leral.net | S'informer en temps réel

Jeunesse déboussolée - Par Mamadou Dieng

Qu’arrive-t-il à la jeunesse sénégalaise ? Nous sommes en droit de formuler une telle interrogation au regard des faits graves, récurrents, endémiques avec un effet amplificateur et contagieux sans commune mesure : embarcations par centaines à bord de pirogue pour affronter les vagues déferlantes et meurtrières de la mer Méditerranée afin de rallier les côtes européennes ; violence ; drogue ; manque de respect à l’ancien et à l’aîné, ports vestimentaires dévergondés « check down », etc.


Rédigé par leral.net le Vendredi 28 Août 2015 à 12:54 | | 0 commentaire(s)|

Jeunesse déboussolée - Par Mamadou Dieng
Le déroulement actuels des évènements est-il en train de donner raison à ce Président de la République du Sénégal qui, en 1988, dépassé par les dangereuses manifestations de rues ponctuées par des actes de vandalisme, traitait la jeunesse sénégalaise de « malsaine » ? Pourquoi de tels actes suicidaires, des pratiques pernicieuses à la bonne santé mentale et à l’intégrité physique ? Qu’est ce qui explique que la plupart des jeunes bafouent les règles sociales préétablies qui garantissaient l’équilibre de la société ?

Cette situation est rendue complexe par le fait que la pyramide de croissance de la population sénégalaise est élargie à la base, autrement dit, l’effectif démographique du Sénégal est marqué par une proportion très importante de jeunes. Cela signifierait-il que l’avenir de la nation sénégalaise est hypothéqué ?

A défaut d’être des partisans du pessimisme, au regard de la succession des faits, il est tout à fait naturel de nourrir des inquiétudes, craintes et beaucoup de compassion en direction de la jeunesse.

En effet, le noyau familial, le socle sur lequel étaient bâtis les fondements d’une bonne éducation de l’enfant, a été fragilisé, secoué par les ondes de choc de la pauvreté grandissante et de l’instabilité des couples (taux de divorce de plus en plus important). Ce dérèglement est amplifié par la descente aux enfers continuelle de l’école publique sénégalaise consécutivement aux grèves et débrayages cycliques du personnel enseignant avec le nouveau concept malheureux de « Oubi téy grève téy ».

En effet, il est devenu de coutume et même banal que les maîtres et professeurs, du collège à l’université, désertent les salles de classe ou des amphis pour des revendications, le plus souvent, d’ordre pécuniaires et le paradoxe est que, c’étaient souvent les élèves et étudiants qui étaient abonnés à de tels actes et comportements.

Nous ne discuterons pas de la légitimité ou non de ces revendications mais le constat établi, implacablement, est que le niveau de l’éducation en ressent un sacré coup et la jeunesse sénégalaise, qui était censée être bien formée pour constituer les élites dirigeantes de demain et assurer ainsi une bonne relève, présente un autre visage ou profil : musicien, lutteur, danseur ou marchand ambulant (malgré le respect que je dois à ces acteurs) ou, pour les moins chanceux, vagabond qui finit par sombrer dans la délinquance et la drogue.

Par contre, les plus téméraires qui veulent coûte que coûte se tailler leur place au soleil et assister leurs parents qui se débattent dans les énormes difficultés de la vie au quotidien vont tenter l’aventure suicidaire du détroit de Gibraltar en faisant le « Mbeuk mi » ou en tentant le « Barça ou Barsax ». Tout en étant conscient que l’atteinte des côtes italiennes ou espagnoles restera hypothétique avec les gardes-côtes naturels (les énormes et mortelles vagues de la Méditerranée) ou par l’omniprésence des surveillants des frontières de ces Etats super hyper équipés et très renseignés de connivence avec leurs confrères africains par le biais de système de coopération mis en place, à l’instar du FRONTEX.

Mon Dieu, quel désastre humain ! Des jeunes hommes ou femmes, victimes innocentes d’une formation et d’un encadrement familial et scolaire déficients qui ne savent plus à quel saint se vouer semblent avoir complètement perdu le nord et être abandonnés à leur propre sort. Que faire pour arrêter ou au moins limiter les tragédies ?

Evidemment, une solution miracle n’existe pas mais, il demeure certain que si la question de la jeunesse n’est pas gérée convenablement et sérieusement, toute initiative de développement présente et future est vouée à l’échec et pire, la sécurité des citoyens menacée en permanence. A l’état actuel de la situation, elle doit être placée au cœur de la politique de la nation (même si un ministère lui est dédié), érigée en super priorité car la gravité des faits vécus l’exige.
Tout doit commencer par l’amélioration des conditions de vie des familles dont la plupart de ses responsables peinent, aujourd’hui, à assurer le minimum vital à leur progéniture : le manger.

Ensuite, rendre l’accès facile à une éducation de qualité qui aura des programmes adaptés aux réalités et exigences du marché de l’emploi et conduits jusqu’à terme grâce à une stabilité retrouvée dans l’environnement scolaire.

Dans la même foulée, les différentes interventions de l’Etat et de ses partenaires au développement doivent œuvrer à fixer la plupart des jeunes ruraux dans leur terroir d’origine. Pour cela, il est évident que cet objectif ne sera pas atteint par des slogans, des vœux pieux, des actions ponctuelles. Plutôt, tel qu’il a été toujours ressorti dans plusieurs plans de développement et stratégies d’aménagement du territoire, il s’agit de créer les conditions et mesures incitatives à demeurer sur place et même, des fois à opérer un retour vers sa terre natale. Ces conditions optimales à créer passent par :
- une maîtrise de l’eau (avoir accès à l’eau pour cultiver en permanence et partout) ;
- un accès au foncier (disponibilité de terres cultivables sans contraintes majeures) ;
- une disponibilité et accessibilité des financements ;
- un dynamisme et une proximité des structures d’appui et d’encadrement des bonnes initiatives économiques développées par les jeunes sénégalais ;

Egalement, faire en sorte que la territorialisation des politiques publiques visée par la réforme sur « l’Acte 3 » de la décentralisation trouve en la jeunesse, une occasion exceptionnelle pour sa mise en application conséquente. De cette manière, la politique dédiée aux jeunes aura davantage de chance d’impacter positivement cette frange de la population quel que soient leurs lieux de résidence sur le territoire sénégalais, plutôt que de la confier à un seul ministère compétent, centralisateur des ressources et des compétences. Toutefois, les collectivités locales qui prendront le relais de l’Etat ou qui le renforceront devront comprendre que la politique de jeunesse ne rimera pas uniquement à l’octroi des seules « subventions annuelles aux ASC de navétanes ».

Dans un autre registre, comme il a été discuté et expérimenté entre Etats partenaires, la coopération internationale a un rôle majeur à jouer dans la création de revenus pour les jeunes, localement. En intensifiant le volume des investissements destinés aux projets économiques des jeunes, de larges possibilités de création de richesses seront offertes notamment, dans certaines zones du pays regorgeant d’énormes potentialités naturelles et qui constituent malheureusement et paradoxalement, les grands centres de départs des candidats à l’émigration clandestine.

Pour renforcer l’argumentaire, le rôle fondamental de la presse ne pourrait être négligé. En effet, les médiats ont tellement pénétré les foyers, les confins du Sénégal et atteint les coins les plus reculés du globe terrestre, qu’ils constituent un puissant instrument d’éducation des populations en général et des jeunes, en particulier. C’est pourquoi, leurs programmes doivent être davantage améliorés, bien pensés mais aussi encadrés pour ne pas dire régulés afin de contrecarrer les effets « boomerang » dévastateurs et pervers sur la jeunesse souvent désarmée pour pouvoir filtrer les images et informations reçues intensément et sans arrêt.

« La jeunesse d’un pays est sa force et faiblesse pour son développement durable ».

Mamadou DIENG
VISION GUEDIAWAYE
Email : mdieng14@yahoo.fr