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Je me souviens…

Rédigé par leral.net le Jeudi 9 Juillet 2015 à 17:35 | | 1 commentaire(s)|

Depuis l’avènement de la nouvelle alternance politique au Sénégal, les acteurs politiques, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition, affichent au sujet des questions liées à la marche de notre pays des positions qui confirment, si besoin encore était, que la constance n’est pas la vertu la mieux partagée par notre élite politique. Les principes que l’on défendait hier avec hargne du temps de l’opposition semblent devenir inopérants dès qu’on franchit les allées du pouvoir.


Les forfaitures que l’on commettait hier avec arrogance quand on était aux commandes semblent se dissoudre aujourd’hui dans une nouvelle virginité politique que le statut d’opposant a la magie d’offrir. Du talent, notre élite politique en a à revendre lorsqu’il s’agit de réviser ses principes et convictions au gré du vent et des saisons pour être à l’air du temps. Des gens qui, hier dans l’opposition, nous vendaient des idées qui faisaient penser à la République de Platon bénissent aujourd’hui les entorses à la démocratie dont se rend régulièrement coupable le régime actuel.

D’autres qui se révélaient hier de véritables suppôts de la tyrannie quand ils exerçaient des responsabilités étatiques nous font croire, aujourd’hui que la volonté populaire les a renvoyés dans l’opposition, qu’ils se sont miraculeusement convertis à la religion démocratique. Ainsi va malheureusement notre pays. Les intérêts changent. Les lignes bougent. Les principes et les convictions s’adaptent. Mais, nos souvenirs restent intacts.

En dirigeant le regard sur le rétroviseur, des souvenirs qu’il m’a paru nécessaire de partager défilent dans ma mémoire. Je me souviens du tintamarre que faisait l’opposition d’hier devenue la majorité d’aujourd’hui chaque fois que le Président Wade tenait des rencontres de son parti au palais présidentiel. Les auteurs de ces tintamarres se bousculent aujourd’hui au palais pour prendre part à des « ndogou » ou autres rencontres purement partisanes.

Je me souviens des foules immenses déferlant dans les rues de Dakar à l’appel de la coalition « Benno Siggil Sénégal » qui dénonçait si souvent les « lois scélérates » que le régime du Président Wade faisait voter à sa majorité mécanique. De cette époque, je me souviens aussi d’un célèbre constitutionnaliste qui n’hésitait jamais à assumer avec courage sa posture d’intellectuel pour qualifier ces lois de « déconsolidantes ». Cette coalition de l’opposition aujourd’hui au pouvoir et ce constitutionnaliste devenu Conseiller du Chef de l’Etat n’ont eu aucune gêne à concevoir et imposer à l’Assemblée Nationale tout récemment une loi dont le caractère « consolidant » ne relève de l’évidence qu’aux yeux de ce conseiller devenu manifestement un spécialiste en broderie institutionnelle au service des desiderata de l’actuel locataire du palais.

Je me souviens de la détermination avec laquelle l’opposition d’hier exigeait du Président Wade la nomination d’un Ministre de l’Intérieur politiquement neutre dans un souci de transparence des élections. Les mêmes responsables politiques trouvent aujourd’hui légitime la présence à la tête de ce département ministériel de Monsieur Abdoulaye Daouda Diallo, qui est pourtant membre de la direction du parti au pouvoir.

Je me souviens des récurrentes manifestations d’indignation de l’opposition d’hier devant l’implication à outrance de la famille Wade dans la gestion de l’Etat. Aujourd’hui, le silence de ces acteurs politiques au sujet de la présence plus qu’envahissante de la famille « Faye-Sall » au cœur de nos institutions nous fait penser que leur capacité d’indignation s’est érodée sous l’effet conjugué du temps et des lambris dorés du pouvoir.

Je me souviens tout aussi que sous le régime précédent, l’opposition s’offusquait avec véhémence des arrestations arbitraires d’Hommes politiques qui tombaient régulièrement sous le coup de l’article 80 du code pénal qui punit le délit d’ « offense au Chef de l’Etat ». Aujourd’hui qu’ils sont aux affaires, les victimes d’hier de l’article 80 digne de l’ère stalinienne maintiennent dans le code pénal cette disposition liberticide qui reste ainsi un sabre suspendu au dessus des têtes des opposants. Maître Amadou Lamine Sall et Bara Gaye du PDS en ont découvert l’amère réalité.

En définitive, la constance dans les positions est une denrée rare sur le terrain politique sénégalais. Les républicains et les démocrates de circonstance monopolisent la parole et polluent le débat politique. Pourtant, la constance est une vertu à cultiver par les acteurs politiques de tous bords si nous voulons tendre vers davantage d’acquis démocratiques mais surtout vers les performances économiques et sociales qu’attendent encore impatiemment nos compatriotes. Que l’on soit du pouvoir ou de l’opposition, on ne doit jamais oublier cette réalité : la Roche Tarpéienne est près du Capitole.
Serigne Assane KANE,
Membre de la Jeunesse pour la Démocratie et le Socialisme
(JDS)
assanekane2012@yahoo.fr