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Irak : Riham Yakoub, défenseuse des droits des femmes, abattue à bout portant par deux individus

Rédigé par leral.net le Vendredi 21 Août 2020 à 17:11 | | 0 commentaire(s)|

Figure féministe de la société civile irakienne, Riham Yakoub, 33 ans, médecin nutritionniste, a été abattue à bout portant mercredi soir par deux individus armés à moto en plein centre de Bassora. Sa mort a provoqué un choc parmi les jeunes contestataires irakiens et au-delà.


Irak : Riham Yakoub, défenseuse des droits des femmes, abattue à bout portant par deux individus
En effet l’activiste et défenseuse des droits des femmes, bien connue des chancelleries occidentales, est la dernière victime d’une série d’assassinats ciblés depuis une dizaine de jours contre des leaders de la contestation dans la deuxième ville d’Irak.

Jeudi matin, les représentants des Etats-Unis, de la France et de l’Union européenne ont condamné ces meurtres visant «les jeunes et les forces vives de l’Irak», selon le communiqué de l’ambassade de France à Bagdad, appelant à «identifier puis juger les coupables».

Une photo datant de 2018 de Riham Yakoub aux côtés du Consul américain à Bassora a été rediffusée quelques heures après sa mort par la chaîne de télévision d’une milice pro-iranienne, comme pour justifier son meurtre. Le cliché pris à l’occasion d’une rencontre avec plusieurs autres jeunes irakiennes avait circulé sur les réseaux sociaux et via des médias iraniens pour discréditer la jeune femme, en l’accusant d’être une «agente des Etats-Unis».
Suite à cette campagne, Riham Yacoub avait renoncé à participer aux manifestations dans les rues de Bassora où elle s’était distinguée d’abord comme l’une des rares femmes à prendre la parole au milieu des manifestants, avant d’organiser une marche de protestation des femmes.
Activiste de la première heure, Riham Yacoub avait participé au mouvement de contestation anti-gouvernement qui avait agité Bassora dès 2017, bien avant que la révolte ne soit déclenchée dans l’ensemble du pays en octobre dernier. La deuxième ville d’Irak a été la première à se rebeller face à la défaillance et la corruption des dirigeants irakiens qui l’ont totalement négligée.

«Alors que cette région pétrolifère fournit 80% des ressources de l’Etat irakien, Bassora n’a l’électricité que quatre heures par jour et souvent pas d’eau, alors que la température dépasse les 50°C en cette saison», rappelle Adel Bakawan. Directeur d’études à l’Institut de recherche sur le Moyen Orient et la Méditerranée (Iremmo), le chercheur irakien était en relation avec Riham Yacoub qui devait mener une enquête à Bassora sur les jeunes en Irak.

«Bassora est un terrain d’affrontement direct entre les Etats-Unis et l’Iran», souligne Adel Bakawan. Frontalière du Koweit où est implantée l’armée américaine et séparé de l’Iran par le bras de mer du Chatt al-Arab, la ville est en effet «une place forte des milices pro-iraniennes mais aussi le lieu d’une instrumentalisation de la contestation irakienne par le consulat américain», selon l’expert.

L’assassinat de la jeune militante s’est produit alors que le Premier ministre irakien, Moustafa al-Kazimi, est en visite officielle à Washington. Il a annoncé depuis la capitale américaine le limogeage du chef de la police de Bassora et d’autres responsables de la sécurité et a dépêché sur place son ministre de l’Intérieur à la tête d’une délégation sécuritaire.

«Ils viennent chercher une aiguille dans une botte de foin», a commenté un député de la ville à propos de la détermination affichée par les responsables d’identifier les assassins des militants de Bassora.
S liberation.fr