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J’ai lu les 2 tomes du livre du Colonel Ndaw… Je comprends sa profonde frustration et indexe l’Etat du Sénégal.

Rédigé par leral.net le Jeudi 31 Juillet 2014 à 13:32 | | 7 commentaire(s)|

En dépit de la mesure de censure absurde et inefficace qui frappe ce livre, j’ai pu lire les deux tomes de l’ouvrage du Colonel Abdoulaye Aziz Ndaw, ancien Haut Commandant en second de la Gendarmerie nationale. La lecture de cet ouvrage qui a pour titre: Pour l’honneur de la Gendarmerie sénégalaise , m’a plongé dans un profond sentiment d’inquiétude, de peine et de tristesse.


J’ai lu les 2 tomes du livre du Colonel Ndaw…  Je comprends sa profonde frustration et indexe l’Etat du Sénégal.
Je ne suis pas un procureur et je me garderai bien de formuler un réquisitoire. Je ne suis pas non plus un avocat et ne saurais m’aventurer dans une hasardeuse plaidoirie. Enfin, je n’ai jamais porté la toge d’un juge et ne suis guère habilité à prononcer une quelconque sentence contre l’officier accusateur ou contre le Général et les officiers accusés. Toutefois, je crois pouvoir user et abuser du droit à la liberté d’opinion et d’expression que me confère l’article 19 de la déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948, pour dire mon point de vue et exprimer ma grande peine de voir ce corps d’élite que constitue la Gendarmerie nationale, exposer ses tares et ses avatars dans les rues de la République.
À l’aube de la première alternance qu’a connue notre pays, j’ai été victime d’injustice et d’arbitraire de la part de l’État du Sénégal. C’est la raison pour laquelle, j’avais écrit et publié l’un des tout premiers ouvrages au Sénégal, qui fut consacré à la dénonciation des dérives d’un ministre de la République et les abus et incompétences d’un Inspecteur général d’État. En un mot, c’était un combat contre les excès de pouvoir d’une administration froide, impersonnelle, ingrate et impitoyable ! Ce livre avait pour titre : « Crise au Projet agroforestier de Diourbel : Mon combat contre l’arbitraire » (éditions L’Harmattan 2003).

C’est dire qu’il y a quatorze ans, moi aussi, j’ai été victime d’injustice et d’arbitraire de la part d’un État félon, obstinément politicien, aveuglément injuste et fortement pollué par les nuisances de l’argent facile.

Dans cette affaire opposant un Général et un Colonel de l’État major gendarmerie, j’indexe l’État du Sénégal, dont certains de ses chefs, une fois élus ou nommés, ne prêtent jamais plus l’oreille et l’attention aux citoyens qui les sollicitent parfois pour des questions d’intérêt national de la plus haute importance ! Ces nouveaux promus deviennent très vite arrogants et inaccessibles. Ils prennent rapidement l’option de changer leurs numéros de téléphone et de se barricader afin de se dérober face à leurs responsabilités régaliennes. Ils laissent pourrir les actes répréhensibles portés à leur connaissance. Et pour se donner bonne conscience, ils s’empressent de brandir le sabre pour décapiter les dénonciateurs des maux qui gangrènent notre société. Ainsi, ils préfèrent tuer le messager en pensant naïvement anéantir le message. Cela m’est arrivé ! En effet, face aux ordres manifestement illégaux d’un ministre corrompu, aux insinuations, injures et mensonges d’un Inspecteur général d’État manifestement partial et incompétent, M. Abdou Diouf, Président de la République au moment des faits, était resté totalement sourd à mon désespoir et à mes messages de détresse. Son ministre en charge des affaires présidentielles avait lui aussi, royalement ignoré mes multiples courriers. Et comme un malheur n’arrive jamais seul, le Coordonnateur de l’Inspection générale d’État, ma dernière bouée de sauvetage, m’avait manifesté froidement son impuissance face aux injures et allégations mensongères que son collègue avait écrites sur moi, dans son rapport d’inspection du Projet agroforestier de Diourbel en 1999! Ainsi, j’avais été viré comme un malpropre de la direction de ce grand projet de développement communautaire financé par le FIDA et la BOAD pour un montant de 8 milliards de F CFA ! Mais suite à ma plainte, le Conseil d’État avait décelé l’excès de pouvoir et avait décidé de me rétablir dans mes droits après 6 mois de souffrances et de galère !

Ce sont des attitudes de cette nature dont peut se rendre coupable un État injuste et irresponsable, qui peuvent pousser un homme frustré et blessé dans son honneur et sa chair comme l’a été le Colonel Ndaw, à envisager trois cas de figure : 1. Se tirer une balle dans la tête. 2. Descendre purement et simplement le ou les responsables de sa « mise à mort » sociale. 3. Procéder à un déballage des secrets d’État et des secrets défense, sans état d’âme.

Dans sa rage et son désespoir devant « un Président sourd à son appel », l’officier Abdoulaye Aziz Ndaw a choisi la dernière option qui à mon avis, constituait un moindre mal. En effet, pour l’honneur de la Gendarmerie et par lettre en date du 31 mars 2008 (lire la page 241 du tome 2 du livre), le Colonel Ndaw a tenté vainement de se faire entendre par le Président Wade qui a eu à prendre les graves décisions, sources de tous ses malheurs. Après le départ du Président Wade et malgré ses tentatives désespérées pour retrouver l’honneur qui lui a été dérobé, aucune chance ne lui avait été offerte pour s’expliquer devant le Président Macky Sall, qui du fait de la continuité de l’Etat, avait constitutionnellement hérité de ce brûlant dossier.
Certes le Colonel Ndaw était soumis à la rigoureuse discipline militaire et à l’obligation de réserve. Mais devant le mur de silence qui l’entourait, il a préféré désobéir probablement en référence à l’Arrêt Lagneur du 12 novembre 1944 du Conseil d’État Français et à la déclaration du Pr. Verdun qui disait : « … Le devoir d’obéissance peut fléchir et même disparaitre en présence d’une illégalité manifeste, lorsque l’exécution de l’ordre manifestement illégal compromet gravement le fonctionnement du service. Quand les deux notions sont réunies, non seulement le refus d’obéissance est justifié, mais l’obéissance devient punissable ».
Rappelons-nous la célèbre formule de passation d’un commandement militaire ainsi formulée : « Officiers, sous-officiers et gendarmes ! De par le Président de la République, vous reconnaîtrez désormais pour votre commandant le Colonel « Untel » ici présent, et vous lui obéirez en tout ce qu'il vous commandera pour le bien du service, l'observation des lois et règlements et pour le succès de la gendarmerie nationale».
J’indexe l’État du Sénégal qui depuis le départ des présidents Léopold Sédar Senghor et Abdou Diouf, a commencé à connaitre une inacceptable désacralisation des institutions républicaines, une banalisation de l’administration et de récurrentes frustrations des forces de l’ordre et de sécurité. C’est ainsi que pendant de longues années, le pouvoir politique qui forcément commande les armées, a fait la sourde oreille et a envoyé impitoyablement le Colonel Abdoulaye Aziz Ndaw à l’échafaud, sans lui permettre d’exposer ses arguments et autres moyens de défense.

Enfin, j’indexe l’État du Sénégal qui a mis le Général de Gendarmerie Abdoulaye Fall, un officier de grande valeur, chef d’un des plus prestigieux commandements militaires de notre pays, dans un imbroglio politico-financier dans lequel il n’avait absolument rien à faire. En effet, la mission d’un chef de guerre n’est pas d’accomplir des actes qui pourraient ragaillardir les forces qu’il est appelé à combattre! Si cette allégation était avérée, il s’agirait bel et bien d’un ordre manifestement illégal auquel il fallait nécessairement opposer l’obligation de désobéissance pour incompatibilité de missions ou alors une simple fin de non recevoir!

Malgré ma profonde peine, je reste convaincu que la Gendarmerie nationale du Sénégal restera debout et sera toujours ce corps d’élite admiré par tous les patriotes, en dépit de cette violente tempête qui secoue, ses légions, ses escadrons et ses compagnies. Je sais également que le Général Guéye Faye, Haut Commandant de la Gendarmerie nationale et Directeur de la Justice militaire dont je connais le courage et le professionnalisme, entouré des hauts responsables de la gendarmerie, saura très vite séparer la bonne graine de l’ivraie pour l’honneur de la Gendarmerie sénégalais. En plus, je suis convaincu que les dépositaires des lois et règlements de mon pays sauront jouer leur partition dans cette affaire d’État et rendre justice à l’accusé et à l’accusateur. Le peuple sénégalais attend légitimement de connaitre la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Les Sénégalais ne veulent ni injustice, ni impunité dans cette affaire!

Enfin, j’espère que l’État du Sénégal saura tirer les leçons de ce douloureux scandale et fera désormais preuve de pro activité et de réactivité pour que de pareilles accumulations de frustrations, d’injustices et d’arbitraires ne risquent pas un jour de faire exploser les fondements de la République.


Moumar GUEYE
Écrivain
E-mail : moumar@orange.sn