leral.net | S'informer en temps réel

Karim, une ascension à marche forcée

Etrange coïncidence entre la date du remaniement ministériel et celle de la fête du travail. Si ce n’est une volonté manifeste de la part du gouvernement de noyer la menace de boycott du défilé et de la remise du cahier de doléances par certaines centrales syndicales, ça y ressemble fort. Mais, ce qui a le plus capté l’attention des médias, c’est le déroulement de cet énième remaniement ministériel sous l’ère Wade.


Rédigé par leral.net le Mercredi 6 Mai 2009 à 03:48 | | 0 commentaire(s)|

Karim, une ascension à marche forcée
Le chef de l’Etat a nommé un nouveau Premier ministre, non sans enrober la démission du PM sortant. Le départ d’Aguibou Soumaré a quelque peu été annoncé, avec une certaine mise en scène. Aguibou Soumaré qui démissionne avant que le Président ne lui propose à nouveau de former son gouvernement. Et le premier de le remercier, prétextant la fatigue. Normal. C’est pour donner un peu plus de piquant à l’histoire. Mais enfin, c’est du Wade ! Ces scénarios de notre cher président sont dignes de Hollywood. Sauf qu’à tout le temps faire dans la mise en scène, les choses finissent par perdre de leur saveur et le suspense qui y est attaché en perd son attraction.

Aguibou est parti, mais on ne le regrettera pas. C’est un homme qui a sans doute ses qualités, mais qui laisse indifférent, de par sa réserve et son côté un peu terne. On ne l’aura pas senti passer, ni par sa présence, ni par son activisme.

Et Souleymane Ndéné le remplace. Ce polygame, natif de Guinguinéo et militant de la première heure du Pds, est l’un des rares ministres à avoir gagné dans son fief lors de ces élections locales calamiteuses pour le Pds. Cet ex-ministre de l’économie maritime qui a remplacé Djibo, le « républicain », c’est bien Jules, mais pas César. Il est l’un des rares à avoir osé braver publiquement Karim Wade, déclarant avoir plus d’expérience que lui et refusant de se ranger derrière le fils du Président. Sincérité et dignité ; cela se respecte à une époque où rares sont les ministres qui préfèrent s’épargner des déclarations qui, au fond, ne peuvent que leur nuire. Mais enfin, il l’a dit et il est en quelque sorte le supérieur hiérarchique de Karim, du moins officiellement, tant le contenu du ministère de ce dernier est tout aussi prolifique qu’hybride : ministre d’Etat, ministre de la Coopération internationale, de l’Aménagement du territoire, des Transports aériens et des Infrastructures. Karim n’a pas tout, mais, il a tout ce qu’il peut y avoir de plus alléchant possible et imaginable pour concocter un grand met bien délicieux, c’est-à-dire ministre du ciel et de la terre !

Pour en revenir à Jules, le choix porté sur lui n’est point fortuit. Il a quand même gagné dans son fief, là où presque tous les autres ministres du Pds ont perdu : Ousmane Ngom, Cheikh Tidiane Sy, Farba Senghor, Ousmane Masseck Ndiaye, Awa Ndiaye, etc. Le nouveau Pm est, secret de Polichinelle, assez proche de Macky Sall et pas si ami que cela avec Omar Sarr, autre vainqueur dans son fief, pressenti pour remplacer Hadjibou à la Primature. Sans doute une manœuvre de plus pour affaiblir davantage Macky Sall et reconquérir le Bassin arachidier, tombé dans l’escarcelle du Benno.

Mais à y regarder de plus près, n’importe qui aujourd’hui peut prétendre au poste de Premier ministre. Farba Senghor n’a-t-il pas été un ministre si puissant que des bruits ont même couru un moment, selon lesquels il était « Premier ministrable ». A cette époque, il cherchait noise à l’Asecna, se mêlait de tout et marchait sur les platebandes de Sourang. La fonction de Pm est à ce point désacralisée qu’il faille s’interroger sur l’utilité d’en nommer un. Que cela amène t-il de plus ? Après tout, c’est Wade qui décide.

Un petit rappel historique sur cette fonction : de 2000 à 2009, 5 Premiers ministres se sont succédé à la primature. Faisons un peu de mathématiques : en considérant 9 années divisés pas 5 ministres, on aboutit à une moyenne d’1 an et 8 mois par Premier ministre. Que peut franchement réaliser un Pm en 20 mois ? Entre le moment où il fait sa passation de service, s’enquiert des dossiers et commence réellement à travailler, il peut être limogé. Voilà ! Les sénégalais tout assoiffés de pouvoir qu’ils sont, ont fini de trouver ce poste si angoissant que certains ont redouté d’être consultés pour ne pas avoir à dire non à Wade ou à partir très vite à la retraite politique. Moustapha Niasse a été Premier ministre de 2000 à 20001 et cela lui a valu une certaine inimitié du Président. Mame Madior Boye a, à son tour, dirigé le gouvernement de 2001 à 2003 et le Diola l’a emportée au fond des eaux tumultueuses de la Casamance. Quant à Idrissa Seck, Premier ministre de 2003 à 2004, il a connu plus de déboires qu’autre chose, dont 6 mois de prison. Il est devenu maintenant maître dans l’art des calculs politiciens. Chef du gouvernement de 2004 à 2007, Macky Sall a certes échappé au délit de blanchiment d’argent qu’on a cherché à lui coller à la peau, mais il s’est retrouvé bouté hors du Pds, après une errance de la primature à l’Assemblée nationale. Et le dernier, Aguibou Soumaré, de 2007 à 2009, semble aujourd’hui bien soulagé d’avoir quitté le gouvernement.

Mais, quelque peu important que puisse être le poste de Pm, Jules Ndéné a quand même formé son gouvernement, et le fils du Président s’y est taillé la part du lion. Il est élevé à la dignité de ministre d’Etat dès sa première entrée dans un gouvernement. Fait d’autant plus inédit que rien que le titre de ministre d’Etat revient seulement à ceux qui se sont fait remarquer par leur comportement exceptionnel. Avec ses nouvelles attributions, Karim Wade grignote une grosse part du gâteau d’Abdoulaye Diop, dont le département finance qui s’est toujours occupé des conventions de financement avec des bailleurs de fonds multilatéraux et bilatéraux (Fonds monétaire international, Banque africaine de développement, Banque mondiale, Banque Ouest africaine de développement, UE, etc.). A moins que Karim ne s’occupe que des partenaires autres que classiques ? En tout cas, le ministère de M. Diop a été amputé de l’économie, à son insu, le ravalant à la 5ème place dans l’ordre protocolaire. Il n’est pas content et l’a fait savoir à Wade. Mais bon, ce n’est plus le problème, le sort en est déjà jeté.

En tout cas, Karim ramasse le gros lot : les aéroports, l’Asecna, Air Sénégal International, etc. Les Infrastructures, sorte de prolongement de l’Anoci ou chantiers non encore exécutés, si l’on s’en tient aux déclarations d’Abdoulaye Baldé, répondant aux questions sur un éventuel audit de l’Anoci ? Wade nous le dira avec sans doute plus de clarté.

Toutefois, ce ministère de demi-majesté n’est pas le seul qui suscite curiosité et interrogations. Et celui d’Aïda Mbodj ? Ministre de la Transformation alimentaire des produits agricoles. On est tenté de dire qu’il y a des ministères que tout politicien moyennement ambitieux devrait refuser, à moins que le besoin de devenir ministre soit si ardent. L’Institut de transformation alimentaire (ITA) suffit à cette fonction. Mais bon, Aïda Mbodj peut bien se contenter de cela. Un autre ministère, celui de la santé, ne semble pas important aux yeux de Wade, tant il est caractérisé par une grande instabilité. 9 changements de ministre en 9 ans ! Quelle politique de santé viable et pérenne peut être sérieusement menée dans un secteur aussi mouvementé ? Que penser du ministère de la culture confié à un vétérinaire dans un pays sans réel projet culturel digne de ce nom. Ah ! Le fesman (Festival mondial des arts nègres) doit se tenir en décembre 2009, et voilà le ministère qui a piloté le projet jusqu’ici qui vient d’être débarqué.

On a beau épiloguer, spéculer, discourir, un fait demeure : les gouvernements de Wade se succèdent et se ressemblent, tant dans la mixture des intitulés que dans l’incohérence des morceaux qu’on semble vouloir coller, à la greffe incertaine. Ce dernier gouvernement concocté par Jules Ndéné est-il l’amorce de quelque chose qui se trame, qui semble dépasser le commun des analystes et qui augure du partage du pouvoir ? Sans doute ! Karim est en tout cas en pôle position.

Karim se fond dans la masse

Karim Meïssa est bien en selle. Après le clin d’œil à la presse, on l’a vu se pavaner dimanche soir au combat de lutte, sport le plus populaire avec un tréfonds culturel fort au Sénégal. Les caméras de la Rts toujours promptes à aller chercher la famille Wade, là où elle se trouve, n’ont pas raté Karim en compagnie du Pm, celui qui se considère comme son grand-frère et du ministre de la jeunesse, des sports et des loisirs, Mamadou Lamine Keïta. Karim recommence à tisser sa toile et se rapproche subtilement du peuple. Il aura assisté à la chute de Moustapha Gueye, venu chercher de quoi arrondir sa retraite.

Le parcours de ce dernier est riche en enseignements, il a vite fini de montrer que dans la vie, les choses ne sont pas si linéaires que cela. Moustapha était à son apogée, il attaquait cognait et gagnait, mais depuis, c’est la descente aux enfers. Balla Gaye 2 l’a envoyé planer dans les airs en 1 minute et quelques secondes, avant qu’il ne s’écroule par terre. Donc, on peut bien tomber et se relever – en bénéficiant d’un coup de pouce comme celui de Gaston Mbengue, et retomber quand même. Clin d’œil destiné cette fois à Karim : qui veut aller loin ménage sa monture, et le chemin vers le succès est toujours parsemé d’embûches. Gare à une nouvelle chute, elle peut être d’autant plus douloureuse.

PS : aux dernières nouvelles, on apprend qu’Abdoulaye Diop a repris son « économie » et maître Ngom, ses « mines ». Pauvre Ibrahima Cissé, ministre d’ un week end ! Du jamais vu !

nettali

leral .net