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Invité du lundi - Cheikh Oumar Sy, député : « Ma mission était d’entamer le dialogue afin de désamorcer la tension politique »

Emissaire du marabout Thierno Madany Tall, afin de travailler à l’apaisement de la tension politique ambiante dans le pays, le député Cheikh Oumar Sy, dessine dans cet entretien accordé à piccmi.com , les contours de sa mission. Notre «invité du lundi» ne fait pas dans la langue de bois pour donner sa position sur les derniers développements de l’actualité. De la sortie de Me Wade en passant par le comportement des enseignants du supérieur, sans oublier le procès de Karim Wade, la situation à Benno Bokk Yakaar, les ruptures attendues par le peuple, tout y passe. Pour cheikh Oumar Sy, «les ruptures ne sont des annonces d’effets»


Rédigé par leral.net le Lundi 2 Mars 2015 à 08:35 | | 0 commentaire(s)|

Invité du lundi - Cheikh Oumar Sy, député : « Ma mission était d’entamer le dialogue afin de désamorcer la tension politique »
Monsieur Sy l’actualité brûlante de cette semaine finissante, c’est la sortie de Me Wade visant la famille du Président de la République. Quelle lecture faites-vous de cette situation ?

Je pense que les propos de l’ancien Président de la République sont très déplorables et ont heurté la conscience de tous les Sénégalais. Me Abdoulaye Wade a représenté pendant 12 ans l’Institution qu’est la Présidence de la République. Il n’est donc pas n’importe qui. Nous comprenons tous son amertume face à la procédure judiciaire enclenchée contre son fils, mais cela ne peut justifier de tel propos qui, à la limite, sont haineux.

L’homme à contribuer grandement à l’essor démocratique de notre cher pays. Mais, il a eu et cela est l’excès que procure un régime présidentialiste fort, à décider du sort des uns et des autres, positivement ou négativement y compris celui de son fils.

Il faut avoir raison gardée. Monsieur Macky Sall représente, qu’on le veuille ou non, l’instance la plus haute de notre patrie, car ayant bénéficié du vote de plus de 65% des Sénégalais. Nous lui devons tous un respect eu égard aux responsabilités dues à son rang et que nous lui avions confiées.

Ce n’est pas le rang social qui définit l’homme mais sa capacité d’être humble, disponible, respectueux et patient, face aux défis du monde temporel. Si le Président de la République a gravi les échelons, tant mieux, il s’est battu pour être à la tête de la Nation sénégalaise. On peut être ou ne pas être d’accord sur sa vision ou ses choix politiques, on peut en discuter avec des arguments et rester dans un esprit de respect de l’Institution qu’est la République.

Aujourd’hui, nous sommes tous des esclaves du travail, du peuple, des citoyens et citoyennes qui nous ont élus.

De tels dérapages sont cependant très fréquents dans l’arène politique, ne pensez-vous pas qu’il faille aller vers l’instauration d’un code d’éthique ?


Effectivement. Il est plus qu’urgent qu’un code de la déontologie politique soit étudié par les partis politiques. Mais il faut aller plus loin, il faut d’abord assainir l’espace politique avec la réduction des partis. En effet, le pays est pris en otage par les partis politiques, certains d’entre eux jouent leurs rôles dans la réflexion, la construction, le dialogue, la participation et les propositions alternatives dans la gestion du pays. Mais la plus part d’entre eux se battent pour un positionnement de prébende. Ce qui en général empêche le Président de la République de gouverner sereinement. L’espace public, nécessaire pour une meilleure prise en charge des préoccupations du peuple, est devenu un espace privé qui se vend selon la position de tel ou tel parti.

L’idéologie devenue de plus en plus absente et n’étant plus l’un des leviers fondamentaux pour asseoir un échange franc sur la vision du pays, le débat est devenu crypto personnel et animé par des jugements subjectifs.

Il s’y ajoute que la presse participe directement ou indirectement dans la prolifération de débats de «caniveaux» qui n’ont aucune plus-values pour les Sénégalais soucieux de leur quotidien, préoccupés par la crise de l’emploi, le coût des denrées et autres défis.

Le dérapage de l’ancien Président était bien prévisible parce qu’il a été poussé par certains de ses proches jusqu’auboutistes, afin de politiser au maximum, le procès de son fils.

Justement, le procès de Karim Wade est dans sa dernière ligne droite avec le verdict attendu pour le 23 mars prochain. Or, vous êtes un émissaire de Thierno Madany Tall, pour établir une médiation. Peut-on savoir où est-ce que vous en êtes ?

Il faut éviter de créer un amalgame. La mission qui m’était confiée, était de rapprocher les deux partis pour qu’ils puissent entamer le dialogue afin de désamorcer la tension politique. Mais, à aucun moment, je n’ai eu à aborder le procès de Karim Wade. Cela n’entrait pas dans mes prérogatives. Je crois que j’ai transmis le message que m’avait confié le Khalife et cela en présence de l’honorable député Aissatou Mbodji, que je remercie au passage pour son entregent et sa disponibilité.

Pour préserver l’Etat de droit, ne pensez-vous pas que toute médiation devait être écartée dans de pareils cas et qu’il faut laisser la justice faire son travail en toute impartialité et sans aucune pression ?

La justice doit faire son travail indépendamment de toute pression politique ou religieuse. Elle est là pour le peuple et il est indispensable qu’on la renforce dans son rôle. Les critiques, positives ou négatives dans une démocratie, sont les bienvenues. Elles participent au renforcement des institutions. Mais, elles doivent s’inscrire dans une dynamique positive, avec pour objectif principal, de préserver l’intérêt général.
La médiation, pour une fois de plus être clair et précis, n’avait rien à voir avec le procès en cours.

Votre coalition Benno Bokk Yakaar est en train de faire sa mue avec le séminaire qu’il a tenu récemment. Mais ne pensez-vous qu’il ne s’agit là que d’une unité de façade ?

La coalition Benno Bokk Yakaar a survécu à beaucoup de critiques depuis sa création y compris celles émises à l’interne par les leaders des partis politiques qui la composent. Le peuple décidera ultimement de sa destinée. Il faut rappeler que le chemin reste encore long d’ici 2017. L’effort qui a été fait par le Président de la République à savoir d’être à l’écoute des membres de sa coalition et de travailler à sa structuration, est une bonne initiative. Quand on décide de mettre en place une coalition, il faut aussi lui donner les arguments techniques et politiques de la défendre.

Bes Du Nakk n’est pas dans la coalition pour faire de la figuration. Notre devoir est d’accompagner le Président de la République dans sa mission et nous devons le faire sans état d’âme. Nos échanges avec les ministres lors du vote du budget, témoignent de notre volonté de participer à l’évaluation mais aussi, à l’articulation des politiques publiques pour une plus grande cohérence. Il faut avouer que les ministres prennent de plus en plus en compte nos préoccupations qui viennent directement du peuple.

Notre mission est la même. Il faut juste avoir un esprit de dépassement politique et partisan pour atteindre les objectifs que le peuple sénégalais nous a assignés.

Bientôt trois ans que vous êtes à l’Assemblée nationale, mais les populations disent toujours attendre les ruptures promises. Que répondez-vous à ça ?

Ma réponse ne varie pas : les ruptures ne sont pas des annonces d’effets. Elles s’inscrivent dans une logique et dans le temps. Tous les députés sont conscients des difficultés dans l’exercice de leur fonction. L’Assemblée Nationale reste tributaire à ce jour du combat politique sans merci entre feu Lépold Sédar Senghor et feu Mamadou Dia. C’est à l’issue de cet évènement douloureux qu’elle a perdu de sa légitimité et de son indépendance institutionnelle. Il est donc impérieux de les lui faire regagner.

Les Assises nationales ont donné des recommandations dans ce sens de même que la CNRI, pour permettre au parlement de jouer pleinement son rôle. Nous-mêmes, parlementaires, avons fini une nouvelle proposition de règlement intérieur pour donner plus de flexibilité à notre mission. Nous espérons pouvoir l’adopter dans les plus brefs délais.

Il est aussi important de noter que le Référendum doit se tenir en 2017. Il ne doit pas se limiter exclusivement au mandat du Président de la République, mais surtout stabiliser définitivement notre Constitution et donner plus d’indépendance aux institutions que sont l’Assemblée nationale, la Justice, le Conseil Economique et Social, la Cour des Comptes, l’IGE, l’OFNAC etc.

Par ailleurs, il faut noter que l’Assemblée nationale, même si ce n’est pas encore perceptible aux yeux des citoyens, est en train de développer une dynamique interne (même si elle est technique) pour permettre une meilleure participation des parlementaires dans le contrôle du budget et dans le vote des lois.
A cet effet nous pouvons noter : la traduction simultanée qui est une révolution et qui à mon avis, règle le problème de l’intervention des parlementaires en langues nationales. Ils participent de manière plus efficaces aux débats et proposent des pistes de solution aux ministres d’autant plus qu’ils ont une meilleure maitrise des difficultés de leurs localités.

Il y a aussi le Programme PACE de l’USAID et qui est piloté par l’ONG 3D. Celui-ci comprend différent volets d’accompagnement, de renforcement de capacité et de redevabilité parlementaire dont le but, en partenariat avec la société civile (Réseau Siggil Jiggen, Y en a Marre, Gorée Institute, ANAFA, ONG Counterpart), est d’optimiser les rapports entre les députés et les citoyens, permettant ainsi un échange plus fructueux et une écoute citoyenne.

A partir de ce mois de Mars, nous recevrons les ministres régulièrement pour échanger sur l’exécution du budget et sur les sujets d’actualité.

Mieux encore, le site de l’Assemblée nationale a été repris, pour permettre une meilleure interaction entre les Députés et les citoyens aussi bien au plan national qu’international et la Bibliothèque est en pleins travaux pour être équipée des nouvelles technologies de l’information et elle sera ouverte au public.

Un des défis majeurs est le recrutement d’experts (économiques, juridiques, sociologues, etc.), pour permettre aux parlementaires d’être mieux conseillés avant le vote d’une quelconque loi, comme cela se fait dans les autres pays. Quand un ministre voyage, il est accompagné par ses conseillers techniques alors que les parlementaires sont laissés à eux-mêmes. Il faut rendre l’Assemblée nationale plus attractive aux fonctionnaires de l’Etat.

Soit, mais le président du groupe parlementaire de la majorité, Moustapha Diakhaté a reconnu dans une émission de télévision cette absence de ruptures, alors où est-ce que ça coince et quelles sont les mesures d’urgence à prendre et qui iront dans ce sens ?

Le Président de la République gagnerait à renforcer les pouvoirs du parlement. Il aura ainsi un allié dans l’exécution des politiques publiques. Il pourra toujours avoir une majorité. Mais, si celle-ci ne remplit pas efficacement sa mission, l’Exécutif va en pâtir. C’est un partenariat qui doit être sincère et qui doit s’orienter vers la résolution des défis quotidiens des Sénégalais.

Ça coince parce que le Président de la République tient le gouvernail et si les citoyens ne sentent pas que leurs préoccupations ne sont pas débattues au sein de l’hémicycle, ils les porteront dans l’espace public soit dans les média ou dans la rue publique. Mieux vaut laisser les énergies et les intelligences se libérer dans la deuxième instance la plus haute de notre Nation.

Les professeurs membres du SAES ont brûlé la loi cadre portant réforme des universités que vous l’aviez votée en tant que parlement. N’est-ce pas là, une flagrante désapprobation ?

Il y a mille manières pour marquer sa désapprobation. Quand on se dit professeur, il faut bien intégrer son rang dans le dispositif de construction de l’intelligence de notre nation. A savoir inculquer aux étudiants un bon comportement citoyen. Je comprends fort bien leurs mécontentements. Nous sommes là pour trouver des solutions.

Il fallait demander aux parlementaires de revoir la loi, manifester publiquement mais, de manière responsable leur indignation.

Il est évident qu’ils ne sont pas contents. La Commission Education, présidée par ma collègue Mme Aminata Guéye, vient de les rencontrer à nouveau. Nous sommes ouverts à toute discussion. Mais brûler publiquement une loi, est en soi, une mauvaise image pour notre pays. C’est encore plus grave quand des professeurs de haut niveau le font.


Source: PiccMi.Com

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