apporter du poisson aux travailleurs, donnait du tabac à un ouvrier qui lui en avait fait la demande, devant un groupe électrogène à essence ainsi qu’un réservoir rempli d’essence et des bouteilles d’oxygène. Lorsque celui-ci a allumé la cigarette, le feu a pris suivi d’une sourde explosion alors que certains ouvriers journaliers étaient coincés à l’intérieur du bateau» (traduction libre). Cela est corroboré par le communiqué des services du Port qui confirme que le navire appartenait à la société Delta Shipping avant d’être cédé à un tiers. Le communiqué nous apprend aussi que le bateau n’était plus en état de naviguer et était en opération de découpe au quai de pêche du môle 10 où il était accosté. Tout cela met en évidence, au moins, trois fautes de gestion de la Direction générale du port :

 la découpe du bateau faite dans une aire inappropriée ;
 la réalisation de tâches risquées sans la mise en place de mesures minimales de sécurité ;
 la négligence des services de surveillance ou l’absence de rigueur dans les contrôles.

La première faute de la Direction générale du Port est d’avoir laissé le nouvel acquéreur procéder au découpage du bateau sur place, c’est-à-dire dans le plan d’eau, lequel est réservé aux bateaux en état de fonctionnement. Pour des raisons de sécurité (le démantèlement d’un bateau expose à beaucoup de matières dangereuses, voire cancérigènes contenues dans les différents matériaux et composantes de sa structure), la découpe devait se faire dans un endroit approprié et équipé pour cela. Ce n’est pas pour rien, outre les aspects financiers, que les pays occidentaux préfèrent que leurs bateaux qui ne servent plus soient découpés loin du vieux continent en les remorquant jusqu’au sud de l’Asie, en Inde, dans des chantiers navals dédiés à ce genre de tâches. La Direction générale du Port avait les moyens de faire sortir ce bateau du plan d’eau et l’amener dans un autre endroit ou contraindre l’acquéreur à le faire. En effet, il a fallu qu’un sinistre survienne pour que le transfèrement du navire au banc de la résolue (cimetière des navires) puisse être opéré par remorquage dans le but d’éviter son coulage dans le plan d’eau.

La seconde faute inexcusable de la Direction générale du Port tient à la réalisation de tâches risquées sans la mise en place de mesures minimales de sécurité. Comment comprendre qu’une zone de travail aussi risquée soit accessible à n’importe qu’elle personne étrangère aux opérations (le livreur de poisson qui a donné du tabac à un des ouvriers) ? Comment expliquer, que soient stockés, dans un même espace, tous les ingrédients nécessaires pour provoquer un incendie-explosion (groupe électrogène à essence, réservoir d’essence et bouteilles d’oxygène) ? Cela s’explique, simplement, par la défaillance des services du Port chargés des questions de santé et de sécurité. Qu’on ne vienne pas nous dire qu’il s’agissait d’activités relevant d’un employeur privé. La loi est claire : l’enceinte portuaire relève de la responsabilité de la Direction générale du Port qui doit veiller à ce que tous les entrepreneurs qui viennent y travailler se conforment aux règles minimales de sécurité préalablement définies par elle.

La troisième faute de la Direction générale du Port tient à la négligence des services de surveillance ou à l’absence de rigueur dans les contrôles. En effet, comment expliquer que des bateaux, qui ne sont plus en état de fonctionnement, puissent rester et encombrer le plan d’eau jusqu’à devenir des risques pour les autres ? La réponse est simple : absence de contrôles ou s’ils existent, ils ne sont pas réalisés avec rigueur. Le suivi et le contrôle constituent, comme bien d’autres éléments, une marque d’une bonne gestion. Ce qui ne semble pas être le cas au Port.

La perte de ces 7 vies humaines est inadmissible, car elle pouvait être évitée. Je refuse de me verser dans le fatalisme comme le font beaucoup de mes compatriotes en me contentant de formuler des prières pour les disparus. La Direction générale du Port a des responsabilités manifestes dans la survenance de ce drame. Il faut qu’elle les assume et en paie le prix en démissionnant ou en étant démise, si elle refuse de le faire. Elle clame à cor et à cris la qualité de sa gestion et consacre beaucoup de moyens à des futilités politiques ou activités partisanes alors que cet argent devrait être investi au bénéfice des acteurs portuaires et de leur sécurité. Décidément, les leçons du bateau «le Joola» n’ont pas été tirées.

Ibrahima Sadikh NDour
ibasadikh@gmail.com